Du bleu pour les filles, du rose pour les garçons ! – Partie 1

Du bleu pour les filles, du rose pour les garçons ! – Partie 1

Aujourd’hui, les chroniqueuses viennent te parler d’éducation non-genrée : qu’est ce que cela veut dire pour elles ? Comment l’appliquent-elles au quotidien ? Quelles sont les difficultés ou limites qu’elles rencontrent ?

Et pour ouvrir cette série, nous te proposons de découvrir les témoignages de Maman Bulle et d’Albertine.

Trois p’tits mecs chez Maman Bulle

Pour moi, il a toujours été évident que mes enfants soient élevés sans distinction de genre, j’en avais trop souffert dans mon enfance et ma jeunesse. J’en garde encore d’ailleurs certaines « traces » adulte, dont il est difficile de se défaire. Et j’ai été assez fière de moi car finalement, les débuts de ma vie de parent qui refuse que la loi du genre s’installe à la maison, ont été assez simples. Mes garçons en plus m’ont facilité la tâche, que ce soit en s’intéressant dès le plus jeune âge à des jouets que l’on pouvait trouver dans les fameux rayons « filles » ou en souhaitant laisser leurs cheveux pousser (d’ailleurs, j’ai failli crever quand on a coupé les cheveux de mon grand, même si c’était à sa demande et pour des raisons de praticité). Je n’ai jamais hésité à utiliser des vêtements ou des objets étiquetés « fille », c’est-à-dire, parlons clairement, des trucs roses (à paillettes) car j’ai toujours utilisé les choses qu’on me prêtait/donnait et que je m’en fichais de la couleur, tant que l’objet en question faisait le job.

Ainsi, j’ai passé mon temps, un dimanche de vide-greniers, à dire à tous les gens qui passaient devant mon fils installé dans son cosy avec en dessous lui, un coussin de siège rose, que non, ce n’était pas une jolie petite fille mais un magnifique petit garçon. Mais à vrai dire, je m’en fichais, ça ne m’a jamais ni touché ni vexé qu’on prenne mes garçons pour des filles.

Mes garçons grandissent et je suis toujours fière de les voir choisir librement les couleurs de leurs vêtements. Récemment, j’ai même acheté des pyjamas à mon aîné au rayon « fille », notamment un pyjama rose licorne. Mon fils l’adore. Et je me réjouis aussi quand j’entends mon Numerobis dire qu’il adore le rose. Au fond, je trouve ça quand même assez ridicule, car est-ce que je réagirai pareil si j’avais une fille et qu’elle me disait que sa couleur préférée est le bleu ? En fait, je crois aussi que du coup, parce que mes enfants sont des garçons, inconsciemment, je souhaite qu’ils se « féminisent » pour effacer un peu le genre de notre quotidien. J’aimerais au final que tout cela ne soit pas à noter. Ne pas me dire « cool mon fils aime/porte du rose », mais juste, c’est un fait, mon fils porte un pantalon rose. Sans connotation derrière. Sans arrière pensée. Sans pression de la société. En fait, j’aimerais que ça ne devienne plus un sujet de discussion.


Par contre, je dois te faire une confidence malgré tout. Récemment, j’ai laissé mes garçons choisir leurs claquettes pour aller au judo (tiens, spoiler… finalement, ils ne font pas de judo !) et l’Elu a choisi des claquettes roses. Je suis passée par pleins d’émotions… La fierté tout d’abord, qu’il choisisse la paire de claquettes qu’il aime sans se soucier du reste. Mais aussi la peur. Oui, j’ai eu peur qu’il se fasse moquer par les autres enfants. Ensuite, j’ai culpabilisé de penser cela… Bref, la question de l’éducation non genrée, ce n’est pas un long fleuve tranquille !!!

Image générée par Chaperon Rouge sur Adobe Firefly

Chez Albertine

La première fois que j’ai entendu parler de la question du genre, c’était sur les bancs de l’université. Ma prof de socio, enceinte jusqu’aux yeux, nous a initiés aux gender studies et aux conséquences désastreuses des stéréotypes hommes / femmes dans lesquels se nichent le fondement de nombreuses violences patriarcales. Je pense que c’est à ce moment-là que je suis devenue féministe. J’ai beaucoup bouquiné sur la question du genre et, aujourd’hui encore, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je pourrai dialoguer pendant des heures. (Ce que je ne vais pas faire aujourd’hui je te rassure ;)).

Quand Petit Viking a débarqué, j’avais donc bien décortiqué le sujet et j’ai mis en place de manière spontanée pas mal de choses pour lesquelles j’étais déjà convaincue. Pour les vêtements et les jouets j’ai toujours pioché dans les deux rayons en fonction de ce qui me plaisait et un peu plus grand il a fait la même chose. Je me souviens le voir arriver en maternelle avec ses chaussures-Pat’Patrouille-roses-à-paillettes-qui-font-de-la-lumière (je ne sais pas qui du féminisme ou du capitalisme a gagné ce jour-là…), ses t-shirts licorne à sequins ou son sac à dos “Reine des Neige”.

