Conte de Noël – Quatrième partie

Conte de Noël – Quatrième partie

– Je suis quelqu’un de libre. Noël est un carcan. 
– Ou peut-être que tu dois simplement l’apprivoiser pour mieux te l’approprier ?, suggéra-t-elle avec un sourire. 
Noah détourna le regard, comme gêné… Puis sourit à son tour. 
– Comment m’approprier quelque chose que ma famille a figé depuis des années ? Toutes ces traditions, ces règles, ces choses à respecter… Non, pour moi, rien n’est authentique dans la magie de Noël.

Emilie ne savait pas quoi répondre. Elle repensa à tous ses Noëls, chez ses grands-parents, à cette impression de confort et de chaleur dans les nuits les plus froides. Comment être oppressé par ça ?
Rien à faire, Noah semblait être totalement réfractaire à l’ambiance joyeuse qui l’entourait.
– J’ai du mal à imaginer que rien ne t’apporte de la joie dans Noël… Rien ? 
– Maintenant que tu le dis, marcher avec toi sous la neige est plutôt sympathique, répondit-il avec un sourire en coin. 
– Je le savais ! Quelque chose peut réussir à percer cette armure bougonne ! 

Noah éclata d’un rire tonitruant, suivi par celui plus cristallin d’Emilie. Après cet interlude, ils se remirent à marcher en silence, délaissant les lumières de la ville pour celles plus tamisées du petit chemin de campagne qui montait vers leur destination. Emilie se sentait à la fois gênée du beau compliment qu’il venait de lui faire, et enivrée par sa présence à ses côtés. 

C’est Noah qui brisa ce silence confortable.
– Et quelles traditions ?! Cette année, mes parents sont à l’autre bout du monde, pour rendre visite à mon frère. Je suis venu pour soutenir mon grand-père, pour qu’il ne soit pas seul. Il est plus fragile qu’il n’y paraît. 
– Oh je suis désolée d’apprendre ça ! 
– J’ai parfois l’impression qu’il est invincible mais la vérité, c’est qu’il perd doucement la vue. Je pense que c’est pour ça qu’il insiste autant pour que je prenne le Livre en main : il veut pouvoir lire ce que j’écrirai. 
– N’est-ce pas une raison supplémentaire pour reprendre le flambeau ?
– Je ne veux pas être hypocrite : si jamais j’écris, ça doit venir du cœur… Or, mon cœur ne résonne pas pendant ces fêtes.

Ils reprirent leur marche mais cette fois, le silence était plus chargé. Emilie, pensive et attristée, réfléchissait à ce que venait de lui avouer Noah, qui restait silencieux, plongé dans ses propres pensées. Elle aurait voulu savoir comment l’aider.
– Et si ta tradition à toi, c’était justement de ne pas forcément adhérer à l’esprit de Noël ? De dire que c’est normal de temps en temps de ne pas se sentir bien, du moment qu’on ne reste pas seul et qu’on partage son désarroi avec sa famille ? 
– Tu n’as pas tort mais parfois, même entouré, on se sent seul.
– Je peux te poser une question indiscrète ?
– Dis toujours, je verrai si j’y réponds.
– Ton grand-père m’a dit que tu détestais Noël. Il y a une raison particulière à cela, un déclencheur ? Je comprends que tu n’aies pas envie de porter le poids des traditions ou de faire semblant de suivre les règles et l’obligation d’être enjoué, mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a une autre raison, quelque chose de plus profond.

Noah ne répondit pas tout de suite mais stoppa une nouvelle fois ses pas.
– J’avais une amie très chère. Elle était comme une sœur pour moi. Nous avons grandi ensemble et partagions cette même euphorie pour la fin d’année. Le simple fait d’entendre « Noël » nous mettait en joie et j’avais tellement hâte d’écrire à mon tour dans le livre des traditions tout ce que nous avions instauré ensemble au fil des années. Elle représentait à mes yeux tout Noël : l’amour, le partage, la générosité. Mais un matin, elle ne s’est pas réveillée. On n’a jamais réellement su ce qu’il s’était passé mais elle était partie, avec un sourire aux lèvres, l’avant-veille de Noël. Ce jour-là, la fin d’année a perdu tout son éclat pour moi. La perdre…

Il s’interrompit comme pour reprendre son souffle, avant de continuer en regardant Emilie droit dans les yeux.
– La perdre a été tellement douloureux que je n’ai plus jamais réussi à m’investir dans les célébrations de Noël. J’ai perdu mon âme d’enfant, la magie de ma famille. 
– Je suis désolée, murmura Emilie, je ne savais pas, je ne voulais pas réveiller de si tristes souvenirs.
– Oh non, ne t’en fais pas, c’était il y a longtemps. Mais tu comprends maintenant pourquoi c’est compliqué pour moi de répondre au souhait de Grand-Père ? C’est amusant. On ne se connait que depuis quelques heures et pourtant, j’arrive à te parler d’elle, alors que je refuse de le faire d’habitude. Je ne sais pas pourquoi mais tu m’inspires quelque chose de positif, de presque… magique !

Et alors que Noah laissait échapper un rire un peu gêné, Emilie ne put résister à l’envie d’aller le serrer dans ses bras. D’abord surpris par cet élan soudain d’affection, Noah ne tarda pas à rendre son étreinte à la jeune femme. Ils restèrent ainsi un moment, sous la neige tombante, au milieu du chemin, comme si le temps s’était arrêté.

Noah et Emilie étaient bien là tous les deux, sereins, loin de l’effervescence de Noël. 
La neige tombait de plus en plus fort. L’un et l’autre n’osaient pas bouger. Le souhaitaient-ils vraiment d’ailleurs ?
Emilie sentait la chaleur dans le cou de Noah. C’était délicieux, enivrant.
Emilie dit soudain à Noah :
– Je pense que nous devrions rentrer. La neige efface déjà nos pas.

Noah plongea ses yeux dans le regard d’Emilie, il lui prit la main et l’emmena se réfugier dans la maison familiale. Ils riaient aux éclats en courant jusqu’au toit qui les abriterait des bourrasques. Chacun à leur tour, ils glissèrent sur une plaque de glace et chacun à leur tour, ils se rattrapèrent. 
Arrivés sur le perron de la maison, il faisait froid, très froid, mais les deux compères ne ressentaient pas les températures hivernales.
Ils voulaient prolonger ce moment hors du temps, encore et pour toujours.
Que leur arrivait-il ?

Crédit photo : geralt

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