Avis de tempête : imminent

Avis de tempête : imminent

« Et pour finir, la météo des plages : mer calme, soleil radieux, mais quelques nuages noirs à l’horizon laissent entrevoir la possibilité d’une tempête dans l’après-midi. »

Si seulement…

Il y a les tempêtes que l’on voit venir, celles qui s’annoncent comme un réveil chagrin annonçant un matin difficile, celles que l’on peut anticiper et presque éviter. Et il y a les autres. Celles qui sont tellement inattendues qu’elles en sont dévastatrices. Celles qu’on constate, impuissant, et dont on attend la fin en espérant qu’elle viendra vite. Celles qui nous laissent vides, fatigués, et dont on espère qu’elles ne reviendront pas de sitôt.

Ton cœur est comme cette plage que tu connais si bien : vaste, beau, ouvert. Lorsqu’un vent calme y souffle, les enfants rient sur la plage, les promeneurs profitent du soleil et de l’air iodé. Ta journée se déroule comme elle a commencé : simplement, doucement. Comme j’aime ces journées où tout est facile ! Je te regarde jouer, nous lisons des histoires, tu ris, la vie est belle, simple et douce.

Parfois les journées se passent sans heurts, comme ces journées de grand beau temps en vacances. Mais quand pointent à l’horizon le nuage de l’injustice, celui de l’incompréhension, ou encore celui de la fatigue, quand le soleil a brillé si fort toute la journée que tu as filé, vive, sur des flots tranquilles, et qu’à l’approche du soir il est nécessaire de ralentir, alors l’avis de tempête est imminent. Les vagues se font plus fortes, le ciel s’assombrit, et sans y prendre garde, d’un coup, c’est la tempête. Accrochée comme tu le peux à ton frêle esquif, les vagues t’emportent et bientôt tu grondes avec elles. Tout est emporté, et ceux qui restent sur la rive ou s’approchent de ton embarcation pour t’aider à retrouver le cap et continuer ta route sur les flots déchaînés se voient renvoyés à leurs propres préoccupations, c’est ta tempête, et pour le moment tu l’affrontes seule.

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Crédit photo : Yuri B

Il nous faut alors du temps et de la persévérance, pour revenir inlassablement, t’aider à faire revenir le calme en te montrant, à travers les nuages, le soleil qui perce, et les vagues plus calmes au loin. Il nous faut chercher, creuser avec toi, parler, pour trouver et comprendre quel était le nuage noir, celui qui a causé la tempête, et ensemble, chercher la solution qui te permettra de reprendre ta route au calme.

Il faut avouer que ces tempêtes sont fatigantes pour tout le monde. Pour toi, qui essaies de retrouver une stabilité et une route sûre au milieu de la tempête, pour nous, qui vivons aussi nos propres tempêtes, et devons passer au travers pour t’aider à affronter les tiennes sans toujours savoir quand ni comment elles se calmeront. Le problème de la fatigue, c’est qu’elle te rend plus vulnérable à ces tempêtes, qu’elle en facilite l’apparition et rend le retour au calme plus difficile. Le problème, tu le dis toi-même, c’est qu’elles te laissent vides, et qu’il faut du temps pour que ton cœur chamarré, laissé gris par une tempête, retrouve ses si jolies couleurs.

Tu es de celles, Choupette, qui vivent tout si fort qu’il t’est compliqué de comprendre pourquoi il faudrait vivre moins fort ou atténuer les couleurs des événements. Ton curseur à toi est dans le « très », parfois dans le « trop », là où celui de ta sœur est plutôt dans la norme, et si tu l’apprivoises souvent et mènes ta vie en surfant sur les vagues des émotions, chaque grain de sable dans les rouages vient déstabiliser ton embarcation et, du haut de tes 4 ans, la vague de l’émotion vient alors te submerger.

