Et je suis devenue Maman

Et je suis devenue Maman

Je suis donc hospitalisée, à 33 semaines de grossesse.

Piqûres de corticoides pour les poumons, monitorings 2 fois par jour (plus une fois la nuit si pas satisfaisant), tension, bref, je suis très surveillée. On nous explique qu’on vise 36 semaines (on est à 33), et que si d’ici là bébé ou moi venait à décliner on interviendra. On visite la neonat. On me donne des permissions de sorties régulièrement, ce qui nous permet de faire des restobancs (c’est toujours le covid, on prend des restos à emporter qu’on mange sur des bancs).

Ma nouvelle routine, monitoring matin, midi et soir (ou presque). Photo personnelle.
Heureusement qu’on peut se faire quelques restobancs. Photo personnelle.

Peu à peu on comprend. Tension haute (toi aussi fais fuir une élève infirmière après avoir lu le tensiomètre !). Gros retard de croissance. Et ce mot: « dopplers inversés ». On nous explique qu’en cas d’urgence, le corps humain est magnifique et se met en mode « sauvez les meubles ». Le cerveau, en l’occurence, on sauve le cerveau du bébé. Le sang – qui arrive par le cordon ombilical – est donc dirigé en priorité vers le cerveau comparé au corps. Et ça se mesure, avec un doppler. Et quand la redirection est effective, on arrive aux « dopplers inversés ». En gros: une mauvaise nouvelle. On comprendra bien plus tard qu’on est sur une espèce de pré-éclampsie qu’on ne nomme pas.

Alors en attendant, je tricote, et on joue à Pandemic (ce qui fait beaucoup rire les infirmières).

Un jeudi, le cœur du bébé est un peu joueur, y’a des petits ralentissements. Direction les urgences où je passe une partie de la nuit branchée au monitoring mais on me fait remonter à 3h du mat.

Le dimanche, permission, je rentre pour l’après midi à la maison. On regarde les 6 nations, on plie des raviolis à la crevette et on les mange en soupe tom yam (avec du piment). Programme made in monsieur Sans Chaussettes mais j’aurais pas rêvé mieux comme dernière journée à deux.

Et j’ai même pris une photo. Prémonition ? Photo personnelle.

Dernière journée à deux, parce qu’au retour, monitoring de 17h, un ralentissement du rythme cardiaque et 4 personnes débarquent dans ma chambre. Direction les urgences pour un monitoring plus poussé. Et ça recommence. Une fois, deux fois, on va faire naître ce bébé madame. On est à 34 semaines et 5 jours, c’est dimanche, c’est la nuit.

On me demande de choisir entre un déclenchement (au ballonnet, je sens que c’est une option risquée) ou une césarienne. Je réponds que je veux un bébé vivant, et on part au bloc.

Immédiatement je doute de ma décision, est-ce qu’on n’aurait pas au moins pu tenter de déclencher ? Mais c’est trop tard, il faut y aller. Naïvement je demande quand je dois appeler le papa « tout de suite madame ! ».
On m’habille (enfin je m’habille – je suis pas du tout en travail et j’ai à peine du ventre !), j’ai juste le temps de faire un bisou à Mr Sans Chaussettes (qui sent le bouillon de crevettes !), on prend la seule photo de ma grossesse et zou. Il a quand même eu le temps d’envoyer des nouvelles à nos familles, un petit texto annonçant la naissance imminente.

On a une équipe formidable. Vraiment. Ils sont je sais pas combien dans la pièce, y’a une couveuse qui attend dehors, je l’ai vue apparaître, une équipe de réanimation prête, mais y’a une vraie sérénité. Les anesthésistes font les ânes pour que je me détende (ça marche). L’anesthésie est posée, Monsieur Sans Chaussettes entre (et sent le bouillon de crevettes !).

Et là je sais, d’un coup je sais qu’on est au bon moment au bon endroit. J’ai plus de doutes, je suis incroyablement sereine. On entend « incision » et tout de suite un petit cri. Et beaucoup d’émotion. Beaucoup. Et on sait tous les deux que le prénom choisi deux semaines avant dans les couloirs sombres des urgences gynéco n’est pas le bon. Elle s’appelera donc « BB » en attendant qu’on confirme son prénom … Oui, elle, c’est une petite fille !

On nous avait dit qu’on nous montrerait bébé dans un sac plastique, pour garder sa chaleur, et c’est ce qu’il se passe, on a 20 secondes pour la voir. Et elle part, avec son papa. J’apprendrais qu’elle fait 1.4kg, qu’à priori elle respire seule et qu’elle va bien. Et là, la porte s’ouvre et on me dit qu’on fait une petite entorse au protocole et je vois la couveuse entrer. Je peux la voir, la toucher. Et ma dernière angoisse s’envole, celle de ne pas la reconnaître au milieu des tous petits bébés.

Je passe quelque heures en salle de réveil (où une des infirmières se fait une frayeur en ne trouvant pas mon utérus à la palpation – il est tout petit madame, j’ai eu un demi bébé !), et je retourne dans ma chambre et les infirmières m’aident à aller jusqu’à la neonat ou je retrouve le papa (qui sent toujours le bouillon de crevettes 😂). Un espèce de grand infirmier baraqué s’occupe de notre micro bébé. Ses mains sont plus grandes qu’elle entière ! Il me propose de la prendre. Du peau à peau. Je ne pensais pas que ça serait possible.

Personne ne m’avait prévenue qu’avoir son bébé sur soi, c’est le meilleur truc du monde. Même bariolé de petits cables. Même dans une pièce sombre avec des bips dans tous les sens. Même quand rien de tout ça n’était ce qu’on avait imaginé.

Ça fait 8 mois et un jour qu’on a enlevé mon implant, et j’ai mon tout petit bébé sur moi, je n’ai pas de mots pour décrire ce moment là. Je suis maman, on est parents, c’est parti. C’est une évidence. Ça dure 10 minutes montre en main (il avait vraiment une montre en main) mais j’ai encore le souvenir de son petit corps sur mois près de 4 ans après.

Le papa a prévenu nos familles, elle est née, c’est une petite fille.

On apprendra plus tard que mes parents (qui se couchent avec les poules – d’ailleurs ils en ont dans leur jardin) ont reçu les deux textos de nouvelles en même temps : « les choses s’accélèrent, bébé va naitre » suivi de « c’est une petite fille. Tout va bien ». C’est mon père qui les a vus en premier et il a été réveiller ma mère avec un petit thé, en lui disant « bonjour Mamie ! ».
(et non, eux non plus n’ont pas su le prénom tout de suite !)

4 commentaires sur “Et je suis devenue Maman

    1. Je dois dire que c’était un peu d’émotions à écrire aussi ! La suite arrivera, mais je peux dire qu’aujourd’hui mon mini bébé a quasiment 4 ans, et qu’elle est incroyable (et que c’est toujours la meilleure chose du monde quand elle vient faire un calin).

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