Conte de Noël – Troisième partie

Conte de Noël – Troisième partie

Après un instant d’hésitation, Noah se saisit de son blouson et la suivit dehors.
Emilie et Noah marchaient côte à côte dans la rue froide et brumeuse. Le brouillard ne s’était toujours pas levé malgré l’heure. Qu’est-ce qu’elle aimerait qu’il neige avant Noël ! C’était de plus en plus rare, la neige en décembre dans cette région.
Cela faisait déjà plusieurs minutes qu’ils marchaient et Noah n’avait toujours pas dit un mot. Emilie décida de briser la glace pour s’éviter une pénible après-midi.
– Tu penses qu’il va neiger ? Ton grand-père avait l’air de penser que oui.
– S’il le dit, alors oui, il va neiger, dit-il sans quitter la route des yeux.
Échec.
– Sam m’a appelée Elinor tout à l’heure, tu sais pourquoi ?
Cette fois, Noah réagit. Il tourna sa tête vivement vers Emilie. Puis la détailla longuement.
– Tu sais que ce n’est pas très poli de regarder fixement les gens comme ça ?
– Pardon, je suis désolé, dit-il en rougissant. C’est juste que… non rien. Oh regarde, on arrive aux magasins. Tu veux commencer par quoi ?

Emilie avait surtout très envie de comprendre cette histoire d’Elinor et pourquoi Noah avait réagi comme ça. Elle avait beau ne le connaître que depuis dix minutes, c’était une envie irrépressible. Toutefois il valait mieux ne pas le braquer. Elle l’emmena dans une maroquinerie (un portefeuille pour sa mère), une librairie (un polar pour son père) et une chocolaterie (pour ses grands-parents).
– Tu t’y prends toujours au dernier moment ? se moqua Noah.
– J’avais déjà le cadeau de ma sœur quand même ! Et maintenant, les décorations !
– Vous n’en avez pas ?!
– Si, évidemment. Mais j’aime rajouter une boule tous les ans. En plus, ma cousine a eu un bébé le mois dernier, ce sera son premier Noël. Il lui faut une boule à son nom.
– Si tu le dis.
– Ne me dis pas que tu n’aimes pas décorer le sapin ?
– Bof, pas tellement.
– Moi c’est le moment que je préfère dans l’automne. Tu sais, le mois de novembre apporte la nuit de plus en plus tôt, ainsi que le froid et l’humidité. Je trouve ça affreusement déprimant. Alors, quand je fais le sapin et que je mets toutes ces lumières et décorations, ça illumine la maison – enfin mon petit appartement – et tout de suite je me sens mieux. Comme… comme dans les bras de mes parents quand j’étais petite. Comme si rien de mal ne pouvait arriver. Préparer le sapin et mettre les décorations, c’est comme fabriquer une bulle de bonheur et de magie. On va choisir une boule de Noël pour toi aussi ! 

Noah la regardait en souriant. Pas un sourire moqueur. Plutôt un sourire d’enfant.
– Regarde. De la neige, dit-il en montrant le ciel.
Et la neige se mit à tomber.

Dans la boutique bondée, le sourire de Noah disparut assez rapidement. Le pauvre semblait à la fois perdu et irrité par l’agitation ambiante. Une dame tentant d’atteindre un paquet de guirlandes lumineuses le bouscula et se confondit en excuse. Noah soupira : 
– Décidément, cette fête les rend tous fous !
Emilie, le sourire en coin et le regard narquois, lui lança : 
– Au moins, toi, c’est ton état naturel. 
Sa remarque dérida légèrement Noah. 
– Tu sais, dit-il, ce n’est pas que je n’aime pas Noël. C’est juste que cette fête s’accompagne de tant d’injonctions : « Sois heureux ; Souris ; Achète ; … »

Emilie le fixa quelques instants, sans un mot, puis elle alla choisir sa décoration de l’année. Une boule de Noël rouge avec des plumes blanches et vertes. Elle se tourna vers Noah. 
– Celle-ci sera pour toi, lui lança-t-elle. 
Elle choisit pour lui, une boule en verre, tout en transparence avec des fils de couleurs qui s’entrelaçaient.

Dans la file d’attente pour la caisse, Emilie eut envie de dire à Noah, que le problème des conventions en général, c’est quand elles sont identifiées comme n’étant rien d’autre que des conventions.
– C’est vrai que tu ressembles beaucoup à Elinor, c’est étrange, ce n’est pas physique, il y a juste quelque chose qui se dégage de toi qui me la rappelle, murmura Noah en rangeant les courses dans le sac et en se dirigeant vers la porte.
– Si, enfin, quelqu’un pouvait me dire qui est Elinor, lui répondit Émilie, en lui courant après.
– Elinor est un personnage d’un des contes de Noël que mon grand-père a beaucoup lu à ma mère petite et qu’elle m’a aussi beaucoup lu. C’est une fille solaire, drôle, avec le cœur sur la main. Dans ce conte, elle fait tout pour réveiller l’esprit de Noël dans un village meurtri et un peu renfermé sur lui-même. Je ne saurai te dire pourquoi il t’a appelée comme ça mais ça te va comme un gant.
– Ton grand-père a l’air d’être un sacré personnage, dit Emilie en tentant de suivre Noah, dont les enjambées la faisaient trotter derrière.
– Je ne te le fais pas dire, dit Noah dans un éclat de rire. En ce moment, son dada, hormis celui de me rendre fou en me harcelant sur ma vie sentimentale, est de me convaincre de participer à une tradition des plus fantasques de ma famille concernant un livre de Noël.
– Oui, il m’a parlé du Livre ce midi. Il veut que tu prennes la relève, en y ajoutant tes propres traditions de Noël, paraît-il. Je trouve que c’est une très jolie tradition familiale. 
– Ça le serait si j’étais intéressé par Noël ! Mais toute cette ambiance ne me parle pas. Je ne vois pas ce qu’on peut trouver de magique à manger devant un arbre décoré de rubans ridicules et de boules toutes plus moches les unes que les autres.

Emilie lui jeta un regard offensé. La boule de Noël qu’elle venait de prendre pour lui sonnait tout à coup comme une insulte. Noah capta son regard et rougit de nouveau, l’air confus. 
– Pardon, celle que tu as prise n’est pas moche, au contraire. D’ailleurs, je ne t’ai pas encore remerciée pour elle. Grand-père me sermonnerait s’il était là… Merci pour ton attention, je la trouve très jolie. 
– Il n’y a vraiment rien de la période de Noël que tu retiens ? Qui crée des émotions chez toi et te fait dire que cela vaut la peine d’être vécu ? Que tu as hâte d’être à l’année prochaine ? 

Noah avait ralenti le pas pour marcher au même niveau qu’Emilie. Il semblait perdu dans ses pensées et Emilie crut même distinguer une pointe de tristesse dans ses yeux. Ou était-ce de la nostalgie ? 
– Je ne sais pas… Je n’y ai jamais vraiment prêté attention. La fête de Noël a toujours été une telle institution dans ma famille que j’ai l’impression d’être écrasé par ce poids. Comme si je n’avais pas de choix à faire et que cela m’était imposé. 

Il redressa soudain la tête, s’arrêta et regarda Emilie droit dans les yeux.

Crédit photo : distelAPPArath

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