Nous voilà donc, sauveteurs en mer sur nos bateaux de sauvetage, à faire des aller-retour entre ton navire et le rivage, entre toi qui as besoin d’aide, et l’entourage qui ne comprend pas. Tes frères et sœurs qui ne comprennent pas pourquoi tu as parfois droit à certaines faveurs auxquelles ils n’ont pas droit, ceux qui ne comprennent pas pourquoi nous ne te laissons pas affronter la tempête seule, et ceux qui pensent que nous devrions être plus présents, plus à l’écoute, plus fermes, plus… Nous nous justifions donc, auprès des petits pour leur rappeler que parfois c’est eux qui sont favorisés, et auprès des grands pour leur dire que s’ils savent si bien y faire, ils sont les bienvenus pour affronter les tempêtes à notre place.

Et puis il y a l’après tempête, ce moment où nous en reparlons ensemble, et où, ensemble nous cherchons ce qui a provoqué la tempête et comment retarder l’arrivée de la prochaine. Nous fixons des règles avec toi pour éviter l’injustice qui t’est si difficile à vivre, et nous convenons de les rappeler régulièrement. Si j’étais un peu plus manuelle, je ferais sans doute l’un de ces jolis tableaux avec des dessins léchés pour illustrer chaque règle, en attendant, le fait de les rappeler te convient et à moi aussi. Nous demandons de l’aide aussi, parfois, à des capitaines plus expérimentés, de vieux marins habitués des tempêtes qui peuvent t’aider à les prévenir et les affronter, parce que tu es la première à en pâtir et à le savoir.

Et puis la vie reprend son cours, calme, colorée, paisible, et nous profitons en famille de cette accalmie, sans penser aux tempêtes qui pourraient arriver de nouveau.

17 commentaires sur “Avis de tempête : imminent

  1. Bonjour !

    Si vous saviez à quel point votre article m’évoque l’autisme !
    Avez vous consulté ? L’autisme est encore très, trop souvent, sous-diagnostiqué en France, surtout lorsqu’il s’agit d’autisme au féminin. Si ce n’est pas déjà fait, alors je vous encourage vivement à vous renseigner et à consulter auprès de gens compétents (CRA de préférence).
    Bien à vous. Courage.

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  2. Très bel article, plein de pudeur et d’amour… On a affronté beaucoup de tempêtes avec la plus grande, et on sent bien qu’elle est toujours à fleur de peau et que sa sensibilité lui posera toujours un peu plus de difficultés que celles de ses soeurs… Du haut de ses 7 ans, elle parvient à mieux maitriser ses tempêtes maintenant, si ça peut te rassurer pour la suite…

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    1. Merci ! Ca me rassure un peu, et ça confirme aussi un peu ce qu’on voit : l’acquisition du langage avait un peu aidé, le fait d’être capable de faire un retour sur soi et de nommer ses émotions aussi. Je me dis qu’en grandissant elle apprendra aussi à mieux accueillir et gérer les tempêtes.

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  3. Comme Gisèle, je reconnais énormément mon aînée dans tes mots, et tout comme sa grande, la nôtre aussi gère de mieux en mieux ses tempêtes d’émotion. Je ne dis pas que tout est rose tous les jours, et ce matin encore, c’est sous une grêle de cris et de pleurs que je l’ai laissée devant le portail de l’école, le coeur en miette, mais je te promets que ça s’apaise en grandissant, avec les mots, avec les activités refuge (la lecture, le dessin), avec les réassurances quotidiennes de notre part, de ses maîtresses.
    Courage, je suis de tout coeur avec toi, dans la tempête de la plage d’à côté….

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    1. Merci ! J’espère de tout cœur qu’elle réussira à s’apaiser ou à apprivoiser les tempêtes avec le temps, c’est déchirant de la voir dans certains états de fureur ! Le sport aidait bien à canaliser, mais avec le COVID, c’est cuit.

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  4. Ça me rappelle mon fils qui a parfois du mal à gérer ses émotions même si ça c’est bien calmé ces derniers mois mais bon on a encore des tempêtes émotionnelles. C’est pas facile à gérer mais ça fait partie de notre job de parents d’aider nos enfants à traverser ces périodes si intenses.

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    1. Je suis bien d’accord. Après, très honnêtement, on a fait appel à un psy, parce qu’on n’arrivait plus à l’aider à traverser les tempêtes, ou du moins plus assez bien. C’était la seule chose qu’on arrivait à faire pour l’aider, parce qu’on n’arrive pas vraiment à lui faire dire ce qu’il y a derrière ces tempêtes.

