Un environnement bienveillant ?

Un environnement bienveillant ?

Très récemment j’ai changé de travail, et comme il y avait du temps entre le moment où j’ai posé ma démission et le moment où je suis partie (beaucoup trop de temps, si tu veux mon avis sur la question, mais ce n’est pas moi qui l’ai choisi), j’ai participé au recrutement de ma remplaçante.

Il y a eu les questions classiques de l’entretien, puis au moment où la responsable du recrutement a demandé à la candidate que nous recevions ce qu’elle attendait d’un employeur, elle a répondu « un encadrement et un environnement de travail bienveillant ». J’avais très envie de lui répondre run far, run fast mais je me suis retenue, et quelques jours après sa réponse m’a interrogée.

Dans mon métier, j’accompagne des gens qui se réorientent, soit parce qu’ils souhaitent découvrir un nouveau métier, soit parce que les circonstances, et notamment leur santé physique ou mentale, les y obligent. Et cette question, ou plutôt cette nécessité, d’un environnement de travail bienveillant revient souvent, comme un refrain lancinant. Comme si aujourd’hui, c’était tellement difficile de trouver un tel environnement qu’il faudrait l’annoncer en entretien.

Photo de Pixabay

Outre le fait qu’un management toxique n’annoncera jamais l’être et se fera toujours passer pour bienveillant au premier abord, je me demande à quel moment le monde du travail est devenu si toxique qu’autour de moi je ne compte plus le nombre de personnes au bout du rouleau, comme pressurisées par un boss malveillant qui les laisse exsangues, tout en se faisant passer pour un héros aux yeux de ceux qui ne travaillent pas avec lui.

Est-ce une question de rapport au travail qui a changé ? De management qui est devenu de pire en pire avec le temps ? Ou est-ce parce que je vieillis et que mon entourage est bien plus lucide sur le monde du travail que ce que nous étions lorsque nous étions jeunes diplômés et fraîchement arrivés sur le marché du travail ?

À vrai dire, je ne comprends pas comment on peut laisser se reproduire des générations de managers toxiques, comme une tradition d’entreprise. Un jour où je faisais le constat d’un comportement managérial anormal et de l’inaction de la direction dans un ancien poste, je me suis entendu répondre « Ah non, mais t’inquiète, ici ça a toujours été comme ça, mieux vaut en prendre son parti ! » Pardon ??! mais dans ce cas les amis, vous venez de me donner le meilleur argument de la terre en faveur du temps partiel !

À quel moment, une entreprise peut-elle rester silencieuse face à des comportements inadaptés dans le milieu dans lequel nous passons statistiquement la majeure partie de nos heures éveillées dans une journée ?

Et finalement, qu’entend-on par « environnement de travail bienveillant » ? De mon côté, peu importent les temps de convivialité, je les perçois comme du bonus, la cerise sur la chantilly du cupcake, ce que je veux vraiment c’est pouvoir faire mon travail correctement pour un management qui ne me fait pas douter de ma propre valeur. Au bout de 10 ans sur le marché du travail, je me trouve assez grande pour savoir que mon travail a de la valeur, et ne pas accepter que qui que ce soit me fasse me sentir incapable. C’est ma ligne rouge : cela veut dire que je suis dans des conditions suffisantes pour faire mon travail correctement, que j’ai la confiance de ma hiérarchie pour le faire, et que je suis reconnue dans ce que je fais.

Mais est-ce cela un environnement de travail bienveillant ? Pour moi, ce devrait être la base : pour travailler, on doit avoir les conditions matérielles, financières et logistiques qui nous permettent de le faire. Et ce n’est pas une largesse de l’employeur que d’accorder du temps, un poste de travail adapté, ou de reconnaître la qualité du travail fait. C’est juste normal.

Alors que fait-on ? Est-il trop tard pour faire bouger les lignes, et d’ailleurs peut-on réellement les faire bouger ? Je ne sais pas. Je suis un peu idéaliste, et je crois vraiment que le recours aux instances syndicales peut aider à force à faire comprendre à un employeur qu’il est temps de modifier les comportements managériaux, mais cela implique forcément de faire agir d’abord ceux qui souffrent du management en question, comme si on forçait la parole à se libérer.

