Amoureuse

Amoureuse

Je me souviens du temps de mon ancien blog avoir écrit un article qui s’intitulait « Il y a un temps pour tout ».  Et je croyais fermement alors que le temps des amourettes était derrière moi. Je savourais ma chance d’en avoir bien profité. Je me disais que l’amour maternel avait tout balayé sur son passage. C’était il y a combien de temps ? Trois ans sans doute.

J’ai deux enfants de trois et six ans, J’aurais bientôt 38 ans, et j’ai l’impression d’en avoir 15 en ce moment. Quand est-ce que cela a commencé ?

C’est toujours dur a posteriori de le dire. Je l’ai vu pour la première fois en 2012, je retrouve un échange de mails plein de vouvoiements et de respect mais ne garde presque aucun souvenir de cette entrevue. Enfin si, je me souviens avoir cassé mon stylo pendant l’entretien, ce qui m’avait profondément contrariée. Et je me souviens que mon chef de l’époque le détestait, ne voulait pas le voir, et avait dit en plaisantant qu’il m’envoyait à ce rendez-vous comme une arme secrète.

Nous avons commencé à travailler ensemble en 2019, et ça je m’en souviens bien, car très vite, de suite, j’ai particulièrement aimé travailler avec lui. Il n’est pas allemand. Il n’est pas allemand dans une marée d’allemands. Il s’habille bien, il arrive en retard et trouve ça drôle, il est incroyablement intelligent. Il est rare dans mon quotidien que je me sente dépassée ou au moins stimulée intellectuellement. Depuis que nous travaillons ensemble, d’abord contraints puisque nos administrations ont été fusionnées, je sens de nouveau mon cerveau fonctionner, et ça me plait.

collègues complicité travail
Crédit photo : Brooke Cagle

Il a une bouche particulière, les dents légèrement en avant, une dentition qu’on corrigerait sans doute de nos jours mais qui fait tout son charme, son sourire. Il a des mains un peu carrées, fortes et musclées, sans poils. Lorsqu’il porte une chemise près du corps et qu’il s’assoit, j’entrevois son torse entre deux boutons, et cette image me rend dingue, me déconcentre, et je ne comprends plus rien.

Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble je me suis demandée un temps s’il était homosexuel. Parce que son apparence contraste avec celles de nos collègues, parce que j’ai compris qu’il vivait seul et n’avait pas d’enfants. Un jour, c’était à l’été 2019 je me souviens, il m’a attendue à la fin d’une réunion, je me suis dit que ce n’était peut-être pas un hasard. Beaucoup plus tard, à la fête de Noël, il avait bu quelques bières, il s’est assis à côté de moi et d’une jeune collègue, et j’ai eu la certitude qu’il n’aimait pas les hommes.

Très vite, j’ai fait en sorte d’être là quand il l’était, de le voir le plus possible. Je me suis faite belle les jours de nos rendez-vous, je me suis montrée sous mon meilleur jour, efficace, vive, charmante, jolie. Assez vite, il a été clair qu’il m appréciait professionnellement. Assez vite, j’ai remarqué ses regards fascinés les jours où je portais une jupe.

J’écoute en boucle des morceaux qui me font penser à lui. Et quand mes copines me rappellent à l’ordre, me disent que je ne suis pas raisonnable, indécente, folle, je ne les écoute pas. Je sais que l’amener à tromper sa compagne – il en a bien une – est amoral. Je sais que l’amour au travail n’est presque jamais une bonne idée. Mais je me sens amoureuse, follement, depuis longtemps et maintenant que le train est lancé, que je reçois quotidiennement des signaux de son côté, je ressens une injonction physique à ne pas l’arrêter.

Je pense à lui nuit et jour, je me masturbe avec une telle intensité que j’en ai mal. J’attends ce moment, qui doit venir, qui viendra, où nos corps se rapprocheront également. Pour le moment notre relation est faite de doux messages aux alentours de 22 heures et de rendez-vous quotidiens à la barbe des règles corona – mais toujours avec 1,5 mètre de distance, ce qui fait que jamais, au cours des derniers mois, nos corps ne se sont ne serait-ce que frôlés.