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  5. Moi je n’arrive plus à surfer sur les vagues en ce moment. Je ne peux plus absorber les tempêtes. ça demande trop de force au capitaine pour tenir la barre du bateau! vous faites quoi quand vous êtes trop fatiguées?

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    1. Oh plein de courage ! Quand je n’arrive plus à gérer, souvent je me maîtrise pour ne pas crier, je lui explique que je comprends la colère, mais que là, je ne peux pas rester avec elle parce que je suis fatiguée, qu’elle est en sécurité là où elle est, et que je suis disponible ailleurs quand elle sera calmée. Ca fonctionne plus où moins, si elle me suit je la remets manu militari dans sa chambre, et elle revient quand elle est disposée à discuter. En parallèle, on a commencé un suivi psy. Et quand mon mari est là (ce qui est assez peu fréquent en ce moment, mais c’est une situation transitoire), je lui passe la main, et je sors de la maison.

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    2. Courage Margot !
      Je ne suis pas à ta place, les tempêtes sont assez rares mais il n’empêche que je fatigue assez souvent. Et dans ce cas, j’essaie de me ménager du temps pour moi, pour prendre soin de moi, me reposer et me changer les idées.
      En soirée, si je craque, je demande à mon mari de gérer et je me prends un bain ou une longue douche, ou je m’enferme dans notre chambre pour un film feel good, porte fermée à clef.
      Lors des weeks-end ou des vacances, je sors me balader seule, voir des copines, vais bouquiner dans un café (enfin allais)… Je découche une nuit tous les 2 mois environ (avec des amies mamans ou moins souvent avec mon chéri).
      Et je dois dire que soit par téléphone, soit lors de nos rencontre avec mes sœurs et mes amies ont passe une partie de notre temps à se plaindre, de nos enfants, de nos maris… souvent de broutilles, parfois de choses plus grave. Ca fait un bien fou de parler. Ca nous permet d’avoir des oreilles attentives qui ne nous jugent pas et aussi parfois de voir que ce qu’on vit, d’autres le vivent aussi. (Et même quelques rares fois, d’avoir de bonnes idées à tester.)
      (Je précise que mon mari aussi fatigue et à le droit d’aller décompresser seul pendant que je gère les enfants.)
      On est toutes différentes, je te conseille de tester pour voir ce qui t’aide vraiment.

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    3. Et puis aussi, je m’accorde des temps de décompression sans petite boule d’émotions dans les parages. Je vais à la bibliothèque seule, je vais voir des copines, je me plains aussi, histoire de dédramatiser et d’avoir une oreille attentive à mes histoires de tempêtes émotionnelles. Je prends aussi el temps de passer de bons moments avec ma fille, pour pouvoir recharger nos batteries à toutes les deux et ancrer des souvenirs de relations autre que des cris au milieu de tempêtes.

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  6. Merci les filles! je parlais de gérer les colères quand on est fatiguées surtout. Et je vois que Ysée fait pareil que moi, à savoir la mettre dans sa chambre pour que sa fille se calme et parler après. Ce qui est dur c’est quand c’est impossible pour lui de rester dans sa chambre… donc il ressort en hurlant, on l’y remet, il hurle de plus belle dans nos oreilles qui saignent, et là il faut exprimer bien clairement que la colère c’est dans la chambre mais que maman n’a pas la patience là, même si elle est là. En général il hurle à la porte entrouverte du coup. Mais c’est le seul compromis que j’ai trouvé entre « non mais oh tu ne vas pas me hurler dessus impunément 20 mns quand même » et « bon, faut que ça sorte, je ne veux pas non plus lui hurler dessus pour qu’il se taise ». On a un suivi psy aussi. Des petits progrès mais petits! (mais des progrès quand même)
    Mais ça passe toujours en effet! Et d’accord avec vous sur le fond, poru gérer ça il faut être bien soi-même et donc ne pas oublier de prendre soin de soi. Merci pour vos réponses!

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