La justice pour les mineurs

La justice pour les mineurs

Je t’ai parlé de ma reconversion après 22 ans d’enseignement de la musique. J’ai été affectée en 2022 au ministère de la justice en tant qu’adjoint administratif et depuis un an je fais fonction de greffière dans un tribunal pour enfants.

Aujourd’hui je souhaite t’expliquer la procédure pénale chez les mineurs pour t’éclairer sur les spécificités qui la composent.

Photo libre de droit

Le point d’entrée de toute procédure adultes comme mineurs

Pour venir devant le tribunal il faut commettre une infraction.

Les forces de l’ordre constatent une infraction ou recueillent une plainte, entendent tous les protagonistes de l’infraction mis en cause et éventuelles victimes. Elles en font ensuite part au procureur qui décide des suites de l’affaire.

Le procureur peut décider de classer l’affaire pour divers motifs ou alors de suites pénales.

Quand il s’agit d’une première infraction ou d’une infraction mineure il décide d’une alternative aux poursuites c’est à dire que le mis en cause accepte sa peine devant le procureur et la peine (amende, travail non remunéré, stage citoyenneté, stupéfiants, sécurité routière, responsabilité parentale) est homologuée par un juge.

Le procureur peut également poursuivre devant le tribunal. Je t’épargnerai toutes les possibilités du côté des majeurs je préfère te parler de ce que je maîtrise : les mineurs.

Les poursuites pénales pour les mineurs

Pour les mineurs, en plus des alternatives aux poursuites dont je parlais plus tôt, il y a deux possibilités de poursuite : la chambre du conseil et le tribunal pour enfants. L’avocat est obligatoire pour les mineurs, on ne peut pas juger un mineur sans avocat.

La chambre du conseil c’est pour les petits et/ou premiers faits, l’audience a lieu dans le cabinet du juge avec seulement le juge et le greffier sans robe d’audience. Dans ce cadre là, on ne peut pas prononcer de peines mis a part des TIG ou des stages.

Le Tribunal pour Enfants c’est de suite beaucoup plus solennel et normalement plus impressionnant, cela se passe dans une grande salle d’audience avec le procureur, le greffier et le juge en robe d’audience mais aussi deux assesseurs (magistrats non professionnels) pour aider le juge à délibérer et là les peines peuvent aller jusqu’à la prison…

Une procédure en deux parties

Sauf exception (mineurs déjà très connus ou détention provisoire avant l’audience), les jugements des mineurs se scindent en deux parties :

L’audience de culpabilité

Il s’agit ici de juger la culpabilité du mineur. Pour cela le juge donne lecture de toutes les infractions reprochées au mineur avant de l’interroger sur les faits puis sur la personnalité (antécédents judiciaires, scolarité, famille…). Il entend ensuite les représentants légaux du mineur et/ou les éducateurs l’ayant en charge. Puis le procureur fait ses réquisitions, l’avocat plaide, les magistrats délibèrent et ils décident de la culpabilité ou la relaxe des mineurs.

Si il y a des parties civiles elles sont entendues et l’étude de leurs demandes peut se faire à cette audience là.

Une fois la culpabilité prononcée s’ouvre une période de mise à l’épreuve éducative de 6 à 9 mois avec soit une mesure éducative judiciaire provisoire avec différents modules (placement, santé, réparation, insertion, interdiction de contact, de sortie entre 22h et 6h, de sortie du territoire…) ou un contrôle judiciaire avec différentes obligations qui ressemblent aux modules énoncés plus haut.

Les mineurs sont alors suivis par des éducateurs de la police judiciaire de la jeunesse pendant toute cette période. En cas de contrôle judiciaire, si non respect des obligations, le mineur peut aller en prison.

A l’issue cette période vient une nouvelle audience.

L’audience de sanction

Il s’agit de décider de la sanction une fois la période de mise à l’épreuve terminée.

A cette audience, le juge rappelle les faits pour lesquels le mineur est condamné puis interroge le mineur sur le suivi de la mesure et son évolution concernant sa personnalité. L’éducateur qui a suivi le jeune, les représentants légaux, sont entendus puis le procureur prononce ses réquisitions le juge délibère et prononce une mesure éducative ou une peine.

