Portrait de femme (1) : Tiphaine la chocolatière

Portrait de femme (1) : Tiphaine la chocolatière

Je ne sais pas si tu es comme moi, mais je suis la reine du « ah si seulement je pouvais vivre de… » et là, tu mets ce que tu veux. Avoir une librairie – salon de thé, être tricoteuse pro, faire des cartes de fête, bref, j’ai des tas d’envies de professionnaliser une passion, que je ne réalise pas parce que je n’en ai pas les c******s. Je voudrais te présenter des femmes de mon entourage qui en ont. Prête ? Alors voici…

Tiphaine, ma chocolatière préférée

Tiphaine, je l’ai rencontrée à 16 ans (j’en ai le double aujourd’hui, aïe !). On passait notre BAFA, elle avait les cheveux verts et des points d’eye liner sur le nez. J’ai tout de suite accroché avec cette petite nana pétillante. Je vais te la présenter un peu.

Portrait de femme : Tiphaine (cover)
Crédit photo : Tiphaine Corvez Chocolat

Tiphaine est bretonne, ce qui est un bon point de départ pour me plaire. Elle est le mélange explosif d’un papa « prolétaire » et d’une maman « bourgeoise ». Elle a une grande sœur, de 3 ans son aînée. C’est marrant, elle est pleine de contrastes : elle partage les passions de nombreux ados de notre génération (littérature fantastique, BD, mangas…) mais est plutôt une âme solitaire : son amitié est rare et précieuse. Et puis, elle a du caractère, des idéaux ! Elle est rebelle, croit en Robin des Bois, a horreur des injustices… Lucide sur notre société, elle a toujours eu la sensation que nous fonçons dans le mur… Sensible au vivant, quand je l’ai rencontrée elle était en train d’inventer un modèle de société appelée « Civilisation de la Paix », basée sur le troc et le partage de connaissances et de savoir-faire. Maintenant que tu la connais un peu plus, laisse-moi te parler de…

… la chocolaterie

Avant l’entreprise, Tiphaine mène une vie « d’ado » : elle vit en coloc’ avec son amoureux et ses 2 meilleurs amis. Le jour, elle travaille dans une chocolaterie, et la nuit elle joue à des jeux de société, des jeux vidéos, ou elle écoute les gars faire de la musique pendant qu’elle bouquine.

Tiphaine a un bac S, a fait les 2 premières années de médecine (pour ses parents) puis s’est décidée à réaliser son rêve : la chocolaterie.

« L’idée de devenir chocolatière m’est venue bêtement en regardant un film : Le chocolat. Dans ce film, l’héroïne apporte du bonheur dans tout un village grâce au chocolat, ça m’a donnée envie de faire la même chose ! Adolescente, je rêvais de créer un lieu hybride : une sorte de chocolaterie / salon de thé / bibliothèque avec une petite scène pour permettre à des artistes de se produire et une grande serre pour faire pousser des cacaoyers… Bon, je n’ai pas vraiment réussi CE projet là, mais avec le recul je me dis que c’était un peu ambitieux ! »

Il a fallu prendre les choses dans l’ordre : elle a fait un CAP cuisine, puis un CAP chocolaterie confiserie, elle a travaillé chez plusieurs patrons, mais savait que ce n’était qu’une étape. Avec le soutien de sa famille et de ses amis, elle a monté seule son entreprise (je t’avais dit, elle est badass). Il y a eu quelques éléments déclencheurs : un patron incompétent et fainéant qui lui donnera la conviction que si lui peut mener un commerce, elle en serait bien plus capable… et une belle entrée d’argent qui lui permet de réaliser son projet. Son jeune âge (pas encore 25 ans) lui donne droit à des aides financières. Bref, toutes les planètes sont alignées, faut y aller ! Au départ, en 2012, le labo dans lequel elle fabriquait les bonbons de chocolat qu’elle vendait sur les marchés se trouvait dans le garage de ses parents (aux normes hein, ne panique pas !)… Mais la maison a brûlé. Elle s’est donné 2 semaines pour trouver un local ou tout arrêter et, en février 2017, Tiphaine et son équipe ont déménagé. Après une belle campagne de crowdfunding, elle a pu ouvrir sa boutique !

