Une rénovation

Une rénovation

Dans notre vingtaine, après quelques années en location, on a décidé avec mon cher et tendre qu’il était temps pour nous d’accéder à la propriété. Nous avions des emplois stables et une bonne situation, c’était la suite logique.

D’abord, Ryo a dit « Pas de travaux ». Nous avons donc visité des biens directement habitables. Mais il y avait toujours un truc qui nous déplaisait. Si ça avait seulement été la couleur des murs on aurait facilement pu mettre un coup de pinceau, mais c’étaient des choses plus conséquentes, et qui nécessitaient de plus gros travaux : la disposition des pièces, les meubles de cuisine pourtant neufs… Alors on a retourné notre veste, et on s’est dit que le meilleur moyen d’avoir un chez-nous qui correspondait complètement à nos goûts, c’était de le faire nous-même.

Ainsi, un soir d’hiver, on a visité le premier étage d’une maison de maître, dont le rez-de-chaussée avait déjà été transformé en appartement. Il n’y avait pas d’électricité, on s’éclairait à la lampe torche. Dans un coin, il y avait un berceau qui grinçait, un crucifix au mur, et un tas de vêtements sur un vieux lit. Digne d’un film d’horreur ! Il n’empêche que le lieu avait du potentiel, une belle surface, le charme de l’ancien (des vitraux !) et surtout la possibilité de tout refaire à notre goût. On a hésité, contre-visité, mais finalement il avait trop de défauts : le quartier n’était vraiment pas fou, il fallait de gros travaux de remise aux normes pour l’isolation entre autres, il n’y avait pas de garage et le prix demandé était trop élevé vu le travail nécessaire à sa remise en état. Mais cette visite nous a conforté dans notre envie de rénovation.

J’ai ensuite vu passer une annonce pour un appartement de style plus moderne. Les photos n’étaient pas terribles et Ryo pas du tout intéressé. Mais je suis têtue, alors j’ai profité qu’il soit en déplacement pour aller le visiter seule. Et là j’ai vu tout le potentiel du lieu. L’emplacement était idéal, en plein centre-ville mais avec un garage et un parking. Trois chambres, un grand balcon et une immense pièce de vie avec un quart de cercle entièrement vitré. Certes, il était dans son jus, avec de la moquette rose, une fresque grecque dans la salle de bain, des plafonds en toile tendue et des portes western dans la cuisine. Mais il était atypique, lumineux et il y avait vraiment de quoi faire quelque chose de sympa. Alors dès le retour de Ryo, je l’ai embarqué pour une contre-visite et il a aussi été convaincu.

Cet appartement a été notre premier achat immobilier à tous les deux. Nous étions jeunes et cons insouciants et on s’est dit que faire une offre bien en dessous du prix nous laisserait une marge de négociation. On a dû avoir une bonne étoile sur ce coup-là, parce que malgré ce que nous avait prédit l’agente immobilière, elle a été acceptée. C’est ainsi que nous sommes devenus les heureux propriétaires d’un appartement à rénover complètement. Et pour te donner un peu de contexte : on n’avait jamais fait plus qu’accrocher des étagères et nos seuls outils, c’était la petite boîte Ikea avec un marteau et un tournevis…

Mais, je le rappelle, nous étions jeunes et cons motivés. On a pris des professionnels pour tout ce qui nous semblait trop technique : la plomberie, la pose des faux-plafonds, le carrelage, la cuisine. Et pour tout le reste, on a retroussé nos manches et fait appel à la famille et aux amis : le déplacement d’une cloison et l’abattage d’une autre, l’électricité, le parquet et la peinture. On a aussi fait la maîtrise d’œuvre et la coordination des étapes et des artisans. Une bonne partie de notre entourage y a participé (plus de 10 ans après, nos copains nous parlent encore de ce fameux week-end passé à quatre pattes pour gratter la colle à moquette !). On y a investi nos soirées, nos week-ends et nos vacances. Et après près de 5 mois de travaux, on a enfin emménagé dans notre grand appartement tout refait à neuf.

Cette rénovation a été une super expérience, qui nous a beaucoup appris. On a fait une gestion de projet de A à Z (avec un Microsoft Project), on sait maintenant poser du parquet et maroufler (Valérie Damidot serait fière). Au mépris de toutes les règles de sécurité, on a fait la démolition en plein mois d’août en short et tongs. Je m’étonne encore que personne n’ait fini aux urgences… On a arraché des montagnes de papier peint. On a essayé toutes les techniques possibles pour faire passer les câbles électriques dans les gaines (le liquide vaisselle, le tire-câble, la prière à Bouddha…). On a retrouvé des bouteilles de bières vides coulées dans le socle en béton de la douche.

Évidemment, rien n’était parfait. À notre décharge, aucun mur n’était droit, et puis on était loin d’être des professionnels des travaux. La pose de la toile de rénovation à peindre sur les murs nous a donné du fil à retordre (et on a caché la misère avec des cadres), la peinture des plafonds n’était pas uniforme… Mais c’était chez-nous et on était fier du travail accompli. On partait tellement de loin question bricolage, que se dire qu’on avait fait tout ça avec nos petites mains (et celles des autres), c’était un sacré accomplissement.

Cet appartement, il a vu défiler de nombreuses soirées avec nos copains et de grandes étapes dans nos vies : les préparatifs de notre mariage, nos 30 ans, le retour de la maternité… On l’a remanié plusieurs fois, changé la disposition des meubles, re-refait des pièces. À deux puis à trois, on y était bien. La proximité avec nos lieux de travail (20min à pied) et de nombreux commerces était un vrai luxe. L’arrivée de Chaton nous a quand même fait reconsidérer des défauts qui ne nous gênaient pas avant, notamment les nuisances sonores. Quelques fois on a eu envie d’autre chose et on a visité des maisons, mais sans grande conviction.

Et puis, le confinement est passé par là, et je n’en pouvais plus des tours de poussette autour de l’immeuble. Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai manqué d’air. Moi qui étais très attachée à mon centre-ville, je me suis retrouvée à rêver d’espaces verts et de petits villages. Et on avait aussi besoin d’un nouveau projet. Alors, au bout de 8 ans dans notre appartement on s’est remis activement à chercher une maison, mais la suite, ça sera pour la prochaine fois !

Un commentaire sur “Une rénovation

  1. Vous auriez pu vivre un épisode de Ghosts dans la première maison de maitre que vous aviez visitée 😀

    Mais vous avez l’air d’avoir été très heureux dans votre appartement rénové par vos soins (et ceux de vos copains !)

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