En revanche, depuis le CP, le regard des autres et la peur qu’on se moque de lui ont malheureusement pris le dessus ; le bonnet licorne reste donc à la maison mais je n’en fait absolument pas un cheval de bataille. Il faut qu’il se sente bien avant tout. En revanche on en discute : “souvent on se moque du rose et des trucs de filles parce qu’il y a beaucoup de monde qui pense que les filles sont moins bien que les garçons, et que du coup porter un truc de filles c’est être moins bien. Tu en penses quoi toi ?”. Il sait aussi que la maison est une « safe place » où il peut s’habiller absolument comme il veut.

J’ai eu l’impression, en échangeant autour de moi, que l’éducation non genrée était “plus facile” pour les petites filles (qu’on encourage à se dépasser et à ne pas se poser de limites) que pour les garçons. Comme si proposer à un garçon de faire de la danse ou de porter du rose était plus problématique. Le papa de Petit Viking avait toujours un temps d’arrêt quand il arrivait avec un nouvel accessoire étiqueté “fille” alors que je sais que l’inverse ne l’aurait pas interpellé. 

L’éducation non-genrée chez nous se matérialise aussi par beaucoup d’échanges autour du corps, du consentement, des émotions. On parle très souvent de ce qu’on ressent, on nomme toutes nos émotions (domaine dans lequel Petit Viking excelle avec des phrases qui nous font souvent sourire : “houlala je suis extrêmement frustré moi ce matin”). On appelle toutes les parties du corps par leur vrai nom, pénis, vulves et testicules inclus !

Le consentement a toujours été très important depuis qu’il est petit et maintenant encore je ne lui fais jamais de bisous ou de câlins sans lui demander son accord (et c’est pareil pour les autres même si c’est parfois compliqué à gérer pour ma mère par exemple). On parle aussi consentement quand les petits copains viennent à la maison et qu’ils prennent le bain ensemble. Et, au-delà du corps, on applique le consentement au quotidien. On ne force pas quelqu’un à faire un jeu ou une activité s’il n’en a pas envie… mais cette règle ne s’applique pas aux devoirs ;). Bien sûr il y a tout un cadre non négociable de règles et j’arrondis les angles pour travailler en parallèle la gratitude. Par exemple, s’il reçoit un cadeau qu’il n’aime pas, il peut venir me le dire discrètement mais j’exige quand même qu’il remercie sincèrement la personne pour l’effort qu’elle a fait de lui offrir un cadeau. Au global, on apprend à écouter ses envies et les signaux envoyés par son corps. 

Je lutte aussi contre la grossophobie : Non ce n’est pas parce qu’une personne mange trop de frites et ne fait pas de sport qu’elle est grosse. On peut faire du sport tous les jours et être gros.s.e. Et ça n’est pas parce qu’on est gros.s.e qu’on est en mauvaise santé ! Il n’a pas toujours le même discours chez son papa donc c’est d’autant plus important pour moi d’insister sur ça. Je mets un point d’honneur à ne jamais commenter son corps ou son appétit ou à comparer la quantité de ce qu’il mange avec les autres enfants. On apprend à observer son corps, à lui faire du bien et à l’aimer !

On échange bien sûr sur les stéréotypes dans les livres ou les dessins animés : pourquoi il n’y a qu’une fille dans les Ninjago ? Et pourquoi elle ne se bat pas au début ? Et pourquoi les filles dans les Pokémon se sont souvent des infirmières ? Est ce qu’un garçon aussi il peut être infirmier ? Etc. L’objectif n’est pas de critiquer en permanence tout ce qu’il regarde et lit mais de l’interpeller et de lui faire réaliser que certaines choses doivent être prises avec recul. On parle de discrimination, de racisme, de validisme, d’hétéronormativité…

Lorsqu’il a des questions, j’essaie de mettre à sa disposition les réponses adaptées et je suis hyper reconnaissante de vivre à notre époque où il existe des livres et des ressources féministes accessibles pour tous les âges et presque sur tous les sujets ! Bien sûr, je fais aussi attention à ne pas le saouler en permanence et à ne pas transformer chaque échange en revendication féministe. Je reste persuadée de toute façon qu’au-delà des livres et des discussions qu’on aura, le féminisme se transmet aussi (surtout ?) par les actions et les exemples qu’il va avoir autour de lui. 

Pour conclure, je crois que je ne me suis jamais dit “quand j’aurai des enfants je vais absolument faire de l’éducation non genrée”. En revanche j’ai mis en place plein de choses que j’avais lu / vu ailleurs et/ou qui me paraissaient importantes. 