Je prie pour qu’il soit discret et il ne l’est pas. Il se connecte le soir sur le système de messagerie directe de l’administration alors qu’il ne l’avait jamais fait avant et tout le monde peut le voir. Il m’envoie des invitations sur mon calendrier professionnel sans penser que ma secrétaire bavarde les voit. Il reste systématiquement avec moi à la fin des réunions. Il m’amuse, et j’essaie en même temps de l’inciter à être plus discret. Un reste de raison.

Je suis amoureuse, je sais que ce n’est pas raisonnable, bête, sans doute que je le regretterai mais j’ai l’impression de ne rien y pouvoir.

12 commentaires sur “Amoureuse

  1. Hello ! Cet article est si bien écrit qu’on est amoureuse avec toi !
    J’ai vécu des moments comme ça (au boulot aussi d’ailleurs) où on a l’impression de faire une bêtise mais où on se sent (où on est !) tellement vivant que ça n’a pas d’importance.
    Bien sûr, ça ne finit pas toujours bien. Bien sûr malgré la folie du moment, mieux vaudrait se proteger un peu (non je ne parle pas de capotes !) mais…
    Ça me fait penser à cette chanson de Goldman qui parle “Des vies qui nous attirent De brûlures et de clous Oui, mais ne pas les vivre C’est encore pire que tout.”
    Après vous êtes des adultes et peut être qu’avec le dialogue, il y a moyen de vivre cette passion sans trop de dégâts d’un côté ou de l’autre (Le monsieur à l’air motivé aussi !).
    Prends bien soin de toi.

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  2. Damn ! On n’en ressent presque les papillons dans le ventre !!!
    Oui c’est mal mais je me prends à rêver d’un développement en ta faveur depuis l’écriture de l’article 🤞

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  3. C’est bien écrit, on croirait du Barbara Cartland 😀
    C’est sur que la romance au bureau, c’est souvent compliqué mais j’ai aussi de beaux exemples avec une super vie de couple/de famille derrière.
    Par contre, je conseillerai vraiment de séparer le boulot du privé et de ne pas utiliser la boite mail, le tchat… du travail pour flirter. Car il n’est pas rare de se tromper de destinataire ou qu’un collègue face une capture d’écran et la partage à toute la boite.

    Après, ce qu’il faut peut être clarifier derrière c’est ce que chacun attend de cette relation si relation il y a. Si il est en couple, veux tu qu’il se sépare ? Te mettre en couple avec lui ?
    Veux tu « juste » t’amuser, profiter, sans rien de sérieux?
    Ou ne veux tu rien de plus que rêver et ne pas aller plus loin ?
    Dans tous les cas, il faudrait probablement vous mettre d’accord, avant.

    Est ce que ca t’aide à avancer/à tourner la page depuis ta rupture ?

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  4. Comme je te comprends et comme cet article résonne en moi… Je te souhaite juste de ne pas te brûler les ailes dans cette histoire et que tu arrives à t’epanouir sans t’oublier toi, ce que tu souhaites réellement… !
    De mon côté, je suis tombée aussi amoureuse de quelqu’ un d’autre fin 2019 et c’est réciproque mais je suis mariée et il vit avec sa compagne( et nous avons tous deux des enfants de 3 ans et demi pour moi, 5 ans et 2 ans pour lui)… On se cotoyait depuis un an et un jour suite à une formation, il m’a proposé de me ramener chez moi. Quand j’allais sortir de la voiture, je l’ai remercié et nos regards se sont accrochés intensément au point d’en oublier le monde extérieur, mon coeur a fait BOUM. C’était violent, intense, jamais je n’ai autant senti le désir entre nous juste à partir d’un regard. J’ai failli lui faire la bise puis je suis partie comme une voleuse. Depuis 15 mois, on se voit régulièrement de par nos postes à responsabilités dans des assos, dans un petit village de 2200 habitants. C’est suis moi, je te fuis et vice versa… C’est épuisant émotionnellement, exaltant aussi par ces émotions et sensations oubliées de se sentir aimés, désirés et être vivants comme tu le dis. C’est aussi douloureux car j’ai mon engagement aussi envers mon mari et je n’arrive pas encore à reparler. à mon crush de ce qui s’est passé ce jour là. On s’est rapprochés physiquement, on se frôle, il n’y a pas de distanciations entre nous. Nos mains se touchent parfois furtivement. Je suis tellement partagée entre vivre cette histoire qui me semble importante ( juste égoïstement pour moi car ça me rappelle juste que je suis une femme aussi et pas que mère)et l’amour que je porte à mon mari et dont une des principales valeur est la confiance…
    Encore bonne chance à toi et vis ces moments intensément !

