les poils, la société et moi

Les poils, la société et moi

Tout a commencé un jour de collège. Les garçons, prépubères, exhibaient leurs premiers poils au menton ou sur le torse, tel un Graal, et ils jalousaient ceux qui, fièrement, portaient déjà une toison aux jambes. Le poil : symbole de virilité pour des gamins en quête d’indépendance.
De l’autre côté du gradin, attendant les explications des professeurs d’EPS, les filles comparaient leurs poitrines naissantes et s’intéressaient aussi aux poils… C’est ainsi qu’une fille en interpella une autre :

– Hé mais t’es poilue des jambes !!! beurk !!!

– Comment ça ? C’est que trois poils blonds…

– Nan mais tu ne peux pas laisser ça comme ça, faut que tu t’épiles ou que tu arrêtes les shorts !

Perplexe, la jeune fille rentra chez elle, demanda un rasoir à sa mère et alla commettre l’irréparable : elle se rasa !

poils blonds, fourrure
Crédit photo : Lukas

Cette jeune fille naïve, c’était moi. Collégienne en cinquième, blonde à souhait, avec un tout petit duvet sur les cuisses et les demi-jambes. C’était moi qui n’avait pas su voir cette hypocrisie qui voulait que les gamines fantasment sur les poils naissants des garçons, et s’horrifient devant un duvet blondinet chez une de leurs camarades. C’était moi qui était trop jeune pour me questionner sur ces injonctions de la société à être lisse, sans aspérité, à entrer dans un moule que l’on nous tend.

Poils or not poils ?

Longtemps je me suis épilée, rasée, crémée, cirée etc. J’ai testé je ne sais combien de solutions pour en finir avec cet ennemi intime qu’est le poil. Bien évidemment, il ne lâche pas l’affaire et reviens très vite : un jour, deux semaines, un mois, suivant le mode d’extermination utilisé.
Longtemps j’ai cru que cela n’avait pas d’impact sur moi. Ou plutôt un seul impact, positif et esthétique : une peau lisse et glabre.

portait, femme, rasoir
Crédit photo : Vika Aleksandrova

J’avais tout faux. J’ai ainsi renforcé mes poils, les ai rendus plus drus avec le rasoir, ou trop faibles pour percer avec la crème dépilatoire ce qui m’a amenée à avoir de nombreux problèmes de peau (en plus des maux de têtes dûs à l’odeur entêtante de ces produits cosmétiques aux compositions à rallonge). J’ai transformé mon petit duvet blond en un poil brun et long… Joie. J’ai aussi eu le bonheur d’avoir des poils incarnés infectés sur les demi-jambes me causant des cicatrices et autres boutons.

Bref, à 20 ans, j’avais – excuse-moi du langage – pourri mes jambes à cause des critères de beauté de nos sociétés modernes. Oui le poil est un ennemi à éradiquer, une trace de nos origines animales. Le poil c’est sale, c’est disgracieux, ce n’est pas féminin… Merci le marketing.

Une lente prise de conscience

J’ai fini par aller voir un dermatologue pour mes soucis de poils incarnés. Malgré des crèmes hydratantes et des gommages prescrits par le médecin, rien n’y faisait. J’ai mis des années à passer outre un traumatisme sur mes jambes et me mettre en jupe et short, et voilà que celles-ci étaient défigurées par des boutons, cicatrices etc. Le spécialiste m’a alors proposé de faire du laser sur les demi-jambes afin de détruire les poils problématiques. J’en ai fait 5 en tout, et à défaut de m’avoir épilé complètement, j’ai pu avoir une diminution de 50% environ de mes poils. Poils qui sont redevenus plus clairs, blonds, et qui ne me causent dorénavant plus de poils incarnés, ou très peu.

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Crédit photo : Thais Do Rio

A 20 ans je pouvais me remettre en jupe et short, enfin ! Sans avoir honte des cicatrices ou des poils. Mais pourquoi avoir honte ? Honte des poils ? Finalement les poils sont ce qui nous caractérisent aussi. Nous sommes des mammifères, à poils donc, avec des mamelles aussi. Pourquoi doit-on avoir une belle poitrine ferme et bien rebondie, mise en avant, et ne pas assumer nos poils alors que tous deux sont des attributs de notre espèce ? Parmi d’autres évidement. Mais ceux là posent problèmes : l’un quand on n’en a pas l’autre quand on en a. Bizarre n’est-ce pas ?

