Quatre mois pour se dire adieu (2)

Quatre mois pour se dire adieu (2)

Je te retrouve donc pour la suite des aventures avec mon papa et sa maladie. Je t’avais laissé au mois de novembre 2024. Nous étions un peu dépités car nous ne savions pas où nous allions. Il fallait attendre. Et tu verras que c’était le fil rouge de notre parcours.

La fameuse annonce

Mi-novembre, le rendez-vous tant attendu est arrivé. Je ne peux pas y assister mais on s’est organisé avec le Professeur X pour que je puisse être au téléphone. Le monsieur ne sait, a priori, pas trop faire des visio-conférences donc on s’adapte.

Crédit Photo : Julio César Velasquez Mejia

J’en attendais beaucoup. Mon papa n’a quasiment pas quitté l’hôpital depuis la mi-octobre. Pour moi, c’était le jour où nous aurions des réponses sur la dégradation de son état de santé, un pronostic et surtout la mise en place du traitement. Et bien, je suis rapidement revenue à la réalité. On nous confirme simplement le cancer du poumon de stade IV, les métastases au foie et le type de cancer (en toute honnêteté quand tu n’es pas dans le milieu médical, ça ne veut rien dire). Pour le pronostic, nous n’apprenons pas grand-chose : ce n’est pas opérable (mais ça on l’avait déjà compris), il faut attendre de voir comment mon papa va réagir au traitement mais il ne guérira pas.

Apparté : c’est là que tu te rends compte que tout le monde n’entend pas la même chose. Là où j’ai entendu, en langage de non médecin : « ça ne sent pas bon, on se prépare au pire », ma mère a entendu « il faut garder espoir, il peut y avoir une rémission ». Depuis que j’ai vu Bref 2, j’ai compris qu’elle avait sélectionné les mots qui l’arrangeaient.

Je questionne le monsieur sur le protocole : « ah non, ça ce n’est pas moi qui m’en occupe, c’est l’oncologue, Mme X, elle annoncera la mise en place des séances de chimiothérapie à votre père ». Quand à son état général, il n’ a aucune réponse sur cette dégradation rapide. Cependant, il fait le même constat : mon père ne dort plus, ne mange plus et n’aurait en fait pas dû sortir de l’hôpital. C’est donc reparti pour une nouvelle hospitalisation. La date de démarrage des chimiothérapies n’est pas encore envisagée. Mon père pèse autour de 65 kgs, il faut le retaper.

Je raccroche et je m’effondre. Je n’ai pas vu mon papa durant cette conversation mais je l’ai un peu entendu, il cherche ses mots, il participe peu, on a l’impression qu’il subit. La seule chose qu’il voulait c’était de ne pas rentrer à la maison. J’ai terriblement peur. Je cherche une psy sur Doctolib et je programme un premier rendez-vous.

En attendant Noël

Il reste à l’hôpital une quinzaine de jours. Durant cette période, on le soigne pour une infection (et il y en aura d’autres) ; on lui installe une sonde gastrique (directement par l’abdomen) et il aura même sa première chimiothérapie. Celle-ci est moins dosée que prévue car il ne la tolère pas bien. Il rentre à la maison et repart quelques jours plus tard en soins intensifs. Puis, c’est une nouvelle hospitalisation avec des annulations des séances de chimiothérapies.

Cette période me laisse un goût amer. Avec ma maman, nous vivons dans deux mondes parallèles. Je suis dans l’urgence, de préparer mes enfants au pire, d’essayer de « sauver » ce que je pense être notre dernier Noël ensemble et d’accepter que je vais devoir vivre sans mon père. Je voudrais pouvoir venir le voir tous les jours, avoir des moments avec lui mais, vue la distance, c’est impossible. Alors, j’appelle tous les jours, je « vole » quelques minutes où il est bien, je lui raconte en détails toute notre vie. Et, j’essaie de le laisser croire que je pense qu’il va vivre alors que je pense que la fin va arriver beaucoup trop vite. Ma mère a choisi de se préserver, elle ne se rend pas à l’hôpital car « c’est trop glauque » et elle veut garder des forces pour les moments plus durs. Je ne la comprends pas, pour moi, on est déjà dans les moments durs. Je lui en veux un peu à ce moment-là. Mon père perd du poids malgré la sonde, il est sans arrêt transfusé, il se sent seul, le moral baisse. Peut-on faire pire ? Comment peut-il combattre la maladie dans ses conditions ? Et pourtant il endure, les examens, la fatigue, la maladie !

Crédit Photo : Stefan Toth

Je fais un aller-retour express durant un week-end, je veux le voir pour pouvoir décrire leur grand-père à mes enfants. Noël approche, nous allons passer les quinze jours chez mes parents, il ne faut pas que Couette-Couette et Sangohan se fassent d’illusions sur l’état physique de mon père.

J’essaie de préparer Noël à distance : traiteur, sapin etc… Je veux vraiment qu’on puisse tous en profiter en famille et passer un beau moment.

Mais là encore, la vie nous joue un tour : il est trop risqué pour mon papa de rentrer vivre à la maison pour le moment. Il doit rejoindre une maison médicalisée en Soins Médicaux de Réadaptation (SMR ou anciennement SSR). Nous ne passerons donc pas le réveillon de Noël ensemble. Mais pour toute la famille, y compris mon oncle qui est venu passer quelques jours avec nous, ce déplacement en maison médicalisée représente un espoir. Le lieu est beaucoup plus chaleureux que l’hôpital et on espère que mon papa va reprendre des forces ! On est au début des vacances de Noël, il pèse moins de 60kgs, il n’a eu qu’une seule chimiothérapie, une prise de poids est plus que nécessaire.

On retient notre souffle et on attend un signe de mieux…

Un commentaire sur “Quatre mois pour se dire adieu (2)

  1. Les larmes aux yeux en lisant ton témoignage qui m’a ramené il y a 5 ans, lors de l’annonce du cancer de mon papa. Je suis dans le médical donc juste avec les images de scan j’ai compris que malheureusement il nous restait très peu de temps mais ma mère n’a jamais voulu l’entendre. On était en décalage complet…

    Je vis à des milliers de kilomètres et nous étions en 2020…en plein covid, frontières fermées.

    J’ai dit Adieu à mon papa en visio, sans image car il refusait que je le vois.

    C’était une période difficile, la fin de vie liée au cancer est tellement insupportable, la mort arrive finalement comme une délivrance.

    Je suis soulagée qu’on se soit toujours dit ce qu’on avait à se dire avant la maladie car durant ces dernières semaines rien ne sortait et comme toi, je ne voulais pas laisser entendre à mon papa qu’il n’y aurait jamais de mieux

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