34+5 – Première partie

34+5

C’est le terme qu’a choisi la Poupette pour nous rejoindre. J’écris cet article parce qu’à l’époque je lisais « dans ma Tribu » et un article m’avait marqué. Ecrit par Hisaé. Il n’a pas été réédité, mais je peux dire que je l’ai lu et relu, dans ma chambre d’hôpital. Il parlait de naissance, de prématurité, et de la vie en néonat.

Alors aujourd’hui j’écris pour ça aussi. Pour avoir une trace, un témoignage.

La Poupette est arrivée un dimanche soir, à 23h. À 34SA + 5. Elle faisait 1.4kg, et elle était toute petite. Pensez poupée Corolle, c’est à peu près ça. Un bon terme, mais un tout petit poids.

Les pyjamas des doudous, c’est ceux de la Poupette. Elle les a mis pendant quasi 2 mois ! (Oui, chez nous les doudous mangent des frites). Photo personnelle.

On nous l’a dit avant la naissance, il y a quatre enjeux (dans notre cas en tout cas, prématurité modérée et retard de croissance sévère) :
– Autonomie en température
– Autonomie en oxygène – ça a été la bonne surprise à la naissance : elle respirait seule, sans problèmes
– Minimum 1.6kg (ou 1.8 ? J’ai un doute) et 36 semaines « équivalentes »
– Autonomie en alimentation

On savait donc qu’on partait pour minimum 10 jours d’hospitalisation. Et on nous disait d’envisager une sortie autour de son terme (soit : un peu plus de 6 semaines).

Ce fameux dimanche (enfin lundi matin même) on a donc débarqué en Néonat. Un grand infirmier super baraque l’a équipée en cables de partout (perf dans les mains, sonde gastrique dans le nez, le capteur sur le pied et les electrodes sur le torse). Et on a eu le droit à cet instant magique, suspendu dans le temps : le premier peau à peau. On ne m’avait jamais dit qu’avoir son enfant juste né sur soi, c’est le meilleur truc du monde. Malgré les conditions.

Et puis, je sais plus si c’est lui ou moi, mais on a parlé allaitement. Il m’a tendu un tire-lait, il m’a dit 10 minutes toutes les 3h, faites gaffe à la puissance, amenez nous tout ce qui vient, même si c’est trois gouttes. Alors j’ai mis mon réveil, et j’ai tiré mon lait, toutes les 3h, religieusement. J’ai eu une montée de lait en quelques jours (4 de mémoire) et au bout d’une semaine je tirais 1L/jour.

1L/jour donc. Ma Poupette à moi, au max en fin de séjour en néonat elle mangeait 240mL. J’ai laissé je ne sais combien de litres au lactarium.

Mais bref, reprenons. La Poupette est née, elle est toute petite, elle a des perfs dans chaque main et ça me fend le coeur de voir ses petits doigts recouverts de pansements. Elle a un scope, trois électrodes sur la poitrine et un cable sur le talon pour mesurer sa saturation en oxygène. On ne peut pas la manipuler, c’est une infirmière qui vient et qui nous la pose sur nous. Elle est nourrie par les perfs et par sonde. Elle n’a pas d’oxygène, elle respire seule et très bien.

Les soins sont toutes les 3h, changer la couche, prendre la température (elle est en couveuse), soin du cordon, et les seringues de lait. Les premières, je me rappelle, c’est 2mL. Juste pour référence, une petite cuillère c’est environ 5mL. Elle est pesée tous les jours.

Le deuxième jour, je suis en pleine descente d’hormone. J’ai amené mes 3 gouttes de colostrum au frigo, en même temps qu’une autre maman, l’infirmière nous propose de les descendre et l’autre maman répond « non, merci, j’attend le coursier, mon enfant est dans un autre hôpital ». Cette phrase me reste encore aujourd’hui. Je me ballade courbée à 90° comme une mamie (j’ai eu une césarienne y’a 24h après tout) et je descend voir ma Poupette. Et j’arrive, elle est endormie, masquée, dans le tunnel à UV. Ils n’avaient pas eu le temps de me prévenir. C’est dur. À midi, on m’annonce que je ne pourrai pas la voir l’après-midi, ils lui posent une voie centrale (un cathéter qui va direct au coeur je crois ?) pour ne pas prendre le risque que ses perfusions se déteriorent. Ça doit durer 1h, ça en durera 3. Je suis en morceaux.