Et aujourd’hui ?

Est-ce que j’assume mes poils par tout temps. Non, je le dis ouvertement, je n’ai pas encore assez déconstruit cette image de la femme pour m’en défaire totalement. Mais je suis beaucoup moins regardante. Déjà j’ai troqué les crèmes pour la cire à la maison ou l’épilateur électrique. Je m’épile aussi beaucoup moins. J’attends qu’ils soient longs, même en été avant de les ôter. En hiver je les laisse vivre. Cela permet d’espacer les moments de souffrances et de ne pas attiser la pousse de cet ami. Parce que oui, le poil est devenu un ami aujourd’hui. Je me rends compte qu’il n’est pas forcément bon de l’éradiquer totalement. Il a un rôle à jouer, il nous protège aussi.

Peut-être que dans quelques années j’oserai sortir sans être rasée ou épilée de toute l’année, même quand je suis en mini-jupe. Mais pour l’heure je n’y suis pas encore. Par contre je me suis rendu compte que, quoi qu’on en dise, la plupart des gens n’en ont que faire de l’état de vos jambes ou de vos dessous de bras. Finalement l’épilation compte moins que l’odeur de transpiration. « Lavez-vous donc à la place de nous éradiquer » voilà ce que pourrait scander nos poils !

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Crédit photo : Billie

18 commentaires sur “les poils, la société et moi

  1. Perso, je suis du côté pratique, je trouve que c’est désagréable en été car ca retient la transpiration ou tient un peu chaud alors je rase quand il fait chaud et que ça me gêne (aisselles et demi jambes).
    En hiver, je ne fais rien à part si une envie soudaine me prend. (Au collège, lycée je m’épilais plus souvent pour ressembler aux copines.)
    J’ai testé une fois l’épilateur et la cire, trouvé ca douloureux et donc depuis mes 11 ans, je le fais au rasoir sans n’avoir jamais eu aucun soucis de peau, ouf.

    Mon plus gros problème c’est durant mes grossesses ma pilosité faciale augmente beaucoup et je ne m’aime pas avec une moustache ou des poils sur le menton et ceux là sont durs à faire partir.

    Au début de ma relation avec mon chéri, on a un peu parlé de ce qu’on souhaitait voir sur le corps de l’autre. Ca me paraissait important qu’il me trouve belle (vu que mois, je lui demande bien de se raser la moustache que je n’aime pas). Mais comme il m’a dit, il regarde assez peu mes aisselles et mes jambes donc il s’en moque !

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    1. Oui l’important c’est de trouver quelque chose qui nous correspond. J’avoue être chanceuse de ce côté là, même quand je les laisse j’en ai peu. Et les grossesses ne m’ont pas augmenté ma pilosité. ouf !

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  2. Je crois que jusqu’à mes 25 ans je voyais les poils comme le mal absolu. Non tant pour le côté esthétique que pour le côté hygiénique. Chez moi toute pilosité « excessive » s’accompagne de fortes odeurs, même sans transpirer, et jusqu’à peu je pensais que c’était la règle pour tout le monde. Du coup impossible de laisser mes aisselles velues, mais j’ai pris bien plus de liberté concernant mes jambes et mon pubis que je n’épilent plus que quelques fois l’année.

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    1. J’avais aussi cette impression avec les aisselles et la transpiration mais en fait je transpire d’endroit sans poils aussi : le dos…. et finalement en été c’est plutôt horrible de ce côté là alors que mes aisselles non. j’ai toujours pas trouvé de logique ! lol

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  3. Ah bah figure toi que je réfléchissais à écrire un article qui aurait eu exactement le même titre que le tiens !!
    Contrairement à toi j’ai des poils noirs sur une peau blanche. Et beaucoup beaucoup de poils. Dès le début, ma mère m’a avertie de ne pas utiliser de rasoirs et elle m’emmenait chez l’esthéticienne pour me faire épiler à la cire. Puis plus grande j’ai continué à l’épilateur. Je m’épilais les jambes jusqu’à mi-cuisse, les aisselles et les bras aussi.
    Depuis que j’ai moins le temps avec les enfants je suis moins stricte sur mon épilation. Ça va faire 6 ans que je ne me suis pas épilé les bras. Et comme toi, je laisse le reste tranquille en hiver (sauf quand une séance piscine est prévue, mais cette année il n’y en a pas eu !). Petit à petit j’apprends à vivre avec et non pas contre. Disons que maintenant jusqu’à une certaine longueur/densité ça ne me dérange pas trop et j’assume. L’avantage de l’épilation c’est qu’en 20 ans ils se sont affaiblis et j’en ai moins qu’avant. Mais ils.sont toujours aussi noirs ! Je n’ai pas encore sauté le pas de l’épilation laser, mais ça me tente bien.