Si il y a des parties civiles, elles peuvent également faire leurs demandes lors de cette audience.

Les différentes sanctions appliquées aux mineurs

Je vais te présenter ici les différentes sanctions avec leur gradation.

La déclaration de réussite éducative : si c’est des premiers faits et qu’ils sont mineurs, que le mineur s’est investi durant sa mise à l’épreuve, que le risque de récidive est faible le juge peut prononcer une déclaration de réussite éducative. C’est saluer son investissement et le fait qu’il ait pris conscience de ses actes.

L’avertissement judiciaire : les faits sont un peu plus graves ou alors le mineur ne s’est pas totalement investi dans la mesure éducative.

La mesure éducative judiciaire : c’est une mesure éducative qui se prononce pour une durée pouvant aller jusqu’à 2 ans. Il existe une multitude de modules et d’interdiction. Mais il n’y a pas de conséquences pour le mineur en cas de non respect à part des convocations pour rappeler les obligations.

La peine de prison : il y a la possibilité de prononcer une peine de prison. Et c’est beaucoup plus fréquent qu’on le croit. Cette peine peut être assortie totalement ou partiellement d’un sursis simple (si il y a une infraction dans les 5 ans, la peine de prison peut être applicable) ou d’un sursis probatoire où il y a des obligations qui ressemblent aux modules de la mesure educative sauf que là en cas de non respect le mineur peut partir en prison. La peine de prison peut être aménagée avec un bracelet électronique ou un placement extérieur en centre éducatif fermé par exemple.

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Un peu d’humanité dans toute cette technicité

Non la justice n’est pas laxiste : sur ma juridiction de campagne on a quand même deux jeunes de moins de 16 ans en prison, ce n’est pas rien et pas anodin et je ne parle pas des autres. Ils ont essentiellement commis des vols mais surtout n’ont pas respecté leurs obligations. Le travail éducatif n’a pas de prise sur eux. Ce sont des jeunes qui étaient déjà suivis en assistance educative avant. C’est un échec de leur protection par les institutions. Pour l’un d’entre eux la juge a tenté le choc carcéral pour qu’il ait une réaction mais en vain. Elle le vit comme un véritable échec. J’ai même vu lors de ma première audience un jeune de 17 ans arriver libre et repartir avec les menottes directement en prison. Il avait beau avoir commis de très nombreux faits et être récidiviste, voir partir un jeune directement en prison sans que ses parents ne soient présents était choquant et bouleversant.

Je vais conclure cet article technique par les histoires qui m’ont touchées.

Le jeune qui est parti en prison à l’issue de l’audience est revenu quelques mois après alors majeur pour des faits commis mineurs. Il avait réellement pris conscience. Il nous a raconté que le jour de ses 18 ans, à 8h on lui a demandé de préparer ses affaires et on l’a transféré au quartier majeur cela a été un véritable électrochoc pour lui. Il a renoué avec ses parents qui étaient présents à cette nouvelle audience et depuis on n’entend plus parler de lui. Les éducateurs qui le suivent encore nous donnent de ses nouvelles et il est en bonne voie pour son insertion dans la vie « normale ».

Un autre jeune suivi à la fois en assistance educative et au pénal s’en sort brillamment quant à lui. Il avait commis essentiellement des faits de violences et de dégradations en foyer. Quand on l’a revu il avait réussi à se faire engager sans formation dans un restaurant 3 étoiles et nous avait fourni des attestations de son patron ravi de son travail. Aujourd’hui il est en formation pour être chauffeur routier, son rêve.

Pour terminer je voudrais dire que l’on est jamais à l’abri que nos enfants aient un jour affaire à la justice. Un copain d’enfance devenu délinquant retrouvé lors d’une soirée et cela peut basculer vers un recel de vol pour peu que notre enfant ait perdu son discernement avec un peu trop d’alcool mais pas d’inquiétude encadre ton enfant et cela se terminera en déclaration de réussite educative avec peut être même une dispense d’inscription au casier judiciaire. Le droit à l’erreur existe !

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