Expatriation : Pourquoi je suis partie
Cet article fait bien sûr écho à l’article de Maman Bulle.
J’ai grandi dans une famille où mon papa voyageait beaucoup pour le travail. Afrique, Amérique du Sud, et même une fois la Corée. Il y avait des gens de partout qui venaient nous voir, et on est partis en vacances au Portugal, en Suède, en Allemagne, en Italie, toujours un peu à l’aventure. Et j’ai toujours eu cette envie de départ, d’indépendance.
Je me suis expatriée. Deux fois même. Deux expériences complètement différentes à des stades complètement différents de ma vie.
La première fois, j’avais 19 ans. J’étais étudiante. Je rêvais de partir depuis longtemps, sortir du cocon familial, vivre ma vie. J’ai grandi dans les Alpes. J’ai toujours pratiqué les sports d’hiver. Et donc la Norvège me faisait rêver. J’ai décidé de viser une spécialité locale : un Master en architecture navale. Et je suis partie.
19 ans, jamais pratiqué l’anglais « en vrai », jamais sortie du système scolaire français (lycée-prépa-école d’ingénieur, tout ça c’est un parcours très encadré). Jamais éloignée de ma famille.
Et j’ai découvert. L’anglais d’abord, impossible de parler. Et puis après 15 jours à me taire, il a bien fallu s’y mettre.
Les gens ensuite. Autres cultures, autres usages, autres dimensions (oui, les norvégiens sont grands ! Et moi ? C’est pas ma principale caractéristique.). Autres habitudes. Le vélo, même avec des pneus à clous. Le ski de fond partout, même devant la maison, même pour aller passer ses partiels. Les soirées avec la cloche qui annonce bière gratuite offerte pour tous. L’incapacité à prendre une décision sans avoir absolument l’intégralité des cartes en main. La neige, tout le temps. Les paysages, magnifiques. Les myrtilles, le fjord.




Les cours aussi. Passer de 8h de cours par jour à… 12h par semaine ! Beaucoup de travail en autonomie. Je découvre du coup que je ne suis pas très autonome.
Et la distance. Moi qui me voyais indépendante, sans attache et sans racine … Ben c’est pas si simple. D’autant plus qu’un paramètre imprévu se rajoute dans l’équation : Mr Sans Chaussettes, qui a le bon goût de vivre en France et avec qui on se plaît beaucoup.
L’expérience aurait dû durer deux ans, elle a duré 13 mois. Les derniers étaient vraiment durs. Je n’arrivais plus à assumer le quotidien. Plus à me lever, plus à me nourrir correctement. La décision de rentrer a été à la fois vraiment difficile et … très évidente. Je pense que c’est la première fois que j’ai vécu un échec, un vrai, puisque j’ai dû écourter, mais j’ai aussi dû valider mon année aux forceps, avec un paquet de rattrapages, moi qui était plutôt abonnée aux excellentes notes sans pousser.
Aujourd’hui, j’en garde un souvenir mitigé. J’ai profité de beaucoup de choses, notamment bien sûr l’environnement fantastique. Les fjords, les montagnes, la neige, tout ça. Mais je sais aussi que j’ai besoin de confort et de proximité, que j’ai cette fragilité.
Malgré tout j’ai gardé cette envie de partir, un jour. Mon métier est en lien direct avec ces 13 mois passés à étudier le monde naval. Je parle aujourd’hui anglais au quotidien, plus souvent que français.
C’est 10 ans après, suite à une énième frustration au bureau, que j’ai plié mon PC. Je suis allée voir mon chef, et je lui ai dit : c’est fini, je veux faire autre chose, et je veux partir. Il me parle tout de suite de Norvège (veto de Mr Sans Chaussettes qui ne veut plus entendre parler de chaussettes) et … de Malaisie.
Je dis ah oui très bien, et puis j’ouvre Google maps pour regarder où c’est. Ben oui, j’en ai pas la moindre idée. Et puis je rentre à la maison et j’en parle avec Mr Sans Chaussettes qui … n’était absolument pas au courant.

6 mois plus tard, comme dans un film, un grand chef me convoque, me montre un organigramme avec la nouvelle organisation du bureau de Kuala Lumpur et me dit « si tu veux, là, c’est toi ».
Et c’est parti. Je prends l’avion. Seule, au début, pour les 3 premiers mois, le temps que Mr Sans Chaussettes plie sa vie professionnelle et notre vie perso. J’ai peur. J’ai peur de la distance de nouveau, d’autant que cette fois on n’en est plus à juste « se plaire ». Ça fait des années qu’on vit ensemble. J’ai peur de sombrer, de ne pas y arriver. Mais cette fois, je gère l’anglais, j’ai 10 ans de plus, et je suis dans un environnement maîtrisé : je connais mon travail, je sais sur quel poste je me lance, et j’y suis prête.
Les premiers mois je me surcharge de trucs. Le jour je travaille, beaucoup. Le soir je cuisine, tous les jours un légume nouveau et inconnu. Le week-end, j’explore, je nous cherche un appart, je l’équipe, bref, je m’active. Pour être sûre de ne pas lâcher.