Mais finalement, ils m’appellent, je la vois, ses petites mains toutes bleues mais liberées des pansements. Et ils lui ont donné une tétine pour préma qui est immense par rapport à la taille de sa tête, on dirait Maggie Simpson !

Très vite, je ne sais plus si c’est le 2ème ou le 3ème jour, on me propose de la mettre au sein. Une infirmière passe du temps avec moi pour me montrer comment faire : mon téton est trop gros pour sa petite bouche ! Si elle a un reflexe de succion bien ancré, elle n’a pas du tout la capacité de tourner la tête ou attraper le sein. On fonctionne alors en double pesée : pesée avant tetée et après tetée pour savoir combien elle a bu. Au début, quasiment rien. De toute façon, l’alimentation est assurée par la voie centrale.

Cette voie centrale ne restera finalement que quelques jours, puisque dès le 5ème jour de vie elle est enlevée. Et c’est fait en 2 minutes, impressionnant ! On passe alors à une alimentation entièrement « par la bouche », au sein et en completant à la sonde. Son poids remonte vite, je n’ai pas gardé les chiffres, mais elle se remplume régulièrement. En parallèle, moi je rentre à la maison, à J+4. Ça aussi c’est dur, de sortir de ce parking sans bébé. De la laisser seule, à l’hôpital. Et de continuer de se réveiller toutes les 3h pour tirer mon lait alors que le cododo est vide.

A côté d’elle, dans la même chambre, il y a bébé M. Bébé M est né à terme, il nous parait E-NO-RME. Mais surtout, Bébé M souffre. C’est le défilé des médecins pour essayer de le soulager. Et on sent notre Poupette vraiment tendue, c’est assez incroyable à voir. On lui explique, bébé M est entre de bonnes mains, ça va aller. Et elle se relâche (bébé M sortira 48h plus tard en pleine forme). On découvre que notre bébé comprend, a sa personnalité.

Au bout d’une semaine on déménage, direction une chambre avec fenêtre (sur cerisiers en fleurs, véridique). Et un matin, j’ai la surprise de voir le couvercle de la couveuse levé et ma Poupette habillée : elle tient la température ! Dans la foulée on reçoit un colis d’une amie : des habits taille prématuré, on n’avait rien, et c’est vraiment un cadeau très précieux.

À partir de là, c’est le début de la période un peu longuette où on voit bien que la Poupette progresse mais pas assez pour sortir. Mais ça, je te le raconterai dans le prochain article.

2 commentaires sur “34+5 – Première partie

  1. Pitchoute ça me rappelle des souvenirs et m’arrache quelques larmes! Mon petit est né à 36 semaines tout pile avec un petit poids (mais pas de retard de croissance), ce qui est clairment plus « confortable » mais tout de même il avait les mêmes cables dont tu parle (sauf la perf) et les mêmes défis en terme de nourriture autonome, poids cible (1.8 je pense) et régulation de la température.. et aussi les si nombreuses prises de sang de la glicémie avec tous les micros pansements qui vont avec. je me rappelle aussi cette micro seringue de 2ml, ces fameuses doubles pesées méga stressantes et l’alimentation par sonde puis dal (tu as aussi eu le dal?)! Je me rend compte aussi de notre grande chance : on a pu dormir dans la même chambre que lui et rester à ses cotés h24 pendant les 13 jours de l’hospitalisation.

    Aimé par 1 personne

    1. Oui ça laisse des souvenirs indélébiles, en l’écrivant je revivais les événements ! On n’a pas eu de DAL, ici ça a été sein, biberon et sonde. J’ai entendu parler de neonat avec les bébés et parents dans la même chambre, c’était pas notre cas (mais on pouvait demander un lit d’appoint à volonté) mais je pense que de toute façon j’avais besoin de sortir de l’hôpital – même si ça m’a coupée en deux clairement. J’étais hospitalisée 12 jours enceinte + 4 à la naissance.

      J’aime

Laisser un commentaire