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  4. J’utilisais la crème dépilatoire, surtout en été (en hiver, je laissais ma peau tranquille), et puis un beau jour (ironie !) je me suis brûlée : le radiateur soufflant de la salle de bains soufflait vers mes jambes, j’ai bien senti que ça brûlait mais il FALLAIT que je retire mes poils. Résultat, une brûlure… superficielle certes, mais quand même ma peau est restée sensible 1 ou 2 semaines.

    Ça a été le déclic pour moi : j’ai enfin réalisé que m’épiler me faisait mal et j’ai cessé de m’épiler les jambes.

    Un peu plus tard, j’ai aussi laissé mes aisselles tranquilles.

    Depuis, je serais très embêtée de m’épiler de nouveau. J’aime mon corps avec mes poils, je ne veux pas céder aux injonctions (absurdes) de la société.

    J’assume mes poils presque partout. Je peux aller à la piscine, à la mer, en jupe, en pantacourt, en maillot de bains. Le seul endroit où je n’y arrive pas, c’est au bureau, alors j’ai investi dans des pantalons en lin pour l’été (parce que pas question de m’épiler).

    Ma peau se porte beaucoup mieux : moins d’irritations, de boutons, de sècheresse. Je ne « sent » pas plus qu’avant (note : je ne mets pas de déodorant depuis des années, à la base car je supporte mal les odeurs des cosmétiques et puis finalement car je me suis aperçu que… le déo faisait sentir beaucoup plus ma transpiration, ruinait mes vêtements et me faisait transpirer plus).

    Bref, je ne reviendrai pas en arrière !

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    1. oui le déo c’est aussi un peu un faux ami : c’est une agression avec certaines compositions du coup on sent des fois plus avec que sans rien. le bicarbonate de soude mélangé à l’amidon ça fonctionne bien…. sauf qu’avec des vêtements foncés ça fait des traces. bref rien n’est parfait !
      pour la crème dépilatoire : aoutch ! j’avais effectivement lu sur les emballages que cela pouvait brûler, mais je l’ai évité. ouf.

      Je ne suis pas encore à ton point sur la non épilation, mais je me sens aussi bien plus libre depuis que je me prends beaucoup moins la tête sur ces questions là. et je gagne aussi un temps fou !

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  5. Cela me parle énormément. Comme toi j’ai commencé à la crème dépilatoire parce qu’en cours de gym en 4e j’étais poilue. Certes sans doute plus que toi car moi je suis brune avec une peau hâlée, mais à l’époque ça ne devait pas se voir beaucoup plus que tes poils blonds.
    Clairement je n’avais pas les moyens dans mon adolescence et mes parents non plus de me payer une esthéticienne du coup ça a été crème puis rasoir.
    Maintenant je suis un peu moins regardante mais faut dire que mes poils se voient quand même beaucoup !
    Du coup là je suis au point de ma réflexion ou je suis en train d’économiser pour faire une épilation au laser. Brune peau claire (je vois beaucoup moins le soleil), je suis une bonne candidate donc je pense vraiment sauter le pas dans l’annee au moins pour les jambes et aisselles !

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  6. Ici je suis très poilue, poils foncés sur peau claire. Dès le CM1 j’ai essuyé pas mal de remarques sur ma pilosité et en 6e ma mere a accepté de m’emmener chez l’esthéticienne. J’ai traqué mes poils régulièrement jusqu’à 25 ans. Je vis sous les tropiques et la chaleur humide a tendance à fortifier mes poils donc en 2012 je me suis offert 1 épilation au laser chez un dermato aisselles, maillot. Je n’ai pas fait les séances d’entretien donc ce n’est pas nickel mais c’est déjà 1 grand soulagement pour moi. Quand j’aurai le temps et le budget je ferai les jambes.