« Il y a eu des moments difficiles, mais au début, j’étais tellement motivée que je ne me suis pas rendue compte de tous les sacrifices que je faisais, j’étais même contente de les faire ! Physiquement, c’était dur, je travaillais tous les jours de la semaine en ne me gardant que le dimanche après midi de repos. Je me levais tôt car je vendais mes chocolats sur les marchés et je faisais la production l’après-midi. Aujourd’hui, je serais incapable de refaire tout ça ! Mais d’un autre côté, je n’avais que des compliments sur la qualité de mes chocolats, j’en tirais donc une telle fierté et une telle satisfaction que travailler autant ne me posait pas du tout problème ! »

Portrait de femme : Tiphaine (la boutique)
Crédit photo : Tiphaine Corvez Chocolat

Heureusement, Tiphaine a bénéficié du soutien de ses proches. La chocolaterie est un milieu saisonnier, et à chaque Noël parents et amis venaient mettre la main à la pâte (de fruit) (c’est pour voir si tu suis encore). Tu l’auras compris, ma chocolatière préférée a vécu quelques coups durs… mais aussi des moments très intenses ! Parce que comme c’était presque trop facile, elle a eu la bonne idée de faire un bébé ! Le premier Noël de Bébé Dragon, celle-ci avait 2,5 mois et Tiphaine l’allaitait encore… Elle a donc habité tout décembre chez ses parents (le labo y était encore), commençait ses journées à 4 h, faisait téter sa fille à 8 h, et travaillait toute la journée pendant que le papa ou les grands-parents géraient la petite puce, et la lui descendaient pour les pauses tétées… Et puis, on ne va pas y échapper, il y a eu le COVID-19… La chocolaterie a fait presque 1/3 de chiffre en moins comparé à 2019. En période de Pâques, ça n’est pas négligeable, mais l’entreprise est solide donc ça ne devrait pas la mettre trop en danger. Pour contrer la fermeture, Tiphaine et son équipe ont proposé un service de livraison à domicile. Ce service va se poursuivre, mais via l’association des commerçants de Fontenay-aux-roses, à vélo !

Ses conseils

Lorsqu’elle a monté sa boîte, Tiphaine était « une gamine avec très peu d’expériences », et a donc fait des erreurs (l’humain, l’erreur, tout ça…) Mais c’est avec ça qu’on apprend, c’est grâce à ça qu’on mûrit. Par exemple, la chocolaterie étant un commerce, elle ne peut déménager avec sa clientèle. Mais aujourd’hui, elle aimerait sortir de région parisienne pour élever ses enfants… À l’inverse, elle se félicite d’avoir créée son entreprise jeune et AVANT d’avoir des enfants… sinon, elle n’aurait jamais eu la force et l’énergie d’en arriver là. Enfin, elle n’a aucun regret, quoi qu’il arrive cette aventure aura été belle. Pour la résumer, Tiphaine me donne quelques mots clés : sacrifices, ténacité, persévérance, mais aussi fierté et accomplissement de soi !
Chère lectrice, si tu hésites à te lancer dans l’entrepreneuriat, voici les conseils de Tiphaine :

« Lancez-vous, n’hésitez pas à demander de l’aide à vos proches ! L’entrepreneuriat est un monde très masculin, et les hommes en vous voyant arriver ne vont pas se méfier, ils vont même vous prendre sous leur aile (ça flatte leur ego), profitez-en ! Mettez vous en contact avec des associations ou les organisation patronales liées à votre secteur d’activité, c’est super utile pour la suite ! »  

Aujourd’hui, Tiphaine a 6 salariés, et est donc particulièrement fière de faire vivre 6 personnes, qui viennent travailler avec le sourire ! Elle a créé son entreprise pour ne pas être exploitée par un patron, pour faire mieux qu’eux. Elle a réussi, et c’est sa plus grande fierté dans son entreprise !

