Quand le travail n’a plus de sens

Quand le travail n’a plus de sens

Sur le papier, je me sens chanceuse concernant ma situation professionnelle. Je suis fonctionnaire, relativement bien payée, et j’ai un travail diversifié et intéressant avec des responsabilités.

travail, difficultés

Crédit photo : lukasbieri

Sauf que… depuis des mois, voire des années, je glisse dans la spirale insidieuse du mal-être. Je savais que ça pourrait arriver, étant donné l’environnement dans lequel j’évolue. Mais je n’ai pas vu les premiers signes, j’avais d’autres chats à fouetter, et je me voilais la face en me disant que ce n’était pas si mal tout ça…

Est-ce que ça a commencé le jour où j’ai compris que mon avis n’avait aucune importance ? Celui où j’ai découvert qu’on ne me tenait pas au courant de l’avancée de certains projets ? Ou cet autre où on m’a menti effrontément sur un sujet que je connaissais pourtant par cœur ? Je ne saurais le dire, c’est sans doute un peu de tout ça. Toutes ces petites choses qui s’accumulent et qui finissent par exploser quand la coupe est pleine.

J’ai déjà vécu un burn-out il y a quelques années. J’étais débordée, très peu soutenue par ma hiérarchie et un jour, je n’ai pas réussi à aller au travail. Avec ma chef, on a négocié une rupture conventionnelle (je travaillais dans le privé à l’époque) et j’ai eu le temps de me retourner pour trouver un autre travail. J’ai eu un suivi psychologique pendant quelques temps, et puis c’est passé. Aujourd’hui, je me retrouve dans la situation inverse, ou petit à petit on m’a déchargé de mes responsabilités, on a arrêté de me confier de nouveaux projets, on a été contre mes décisions. J’avais recruté une personne pour un CDD de 2 ans, mais ce recrutement a été un fiasco qui s’est soldé par un arrêt maladie d’un an suivi d’une démission. Je l’ai vu comme un signe.

L’idée de demander une mutation a commencé à se faire dans mon esprit. Au départ, elle a été freinée par plusieurs aspects : que ça ne soit pas mieux ailleurs, que certaines conditions de travail et mes collègues préférées me manquent, que ça puisse changer, et surtout la peur des conséquences de mon départ car je savais d’avance comment mes chefs allaient réagir. Cette idée restait dans un coin de ma tête, je réfléchissais surtout à l’endroit où je pourrais partir et au bon moment par rapport aux quelques échéances qu’il me restait. Je n’osais pas entamer de discussion ou de démarche par peur des représailles si ça se savait. Je craignais de regretter ma décision si j’atteignais un point de non-retour.

Et puis un jour, j’ai eu un déclic. J’étais en train d’assister à une réunion d’équipe où la moitié des personnes présentes en faisaient des caisses pour se faire bien voir, allant jusqu’à dénigrer les autres participants. Je ne parvenais à rien penser d’autre que « qu’est-ce que je fous là ? ». Le lendemain, suite à un autre évènement, j’ai contacté un chef d’équipe que je connaissais un peu et qui connaissait mon environnement de travail pour lui demander un rendez-vous. Je ne savais même pas s’il allait répondre, en parler à des tiers, mais à ce moment-là ça n’avait aucune importance : il fallait que j’avance. Nous nous sommes rencontrés le lendemain, en toute discrétion, et après quelques réunions avec certains membres de son équipe j’ai pris la décision de les rejoindre.

Ce n’était malheureusement que le début du processus. Pour des raisons « politiques », il a fallu que nous gardions le secret plusieurs semaines. Je redoutais particulièrement l’annonce, et finalement elle a été encore pire que prévue. J’avais choisi de ne pas en profiter pour régler mes comptes (certains l’avaient fait auparavant et ça n’avait fait qu’empirer les choses) mais de donner des raisons qui étaient purement personnelles (et qui étaient réelles et tout à fait légitimes). Malheureusement, face à des gens qui ne parviennent pas à penser rationnellement mais sont paranoïaques et incapables de se remettre en question, c’était peine perdue. Et comme prévu, ma hiérarchie me met des bâtons dans les roues pour retarder au maximum mon départ.