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    1. les tropiques !!!! ahhh, avec notre temps actuel en France, tu m’envoies du rêve ha ha !
      je suis prof en collège donc j’essaie aussi de sensibiliser les élèves sur ces questions là quand l’occasion se présente. je trouve cela très dur les moqueries des camarades sur quelque chose que l’on a pas choisi.

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  7. Une partie du calvaire quotidienne des femmes du Monde parmi 36000 autre qu’elle doivent s’occuper chez elles et au dehors..Tandis que messieurs n’ont qu’aller au boulot et rentrer et demander le repas, leurs sous vetements apres la douche, ensommeiller devant la tele…
    Cette vie « multipurpose  » a augmente la capacite des femmes sans doute.Mais c’est au profit des hommes.
    Quoi que je deteste son cote desespere , ici j’ai du accepter l’opinion de S de Beauvoir sur l’egalite de s sexes.

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  8. Comme toi et même un peu plus jeune (6ème) j’ai commencé à traquer les poils pour des modes de collège… Au lycée, pareil, et jusqu’aux études supérieures ! Sans me rendre compte que la société avait choisi pour moi ce qui devait rendre mon corps beau (et le faire souffrir) !
    Un jour que j’avais encore passé au moins 2 heures à m’épiler parfaitement jambes, aisselles, maillot, mon week end avec mon copain de l’époque s’est annulé et je me suis retrouvée épilée « pour rien ». Le délcic… Je le faisais complètement pour lui et pas du tout pour moi…
    Depuis, progressivement, je m’épile de moins en moins puis plus du tout depuis 2 ans : quand j’ai envie, je tonds à environ 5mm et c’est tout. Ca ne fait pas mal, c’est rapide, c’est pour moi le même plaisir qu’une coupe de cheveux chez le coiffeur.
    J’ai aussi la chance d’être dans des cercles un peu hippies dirons nous, avec de plus en plus de femmes qui ne s’épilent pas et ne s’en cachent pas ! Car d’après les forums et autres, ok apparemment beaucoup de femmes gardent leurs poils, mais les montrer, c’est une autre paire de manches.
    C’est vrai que ce n’est pas facile. Au début, dans le métro avec mes jambes poilues je me disais « je fais ça pour l’exemple, c’est bien de montrer des jambes au naturel, ça peut en inspirer d’autres… » mais je faisais quand même pas la maligne ! Aujourd’hui, je n’y pense même plus !
    Quel boulot de déconstruire des injonctions !!!
    Merci pour l’article et très belle photo !

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  9. Ah j’adore cet article ! Et j’aurais clairement pu en écrire un similaire !
    Mon histoire est tout de même un peu différente, parce que je viens d’une famille de femmes brunes et poilues et que j’ai toujours entendu ma mère dire « il n’y a que les belles femmes qui ont de la moustache ». Et en effet, ma grand-mère, ma mère, ma soeur et moi, avons toute une magnifique chevelure brune, dense et robuste, des sourcils bien dessinés et des cils épais…. accompagnés du pelage qui va avec ! 😉
    Du coup, dès la 5ème, ma mère m’a proposé de m’emmener chez l’esthéticienne pour éviter le rasoir, et j’ai pris cette habitude jusqu’à ce qu’elle m’offre quelques séance de laser, vers 25 ans. Je dois avouer que ces quelques séances de laser ont vraiment changé ma vie : j’ai beaucoup moins de poils dans les zones qui ont été traitées, et même si ce n’est pas parfait, ça me permet de m’épiler demi-jambes, aisselles et maillot uniquement en tout début d’été, sans avoir besoin d’y retoucher. Le reste du temps, je laisse mon pelage tranquille.
    Auparavant, j’étais vraiment très complexée par mes poils, notamment au niveau du maillot : même en choisissant les culottes les moins échancrées, j’avais toujours des poils du pubis qui dépassaient et ça a été très compliqué pendant toute mon adolescence (évidemment, hein, les poils féminins n’ayant pas de représentation dans l’espace public, je me sentais bizarre, anormale, moche et j’en passe….).
    Bref, à présent, je n’hésite pas à sortir mes gambettes dès que la météo le permet, sans être trop regardante pour leur état (un petit coup de rasoir vite fait est suffisant pour tenir quelques semaines). Par contre, les poils que je ne parviens pas du tout à assumer (et je pense que je n’y arriverai jamais) sont ceux du visage : je continue à traquer quasi quotidiennement les poils qui s’incrustent au-dessus de ma bouche ou sur mon menton.

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