Portrait de femme : Tiphaine (création chocolats)
Crédit photo : Tiphaine Corvez Chocolat

Et l’avenir de cette entreprise ? Les priorités de Tiphaine ont changé avec l’arrivée de ses enfants. Sa fille a 3 ans, son fils 9 mois, et ses plans changent doucement. Pour l’instant, son équipe au top lui permet de profiter un peu de ses enfants… mais elle rêve d’un retour à la terre, ou à quelque chose de moins commercial, plus porteur de sens. Peut-être un écolieu, une recyclerie ou un repar’café avec une dimension liée à la permaculture. L’idée est de créer un projet centré sur l’humain et la nature. Et de ne pas rester en région parisienne dans l’idéal !

Si j’aimerais qu’elle réalise ses projets (on est un peu sur la même longueur d’ondes, tu l’as compris), je n’ai pas hâte que Tiphaine arrête de faire ses chocolats… Elle met un tel soin à choisir ses ingrédients, tout est délicieux et propre : origine bio, équitable ou local dans la mesure du possible, pas de colorant mais de la poudre de fruit, des emballages réduits à leur strict minimum, et une recherche permanente pour le mieux faire pour la planète. Elle fait partie de la confédération des chocolatiers confiseurs de France, et ils sont en ce moment en train de mettre en place le Club Chocolatiers Engagés, pour encourager les chocolatiers à travailler avec les producteurs pour améliorer leurs conditions de vie en leur apprenant de meilleures techniques de récolte / séchage / fermentation, afin qu’ils puissent valoriser leur travail et vendre leur cacao à un prix plus élevé. Si le personnage ne m’avait pas déjà conquis, c’est sûr, l’entreprise l’aurait fait ! Je t’invite à aller faire un tour sur son site. Ses chocolats font partis de mes cadeaux incontournables en fin d’année, Monsieur Loup se damnerait pour une boîte de gingembrette, et moi, je pourrais manger ses ganaches si fines et savoureuses jusqu’à la fin des temps !

J’espère que ce premier portrait t’a plu. Je caresse l’espoir que cet article aura su t’inspirer (et te faire saliver aussi, peut-être ^^’) et que tu oseras te lancer dans l’entrepreneuriat. Qu’en dis-tu ? (Faut-il le préciser ? Cet article n’est évidemment pas sponsorisé)

22 commentaires sur “Portrait de femme (1) : Tiphaine la chocolatière

  1. Waouh chapeau à ton amie pour son entreprise, c’est un beau parcours que voilà. Perso, je n’ai pas d’ambition de créer mon entreprise mais je suis toujours admirative des personnes qui se lancent dans ce projet. Adorant le chocolat, je vais faire un tour sur le site de ce pas. Merci pour cette jolie découverte ^^

    J’aime

  2. j‘habite à Fontenay et suis fan des chocolats de Tiphaine; quelle bonne surprise de lire cet article ! Je confirme ils sont délicieux! Et mention spéciale pour les emballages soignés, écolo et minimalistes. Je suis en train de convertir les habitués Patrick Roger. Tiphaine n’a rien à envier! Bonne continuation !:)

    J’aime

  3. Je ne sais pas ce qui me met le plus d’étoiles dans les yeux entre ton amie et ses créations ! Bravo Tiphaine et merci à toi pour la découverte. Ça fait du bien de lire des success story comme ça, même quand on n’a pas (ou plus) envie d’entreprendre.

    J’aime

  4. Très beau portrait, c’est inspirant, ça me parle beaucoup !
    J’en profite pour dire que j’aime beaucoup la direction donnée par vous toutes à bribesdevies, c’est un blog vraiment plaisant à lire, varié et hyper intéressant. Bravo, et merci 🙂 !

    Aimé par 1 personne

  5. Super portrait, super nana !!
    Mais je suppliiie Tiphaine de former un repreneur ou une repreneuse pour le jour où elle mettra à exécution son envie d’aller planter ses choux loin de nous. Ses chocolats sont IRREMPLAÇABLE S.
    Dominique, Cachanaise addicte (depuis la découverte de ses mini ganaches sur le marché).

    J’aime

Laisser un commentaire