De l’art de se salir
Le soir après l’école, les mercredis et les vacances scolaires, Chaton va au périscolaire de notre ville, ou péri pour les intimes. En première année de maternelle, c’est une garderie tout ce qu’il y a de plus ordinaire mais de qualité : un grand bâtiment neuf avec un bel espace extérieur arboré, de nombreuses activités proposées (atelier pâtisserie, sorties éducatives, jeux en extérieur…) et des animatrices – oui, exclusivement des femmes – adorables. On l’y laisse sans scrupules ni culpabilité voyant à quel point il s’y sent bien.
À la rentrée en moyenne section, la directrice nous propose de lui faire intégrer le groupe « Nature » : une portion réduite d’enfants sélectionnés pour leur autonomie, leur intérêt pour la biodiversité et l’écologie, ou leur adaptabilité de ce qu’on me dit. Moi je pense surtout qu’elles choisissent les rejetons pas trop relous, mais bon passons… Ayant eu d’excellents échos par les connaissances avec des enfants plus âgés, on accepte avec joie. Et c’est aujourd’hui l’éloge de cette section au grand air que je viens te faire !

Les petits écoliers de ce groupe sont donc dehors, tout le temps, en toutes saisons. Ils ont un camp dans la nature rien qu’à eux, aménagé de cabanes, d’un sentier pieds nus, d’un bac à sable, de mud kitchens, de toboggans, d’arbres, d’herbes folles et d’une « chaumière » (un préau en bois avec un toit de chaume) pour s’abriter en cas de grosse averse. Pas de béton à l’horizon, tout y a été construit avec des matériaux naturels ou récupérés : des branches d’osier et des palettes pour les cabanes, des troncs faisant office de bancs, un ancien et immense cadre de cheminée pour faire un tableau végétal, des vieilles casseroles pour patouiller… Lors de la journée citoyenne de la ville, les parents sont invités à participer à l’entretien du camp par de menus travaux. Les planches des cabanes sont décorées de peintures d’enfants, des guirlandes de fanions flottent au vent, les végétaux évoluent au fil des saisons et de nouvelles constructions se rajoutent au fur et à mesure. C’est gai, coloré, ludique et un peu sauvage, un vrai paradis pour les bambins !
Le programme pédagogique tourne bien évidemment autour de la nature. Les enfants font des pâtés dans la gadoue, observent les animaux, mangent des framboises cueillies sur les buissons, plantent des graines, vont ramasser les légumes de leur potager et cuisinent eux-mêmes certains de leurs goûters. Ils manient des brouettes, ramassent des branchages, et laissent libre cours à leur imagination (en construisant par exemple des barrières « anti-yéti »). Ils alternent entre jeux libres et activités proposées. Mais il y a aussi une forte dimension créative et culturelle : atelier théâtre, création de vitrines pour le marché de Noël, histoires contées, déguisements et même… initiation à la philosophie ! À la fin des grandes vacances, ceux qui le souhaitent peuvent passer une nuit sous tente, avec soirée pizzas, feu de camp et balade nocturne.
Qu’il vente, pleuve, neige ou fasse grand soleil, ils sont dehors. En hiver, ils ont un brasero pour se réchauffer et faire griller des chamallows. En été, ils sont sous la fraîcheur des frondaisons et font des jeux d’eau. En cas de trop grosse intempérie, ils ont une salle de repli dans l’école ou vont se réfugier à la médiathèque. Mais je crois très honnêtement que je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où ils se sont abrités en intérieur ces deux dernières années.
On s’est bien sûr équipé pour la circonstance : combinaison imperméable intégrale, bottes de pluies, après-ski en hiver, casquette en été. Je récupère souvent Chaton dans un état déplorable, les mains et le visage barbouillés de terre, mais si content qu’il ne veut jamais partir le soir. En rentrant à la maison, on file directement au bain, on vérifie qu’il n’y ait pas de tiques et on fait beaucoup, beaucoup de lessives… Mais quel épanouissement pour lui d’être au grand air ! Il nous a fait découvrir des insectes et oiseaux que je ne connaissais pas, veut ramasser tous les déchets qu’il croise pour ne pas polluer, et lui qui était terrifié par l’orage les attend maintenant avec impatience.
Alors je voulais par cet article rendre hommage et remercier toutes les animatrices de ce périscolaire pas comme les autres. Merci pour votre bonne humeur et votre bienveillance. Merci pour votre créativité et votre énergie folle. Merci de faire découvrir la biodiversité et de rendre attentifs nos enfants aux enjeux climatiques. Merci de les faire grandir et devenir autonomes, débrouillards et bien dans leurs bottes (de pluie !). Et surtout, merci de nous les ramener sales, mais tellement heureux !

Merci d’avoir partagé votre expérience et de montrer que des approches très différentes sont possible… ca fait rêver!
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Oui ça fait rêver !! Dans quel département vis tu ? Ta commune est elle à la campagne ?
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Merci ! Je suis dans le Grand-Est et j’habite dans une ville de taille moyenne. Il y a des champs autour mais je ne considérerais pas ça comme la campagne. On est très chanceux d’avoir des infrastructures comme celle si de qualité en tout cas.
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