Aujourd’hui, je suis dans la zone tampon. Mes chefs actuels savent que je veux partir au plus vite et ne m’impliquent plus dans rien. Dans le même temps, ils retardent la procédure pour que je ne puisse pas commencer à travailler dans ma nouvelle équipe. Les ressources humaines connaissent la situation et sont en train de mettre en place des solutions. Pendant ce temps… je n’ai rien à faire et c’est insupportable. Je fais acte de présence, et j’essaie d’avancer des projets persos. J’ai profité d’une semaine de vacances et la boule au ventre est aussitôt revenue quand j’ai repris le travail. J’ai tout le loisir de cogiter sur la situation, je me demande combien de temps ça va durer, si la dépression va revenir, si je vais savoir me remobiliser dans mon nouveau travail, si je vais bien m’entendre avec mon équipe…

En attendant, je serre les dents, harcèle les ressources humaines (non) et essaie au maximum de penser que tout ça sera bientôt derrière moi et que c’est une étape de plus dans mon mieux être.

6 commentaires sur “Quand le travail n’a plus de sens

  1. Oh comme je me reconnais dans le début de ce témoignage !

    J’ai accepté ce travail, de la saisie simple au service achat d’une quincaillerie pro, après la naissance de mon fils. J’avais besoin de travailler, ils avaient besoin de quelqu’un. Pas très intéressant mais pas prise de tête et une bonne boîte, bonne ambiance …

    Puis bcp plus de travail et j’étais à deux doigts de craquer, puis j’ai eu un deuxième bébé, puis j’ai changé de poste pour devenir assistante. Mais en vrai, je ne suis pas très bien à ce nouveau poste qui ne me convient pas. Ou je ne conviens pas à ce poste. Peut-être un peu des deux… En tout cas cela fait des mois que ça tourne dans la tête, que je vais travailler sans envie, que je tiens car je sais que mercredi je vais être à la maison, puis qu’il y aura le weekend.

    Entre autres, j’avais en charge les RS, un peu de promo, annoncer les journées spéciales…. Du tout simple. Puis de plus en plus de vidéos, montages photos, ajouter de la musique et tout récemment on me demande de faire des montages vidéos, peut-être l’ouverture d’un compte TikTok…. C’est la goutte qui fait déborder le vase.

    Je réfléchis à peine, je demande un Rdv avec mon supérieur et mon patron le matin. Rdv presque dans la foulée. On trouve un accord rapidement, je suis soulagée, mais je crois bien qu’eux aussi !! C’est là que ça diffère.

    Je suis dans une boîte plutôt familiale, où on accorde une certaine importance au salarié, où on essaie qu’il soit bien ou au moins pas trop mal. J’ai signé ma rupture conventionnelle le jour-même !!!! Je termine mon contrat dans 3 semaines et j’arrive bien mieux à travailler, à ordonner mes tâches, choses qui m’étaient difficiles depuis plusieurs mois. Et à la maison, je suis plus détendue aussi, je dors bien mieux. Bref, je sais que j’ai pris la bonne décision.

    J’espère que pour toi aussi tout va rentrer dans l’ordre le plus rapidement possible, et que tu pourras intégrer cette nouvelle équipe 😊

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  2. Bonjour Coralie,

    le début de ton message me parle énormément. J’ai longtemps travaillé dans le privé, gros challenges, gros projets (mais pas gros salaire 🙂 ) puis, suite à une opportunité, j’ai été amené à rejoindre un opérateur de l’État (contrat de droit privé). Ça a été difficile, notamment pour ce qui concerne les mentalités (ceinture, bretelles, chapeau, parapluie et parasol…) le lobbying et la politique. Quelques années plus tard, nous avons été regroupé avec d’autres entités du même genre. Ça a été le début de la fin, avec une mise au placard en coupe réglée. Dans ce type d’organisation, on ne licencie pas, mais on te pourrit la vie, y compris hors domaine directement professionnel, jusqu’à temps que tu lâches. Ça a duré un peu plus de 10 ans, car j’ai réussi, malgré tout à trouver la motivation pour faire des projets plus ou moins intéressants. j’ai la chance d’aimer écrire, ça m’a beaucoup servi !