Une autre piste serait peut-être de considérer enfin le management comme une compétence que l’on peut avoir ou non, ou dont l’acquisition est réellement à accompagner, et non comme une promotion à la suite de bons résultats commerciaux. On aurait peut-être alors de bons managers (qui ne seraient pas forcément de bons commerciaux, mais est-ce réellement ce qu’on leur demande ?).

Tout cela m’interroge, et je n’ai pour le moment pas de réponse. Si tu as des pistes, je serai contente d’en parler en commentaires !

3 commentaires sur “Un environnement bienveillant ?

  1. Totalement d’accord avec ton dernier paragraphe. Être un manager ca s’apprend et si possible avant de le devenir ! Et ca m’énerve quand on veut que des personnes très compétentes techniquement deviennent managers alors qu’elles sont faites pour devenir des experts de leur domaine (malheureusement ca paie moins).

    Après je pense que de tout temps les boîtes n’en n’ont rien eu á faire de leurs employés. Il me suffit d’écouter mes grands parents parler pour en être convaincu… Mon papy a fait son apprentissage en boulangerie sous les coups, insultes et brimades et ca lui paraissait normal. Ou de penser aux mineurs qui risquaient leur vie sans considération ni salaire correct (et si ils mourraient à la mine l’employeur déduisait de leur dernier salaire, le prix des vêtements de travail non rendu).

    Perso, je n’ai pas un boulot passionnant ni un employeur spécialement bienveillant mais je m’estime chanceuse car pour le moment mes managers n’étaient pas forcément compétents ou sympathiques (certains l’étaient !) mais ils me laissaient tous faire ce que je voulais et ils me traitaient très correctement. C’est une des raisons qui me fait hésiter à partir.

    J’aime

  2. Je rejoins ta conclusion et le fait que tout le monde ne devrait pas devenir manager en guise de promotion. Dans mon ancien job, nous avions comme un « guide d’évolution » et nous avions quelque part le choix entre devenir expert de notre domaine avec possibilité de coacher des plus juniors sans être pour autant leur responsable direct, et le choix de devenir manager en acceptant que certaines personnes de l’équipe, les experts donc, auraient plus de connaissances techniques sur un sujet que soi et seraient donc plus à même de prendre les décisions techniques. En théorie c’était très bie, en pratique beaucoup moins car il faut pour cela que l’ensemble de la chaine hiérarchique respecte cette mise en place et si l’expert n’est pas invité aux réunions de décisions techniques… ça devient compliqué.

    Le problème aujourd’hui, c’est que manager implique aussi plus de sacrifices personnels. Parfois des voyages d’affaires, des réunions tardives avec un pays sur une zone horaire à l’opposé de la notre… ainsi que le stress qui va de pair avec les responsabilités. Les personnes qui ont cette conscience professionnelle mais qui ne sont pas prêts à sacrifier leur vie perso (à juste titre) ne sont pas intéressées. C’est une des raisons pour laquelle je n’aimais d’ailleurs pas ce rôle, qui est au final assez ingrat. Coincé en sandwich entre plusieurs couches, et toujours ménager la chèvre et le chou pour faire plaisir à tout le monde. Parfois il est plus que difficile de rester bienveillant avec son équipe quand ton propre manager te met une pression de dingue pour atteindre les objectifs.

    Après, je temporiserais cette notion de bienveillance en ce moment. Beaucoup la confonde avec la notion de liberté et de flexibilité. Non, remettre à sa place Jean Eude qui arrive en retard pour la troisième fois, ce n’est pas être tyrannique ni malveillant. La bienveillance devrait être la normalité, à savoir ne pas avoir de manager toxique et se respecter entre collègues. Mais ça ne signifie en aucun cas offrir de la largesse au niveau du travail fourni, ou ne pas dire les choses qui ne vont pas. Et malheureusement, certains confondent un peu toutes ces notions.

    J’aime

Laisser un commentaire