Et ce petit deuxième ?

Et ce petit deuxième ?

Je te racontais l’autre jour la naissance puis les débuts de la Poupette. S’ils n’ont pas forcément été faciles, un truc est sûr : depuis l’instant où on me l’a posée sur la poitrine, minuscule et toute chaude, avec tous ses câbles, j’ai su que :
1. J’étais Maman.
2. J’aurais (au moins) un autre enfant.

Une drôle de certitude, si tôt. Mais c’était évident.

Je voulais des enfants rapprochés. Il faut savoir que j’ai 13 mois d’écart avec mon petit frère (oui oui). C’était ça mon modèle. Donc, quand on m’a annoncé « césarienne, pas de grossesse avant un an » j’ai compris « revenez dans un an enlever ce stérilet ».

Et c’est ce qu’on a décidé de faire, à peine sonnés les un an de la Poupette. Elle ne dormait pas la nuit. Elle ne marchait pas. Elle venait à peine de commencer à se retourner. Avec le recul, ça me paraît fou, mais on a décidé de lancer ce projet bébé.

Et puis, comme pour la Poupette, dès le début : pouf, ça a marché. Pour Monsieur Sans Chaussettes, c’est le choc, ça va très vite. Moi je suis contente.

Écho de datation, embryon petit pour le terme, revenez dans 15 jours madame. 15 jours plus tard, échographe différente, l’embryon n’a pas grandi mais elle n’a pas accès au dossier, revenez dans 15 jours madame. On ne le savait pas encore à l’époque, mais Chat nous avait donné l’indice principal : elle était égale à elle même et restait bien à distance.

Moi, j’ai compris tout de suite. Monsieur Sans Chaussettes a eu besoin de plus de temps. Quelques jours passent, je commence à avoir des saignements. Et puis bon, j’ai une visite importante au travail, un déjeuner d’affaires. J’ai un peu mal au ventre, ça empire mais je ne saigne pas tant. Je pense être maline en enfilant une culotte de règles « légère », et en prenant la voiture plutôt que le transilien (déni…). Et puis plus la matinée avance, plus j’ai mal. Ma collègue comprend qu’il se passe quelque chose, je lui dis que je suis en train – selon toute vraisemblance – de faire une fausse couche. Ça me paraît incroyable de l’écrire maintenant, mais je vais à mon déjeuner d’affaire (le déni était profond). Je ne sais plus ce que je mange mais là, ça y est, j’ai un mal de chien. Je laisse ma collègue en plan et… je prends la voiture (oui oui) pour aller aux urgences gynécologiques. A noter que j’ai considéré y aller À PIEDS mais quand même la raison m’a rattrapé (hum).

Crédits photo : Andrea Piacquadio

Je ne sais pas comment j’ai pas fait un malaise au volant (ne faites pas ça), je sens que je saigne, fort maintenant (ma pauvre culotte « légère » !). Je pense que c’est écrit sur ma tête que ça ne va pas parce que je suis prise en charge dès l’entrée du parking. Je vomis tout ce que je peux (déjeuner d’affaire … Oups), je vois passer je ne sais combien de personnes pour tenter de me faire une perfusion et puis d’un coup, ça marche, doliprane, spasfon et… C’est terminé. Vraiment. Plus mal. Je rentre chez moi en voiture. Y’a 40km, ça fait 13 ans que j’habite dans le coin, je me trompe 4 fois de chemin. Mais je rentre.

Je tiens à dire que sur place (et même s’ils m’ont laissée repartir seule !) les équipes ont été formidables. Une des premières choses qu’on m’a dite, c’est « ce n’est pas de votre faute madame ». J’ai dû attendre en tout et pour tout 7 minutes. On ne m’a jamais laissée seule tant que j’étais en douleur. On m’a proposé des protections hygiéniques. J’ai entendu beaucoup d’histoires sur la prise en charge des grossesses arrêtées (depuis ce jour là, j’ai vraiment du mal avec le terme « fausse couche ». Crois moi, ça n’avait rien de faux) et vraiment, j’ai été traitée avec respect et dignité.

Pour Monsieur Sans Chaussettes, ça a été une nouvelle facile à accepter. Il était bousculé par cette grossesse rapide, et avait du mal à s’y projeter. Pour moi, ça a été un peu plus long, mais pas si difficile. Et puis il y a un truc très étrange. Je sentais mon corps en post-partum, jusqu’à l’arrêt de cette grossesse. Vraiment, physiquement, y’avait un truc que je ne reconnaissais pas. Et après, d’un coup, tout est revenu. L’appétit, la forme physique, la forme de mes seins (un an d’allaitement quand même !). Comme si ce tout petit embryon avait marqué la fin de ma première maternité.

Et la vie a repris. Je voyageais beaucoup pour le travail, notamment à Rio de Janeiro. Quelques semaines après, pendant un séjour là-bas, je vis un épisode de harcèlement moral. Je ne suis pas la victime, mais mon équipe l’est. Je suis très touchée. Je dors peu, tous les matins à 5h je suis debout sur le caillou d’Arpoador à regarder le lever de soleil, c’est le seul moment d’apaisement de ces journées absurdes et intenses où je cours partout en essayant de comprendre l’étendue des dégâts (humains). Je fonds en larmes en prenant ma fille dans mes bras au retour.

Bon, là c’est le coucher de soleil, mais c’est l’idée. Arpoador, c’est la jonction entre Ipanema (côté coucher de soleil) et Copacabana (côté lever de soleil). C’est aussi – depuis que j’ai eu la chance d’y aller pour la première fois – un de mes endroits préférés et un lieu chargé de beaucoup d’émotions en tout genre. J’y retourne à chaque voyage, à chaque fois j’en ressors apaisée, comme déchargée. Photo personnelle.

Le projet bébé est un peu secondaire, je suis comme déconnectée. Et puis les vacances arrivent. On réalise ce rêve un peu fou de partir à vélo avec la Poupette qui n’a même pas 18 mois (et ne marche pas !). Je reprends pieds dans la réalité. Je reprends le rugby aussi, en jour je t’en parlerai. Je voyage toujours beaucoup, mais je suis bien plus présente. Le harcèlement a été pris en charge. Petit à petit, je me retrouve. Je me rappelle faire un match de rugby en fin d’année, et enfin me sentir bien dans ce corps. Les deux pieds dans la réalité.

Et puis, à peine quelque jours après, une veille de déplacement, à 4h du mat, en silence, avant de prendre le taxi pour le premier avion vers Copenhague, je fais un test de grossesse. Positif. Et je file. Ce n’est que quand j’ai Monsieur Sans Chaussettes au téléphone en fin de journée qu’il l’apprend. Il est ému. Moi aussi.

Au retour, Chat me saute dessus. Dans mon ventre, Nino commence son histoire.

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