    Accroche toi, ça va venir, c’est désagréable, mais tout à une fin ! Prends aussi du recul. Il y a d’autres choses dans la vie. Profite de tes enfants, de ton homme. Regarde la vie du bon coté. Pour le moment, fais le gros dos, empoche ta paye et laisse couler !

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    1. Bonjour monsieur l’ours ! A aucun moment Coralie ne faite etat dans cet article de sa vie personnelle ou familiale. Présumer qu’elle est mère ou en couple hétérosexuel me semble assez déplacé du coup ^^’

      Merci de ton témoignage sur ta propre situation ! L’expression ceinture/bretelle/parapluie/parasol m’as beaucoup faut rire 🤭

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  3. Je me reconnais aussi un peu dans ton témoignage. Si il n’y a pas vraiment de violence ou de méchanceté de la part de mon employeur (à part les augmentations de salaire ridicules promises à tous les employés), je me demande assez souvent pourquoi je vais travailler. 
    Les tâches qui me sont confiées ne m’intéressent pas plus que ca et surtout je me demande ce que mon entreprise apporte de bon à la société. A qui ca profite à part les actionnaires ? 
    Mon problème la dedans c’est que j’ai du mal à identifier quel travail me plairait ou aurait du sens pour moi. Donc c’est dur de changer d’emploi quand on ne sait pas ce qu’on veut faire. Les quelques idées qui m’ont parlé pour le moment (sans que ca soit un rêve pour moi) me conduirait à diminuer mon salaire assez drastiquement et je ne le veux/peux pas. On vient d’acheter notre logement + on a des envies d’activités qui deviendraient compliqués. Et je ne veux pas l’imposer à ma famille (ni à moi-même). 
    Donc j’attends l’inspiration, le déclic ou le retour de la motivation, en espérant que ca vienne vite. 
    J’espère que tes problèmes se résoudront vite et que tu pourras retrouver de la sérénité sur ton nouveau poste. 

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  4. Ma motivation est également en baisse depuis un moment, je ne saurais plus dire si ça a commencé avec la naissance de ma fille mais en tout cas, ça s’est clairement accentué depuis. Je fais un travail pourtant en théorie intéressant et utile mais quand en pratique ça se résume surtout à répondre à des mails, remplir des tableaux Excel, et se perdre dans des détails d’informations… c’est difficile de garder la motivation. Mais comme Laura je ne saurai pas quoi faire d’autre, surtout avec le maintien d’un même salaire. Donc je cherche aussi à retrouver du sens et je m’accroche sur les avantages que m’apporte mon travail.

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  5. Ton article me fait écho. J’ai longtemps été dans ta situation. Bon travail sur le papier, bonne paie, bonne ambiance… mais je m’ennuyais sérieusement. Et le problème, c’est que je ne voulais surtout pas être promue pour avoir plus de responsabilités mais surtout beaucoup plus d’emmerdes. Alors j’ai trainé des pieds plusieurs années à ronger mon frein.

    Jusqu’au jour où l’on m’a attribué un projet qui ne me plaisait pas du tout et qui a fait déborder le vase. J’ai cherché une reconversion dans la foulée. A ce moment là, plus rien n’avait d’importance, ni le salaire, ni les avantages, c’était au delà de mes forces il fallait que je parte, c’en était devenu vital.

    J’ai fais un bilan de compétence et quelques mois plus tard j’ai pu me lancer à mon compte dans un secteur complètement différent. Un job bien moins rémunéré pour le moment mais avec d’autres avantages. Je ne suis pas particulièrement épanouie, l’ambiance avec mes collègues me manque, mais je ne regrette absolument pas d’être partie.

    Je te souhaite bon courage en espérant des jours meilleurs devant toi !

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