Et en fait, en fait ça se passe super bien. Les Malais sont vraiment très accueillants. Je suis très bien intégrée, très considérée au travail, professionnellement c’est très chouette. Et personnellement aussi, Mr Sans Chaussettes arrive et investit le projet « expat ». Il s’intègre aussi, on explore ensemble Kuala Lumpur, la Malaisie, l’Asie du Sud Est. Lui est bénévole au musée de la ville, et par là on apprend beaucoup et on comprend aussi l’histoire complexe de ce pays à la culture si riche et multiple.
On vit la grande vie, on a passé mes 28 ans à Bangkok, ses 30 ans au Japon. On se prend au mode de vie à la Malaise, on mange dans des boui-bouis locaux, entre deux tours, sous une autoroute, planqués dans un coin. C’est la magie de Kuala Lumpur, même le Roi a ses adresses confidentielles. On apprend à apprécier les couchers de soleil à 19h, la vie par 35°C, les pluies diluviennes du quotidien.


On y reste deux ans. Deux ans pendant lesquels on n’a pas beaucoup usé nos chaussettes, deux ans de découverte, d’exploration, de remise en question de nos réflexes franco-français, deux ans à manger des cafés glacés pour survivre à la chaleur, deux ans à découvrir la bouffe locale incroyable.












On est aujourd’hui rentrés en France, depuis 2020 (novembre, pour être précise, j’imagine que tu vois à quoi je fais référence !). Et on a mis d’autres projets en route. Il y a eu un temps difficile pour moi, on a acheté une grande et belle maison et je n’arrivais pas à y planter mes racines. Je voulais planifier un nouveau départ. Je pense que j’étais aux prises avec le maelström de la maternité.
J’ai toujours en tête l’idée de repartir un jour. Mais pas tout de suite. Tout de suite on est là, et on construit notre famille, notre socle. Et puis je travaille dans un domaine qui me fait beaucoup voyager, j’ai mon quota de départs et de nouveaux horizons comme ça.


Je l’ai raconté dans mon tout premier article, la vie a fait que j’ai un enfant qui court partout dans la grande maison, et un autre qui restera dans ma tête et dans mon cœur. Et depuis son décès, j’ai un besoin d’enracinement viscéral, très profond. J’imagine que ça fait partie de mon chemin.
Pour moi, l’expatriation c’était un besoin de partir, de voir plus loin, de découvrir d’autres choses, de me prouver que j’en étais capable aussi. Pour nous deux, ça a été un moment fondateur dans notre couple, mais aussi dans notre famille, puisque c’est l’endroit où on a décidé d’avoir des enfants.
Je finirai cet article en disant que l’expatriation nous a donné le goût de l’exploration du quotidien. De découvrir les trucs chouettes qui nous entourent. Pas le château de Versailles, non, juste la vue depuis la colline d’en face, la brasserie du village d’à côté, les petits bleds oubliés de la région : finalement, de retrouver du beau, du sens dans notre environnement. Et ça, on le faisait en Malaisie au milieu de l’inconnu, mais on l’a ramené dans les Yvelines, au milieu de nos habitudes. Et on aime bien.


C’est dommage qu’au final ton expatriation en Norvège soit en demi teinte. Mais c’est chouette que tu ais pu te rattrapper avec la Malaisie.
La nourriture a l’air très bonne mais je ne vois pas de dessert ?!
C’est chouette que tu continues á explorer, à voyager autour de chez toi.
Je suis partie en Erasmus comme toi mais je suis partie avec mon amoureux et nous ne sommes jamais revenus.
Selon les périodes, le manque de nos familles et de notre culture se fait sentir. Mais jamais assez pour qu’on envisage sérieusement de rentrer.
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Finalement c’est la vie ! J’ai des bons souvenirs en Norvège aussi, et j’y ai surtout beaucoup grandi, et ça c’est riche !
Et en effet, peu de desserts, mais il y en a, je peux par exemple citer le cendol, bien meilleur que ce qu’on s’imagine !
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Passionnant cet article! Tu m’as fait voyagé en quelques lignes. Merci beaucoup 🤗. Et pour ton bébé étoile qui veille sur vous, je vous envoie un flot de pensées de soutien 🤍
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Rio !!
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Oui !!! L’autre par contre c’est Wittingen en Allemagne, hautement confidentiel !
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