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  5. Edith te dirait que non, rien de rien, elle ne regrette rien… Les pulsions comme celles-ci se refoulent difficilement, vous êtes deux adultes responsables…Ça ne regarde que vous… Mais si vous n’êtes pas discrets, effectivement au bureau vous allez rendre heureux ceux qui aiment les histoires croustillantes ! 😀

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  6. J’allais dire exactement la même chose que Laura, je ne répéterai donc pas son commentaire ! Et ne seule chose en plus : ton récit me rappelle furieusement une histoire que j’ai vécue à 20 ans (même la description du monsieur pourrait correspondre, c’est drôle), et la seule chose que j’en ai retenue c’est qu’il vaut mieux ne rien attendre de sérieux dans ces cas-là (pas dans les histoires au travail, plutôt dans les mecs en couple qui charment quand même . Après, toutes les histoires sont différentes, je ne présume pas de ce que tu veux, et à 38 ans on est bien différente d’à 20 !

    J’admire aussi ta certitude que « le moment viendra », je ne l’ai jamais eue donc ça me fascine un peu qu’on puisse l’avoir (comment tu fais 😀 ?!).

    En tout cas, quelle que soit l’issue, j’ai l’impression que tu avais bien besoin de quelque chose comme ça, ça doit te faire du bien !

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  7. Drole d’histoire.Quand c ‘est nous qui est preferee, on est aux anges, mais si c’est elle que notre mari/conjoint prefere, on est a l’enfer, on souffre.On damne l’autre.Et puis ces encouragements « vous etes adultes ca ne concerne que vous ».Depuis quand les moeurs ont changes si hypocritement? Vraiement, sans gene.

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    1. Je suis partagée sur votre commentaire. Je vois bien où vous voulez en venir, cependant c’est bien le monsieur qui est (peut être) amoral, et pas Suzanne. Les mœurs n’ont jamais changé, il y a toujours eu et de tout temps, des trompeurs et des trompés. Nous ne connaissons pas le contexte (monsieur est dans un couple qui vit la fin de son histoire, couple qui ne vit pas/plus ensemble, couple sans enfant ou au contraire couple qui se perd à cause d’une famille trop nombreuses, couple « libre », ou toute autre configuration possible). Bien sûr que le monde serait plus rose et plus confortable si on ne tombait amoureux que lorsqu’on est célibataire d’une personne célibataire. Bien sûr que mon mari ne survivrait pas à un cocufiage (il le sait alors il est sage). Bien sûr que quand on est trompé on se sent désespéré (RIP mon connard d’ex).
      Il me semble que le témoignage de Suzanne met en lumière ce que peuvent vivre de nombreuses personnes, et qu’elle a la maturité nécessaire (dans le sens où elle n’est pas une minette de 20 ans avec un QI de mouette qui se cherche un sugar daddy) pour discerner le bien du mal de ses actions et des conséquences de celles-ci.

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    2. Déjà, pour qu’un message ait plus de chance d’être compris, la bienveillance est préférable. (Et aussi pour montrer qu’on sait se comporter correctement en société.)

      Sinon, je suis d’accord avec Rigel.
      Suzanne n’est plus en couple et n’est pas responsable de ce que fait son « amoureux ». Peut être est-il dans un couple « libre », en pause, en séparation. Donc on n’a pas à le jugé.
      Et si il trompe sa copine comme un abruti, il est le seul responsable, pas elle. Elle ne le force à rien.

      Deuxièmement, jusqu’à présent il ne s’est rien passé de notable. Pas de baiser, pas de rendez-vous, ni de coucherie. Peut-on condamner pour des sourires, des échanges (qui ont l’air assez chastes), un fantasme ?

      Et enfin, ce sont deux adultes. Ils font ce qu’ils veulent et en connaîtrons les conséquences, positives ou négatives.

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