Ce n’est pas une science exacte, on ajuste tout le temps et je suis bien consciente que, même avec toute la bonne volonté du monde, je véhicule certainement encore des stéréotypes sexistes. Je n’ai jamais censuré les livres ou les films où les stéréotypes sont très présents (ça réduirait pas mal les possibilités ^^).  Mais en tout cas j’essaie de faire les choses en conscience, d’être dans le dialogue et dans la déconstruction 90% du temps. Et les 10% je laisse couler car le militantisme c’est fatiguant et que la perfection n’existe pas ! Et ça c’est valable pour tout 😉

5 commentaires sur “Du bleu pour les filles, du rose pour les garçons ! – Partie 1

  1. Bonjour,

    Vos témoignages sont très intéressants. J’ai une petite fille de 2 ans, mais si j’avais eu un petit garçon, je ne suis pas sûre que j’aurais été capable de lui mettre beaucoup de vêtements roses. En général, je trouve la question des vêtements liés aux genres toujours difficiles. Faut-il mettre des robes/jupes à nos enfants ? Faut-il habiller une fille sans rose, paillettes et licornes ? Je trouve que les vêtements sont très genrés, plus que les jouets. Quand occasionnellement, j’achète un vêtement neuf à ma fille, je suis toujours surprise qu’il n’y ait pas plus de rayon non genré ou de vêtements plus divers dans les couleurs. Au rayon fille, on a le choix entre rose ou blanc…

    Est-ce que les prochains témoignages seront ceux de chroniqueuses ayant des filles ? Je suis très curieuse de savoir comment je pourrais m’améliorer sur le sujet ;). Étant une femme travaillant au milieu d’hommes, c’est un sujet que je trouve très intéressant !

    Sinon, je serai intéressée de connaître les titres des livres féministes pour enfant ;).

    Pauline

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    1. J’ai deux filles et c’est vrai que tout est épouvantablement genré !

      J’achète du rose, des paillettes, de la licorne,… mais aussi du bleu, du rouge; du orange,… j’essaie de les habiller en multicolore joyeux. Et de beaucoup discuter (surtout depuis qu’elles sont à l’école) sur le fait que les couleurs filles et garçons ça n’existe pas !

      Mais c’est une vigilance à avoir constamment. Je vois bien pour ma numéro 2 j’ai moins fait attention : avec les cadeaux et les vêtements récupérés voilà que la moitié de sa garde robe est rose. Au changement de taille je ferai attention à rééquilibrer, mais que c’est fatiguant de devoir éduquer nos enfants à contre-courant du discours dominant…

      (Ça a été inventé par les marchands pour nous faire acheter les objets en double…)

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  2. Je pense que ce type de discussion avec les enfants est encore et toujours nécessaire à la maison pour leur donner les clés pour exprimer leurs émotions et « se défendre » !

    Ma fille est en CP, pour l’ouverture du festival culturelle de notre petite ville, sa classe prépare un spectacle de danse (sur le thème du sport). Un des petits garçons de sa classe, avant la 1ère séance, a dit que la danse, c’était que pour les filles. Un autre, qu’il fallait pas que la maitresse dise dans son cahier de liaison que c’était un spectacle de danse sinon ses parents allaient trouver ça ridicule !

    A priori, d’après ma fille, levée de boucliers de la part des filles de la classe, de certains garçons, appuyés par la maitresse !

    En ce qui concerne les vêtements, ma fille va au Rayon garçon, souvent pas par choix mais par besoin : les shorts de filles sont trop courts, les pantalons n’ont pas de poches…alors que les garçons ont droit à tout ça sur leur vêtement !

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  3. Maman de 2 garcons, j’essaye d’avoir une éducation non genrée aussi.

    On choisit les vêtements en fonction du prix et du côté pratique, pas des couleurs ou du rayon. Donc du rose mais pas de robe ni de collant.

    Pour le moments ils sont dans des écoles très sympas ou on croise souvent des garcons en rose, en robe ou avec des cheveux longs. Donc je n’ai pas peur qu’on se moque d’eux si ils ont des paillettes ou montrent leurs émotions.

    Mais je me demande comment je réagirai en élémentaire ou au collège.

    J’ai choisi des livres qui montrent des filles courageuses et intelligentes, qui prennent des décisions rapidement, des garcons sensibles et danseurs ou père au foyer, des modèles de familles différents.

    Ce à quoi je fais particulièrement attention ce sont les jouets et les comportements. J’ai vite remarqué que quand 2 petites filles se chamaillent on intervient beaucoup plus vite que quand ce sont des garcons. J’essaye de lutter contre ca, laisser les filles se disputer un peu plus pour qu’elles aient l’opportunité de trouver une solution ensemble et rappeler aux garcons qu’on à pas le droit de se battre.

    Pour aider j’ai par exemple fait attention aux déguisements qu’on offre/achète aux enfants. Je n’offre pas de cow boy avec un pistolet, d’indien avec un arc, de chevalier avec une épée ou de zorro… (J’évite aussi les princesses qui ne sont que jolies.) Mais on a des astronautes, des crocodiles, un pompier, un papillon, de pat patrouille…

    ++

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    1. 2 petits garçons ici aussi, on essaye de montrer l’exemple (Maman bricole même si elle n’aime pas trop ça, juste pour dire, oui, les filles aussi !), ils participent à tous types de tâches, et on varie les jeux et les lectures. Mais l’entrée à l’école nous a éberlués, notre aîné répétait que son super copain était une fille à cause des cheveux longs… alors qu’il a eu les cheveux très longs lui aussi ! Il a fallu répéter avec patience que tout le monde pouvait avoir les cheveux longs ou courts !

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