Dix ans

Dix ans

Dix ans. Aujourd’hui ça fait dix ans que tu es parti. Tu es parti trop tôt. Tu es parti dans des conditions difficiles : cette longue maladie qui a fait que tu n’étais plus toi. Tu es parti et c’est injuste. 

Le jour où on m’a appelé pour me dire de venir, que c’était la fin, j’ai tout laissé en plan. Je suis arrivée la dernière, je venais de loin mais j’étais là quand tu es parti, entouré de ta famille. J’aime à croire que tu as attendu que j’arrive. C’est bien plus probable que ce soit le personnel médical qui m’ait attendue pour arrêter l’assistance respiratoire. Quand je suis revenue au travail plusieurs jours après, mon calendrier était encore à la date de ton dernier jour, comme si la semaine ne s’était pas écoulée. Pour moi tout était différent, tu n’étais plus là, mais pour les autres, rien d’important ne s’était passé. C’était étrange ce décalage, comme une espèce de fissure dans l’espace-temps qui me donnait une impression d’irréalité. Mais c’est l’apanage du deuil je crois, une nouvelle réalité à appréhender sans la personne aimée.

Je mentirais en disant que je pense tous les jours à toi. C’est bateau, mais la vie continue. Il y a cependant des moments où ton décès me percute de plein fouet. Il suffit que je voie quelqu’un qui te ressemble, que j’entende la musique qu’on a joué à ton enterrement, et l’émotion me saisit. Dans la vie de tous les jours, la routine atténue tout ça. Mais c’est dans les grands événements que ta perte est la plus douloureuse. Ton absence laisse un grand vide à chaque mariage, naissance, anniversaire, Noël. J’adorais les fêtes de fin d’année avant, mais Noël n’est plus pareil sans toi. Et que dire de mon mariage où tu n’étais pas là…

Si tu savais tout ce que je regrette. Je regrette les dernières années avant que la maladie ne t’efface, je les ai tellement gâchées. Je regrette que mon mari ne t’ait connu que lorsque tu avais déjà changé, vous vous seriez vraiment bien entendus. Je regrette tous ces petits détails de ta vie que j’aimerais connaître et qui sont perdus à jamais. Je regrette que tu ne connaisses pas mon fils, vous vous seriez adorés. Je lui parle de toi un peu, il connaît ton nom et a vu des photos, mais ça n’est pas pareil. On m’a déjà dit qu’il te ressemblait. C’est d’ailleurs une des premières choses que mon mari m’a dite quand il est né. C’est vrai que j’ai parfois des flashs en le regardant, j’ai l’impression de voir ton visage dans le sien. Je me dis que quelque part, tu es encore un peu là. 

Les souvenirs de ma jeunesse s’effacent avec l’âge et sont remplacés par des nouveaux. Je perds petit à petit la mémoire de toi et ça me peine. Le souvenir de ta fin et des jours qui ont suivi restent très vifs, eux. Dix ans c’est pourtant long, et pas tant que ça en même temps. Je me raccroche à ce que j’ai gardé : des photos, des effets personnels, des objets qui font resurgir des bribes d’enfance. Ça ne comble pas ton absence mais ça me permet de te garder présent et de te rendre hommage. Mon premier tatouage en est un peu un d’ailleurs. Un peu caché, très symbolique mais moi je sais. Et puis il y a toutes ces choses que je ne pourrais plus jamais te dire : pardon, merci, au revoir… 

Dix ans. Aujourd’hui ça fait dix ans que la vie continue sans toi. 

Tu me manques, Papa.

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