Pas trop vite

Pas trop vite

Mon petit Koala,

Tu n’as que sept ans, ma douce. Sept ans et déjà cette impatience dans le regard, cette façon de vouloir comprendre, tout, tout de suite, de vouloir débattre, questionner, réclamer. Tu veux savoir pourquoi le monde est injuste, pourquoi certains sont exclus, pourquoi on fait du mal quand il suffirait d’aimer.

Tu veux être grande.

Tu veux tout faire seule, décider, comprendre les mots d’adultes. Et souvent, tu me dis, très sérieusement : “Quand je serai adulte, moi, je changerai ça.” Et moi, je te regarde, le cœur un peu serré. Parce que je sais que tu essayeras vraiment de le faire. Mais je sais aussi que ce monde, celui que tu veux réparer, n’est pas toujours tendre avec les cœurs justes.

Alors, mon amour, je t’en prie : pas trop vite !

Photo personnelle

Le monde n’est pas toujours doux

Tu veux déjà comprendre les guerres, les injustices, les différences de traitement entre les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, les “forts” et les “faibles”. Tu observes tout avec une acuité désarmante. Tu poses des questions auxquelles je ne sais pas toujours répondre sans détourner le regard.

Mais tu n’as pas à tout savoir maintenant.

Tu n’as pas à porter sur tes petites épaules ce que les adultes eux-mêmes n’ont pas encore su réparer. L’enfance, c’est un abri, pas une prison. C’est un espace pour se construire doucement, pour rêver sans s’excuser, pour croire que tout est possible avant que le monde ne t’explique pourquoi il ne l’est pas toujours. Tu apprendras assez tôt ce que c’est que l’injustice, le mépris, la peur. Pour l’instant, garde ta candeur et protège-la comme un trésor, parce que c’en est un.

Tu verras, ma fille, le monde est vaste. Il est fait de beauté, de lumière, d’océans et de livres. Mais il est aussi tissé de contradictions, de silences, d’ombres. Tu croiseras des gens qui te feront croire que ta voix compte moins, qu’être jolie vaut mieux qu’être intelligente, que tu dois être docile avant d’être libre. Tu croiseras des murs déguisés en portes ouvertes, des regards qui jugent, des mots qui blessent, des sourires qui n’en sont pas. À ce moment là, j’espère que tu te souviendras que tu as le droit d’être douce dans un monde rugueux.

Avant toi

Avant toi, d’autres femmes ont marché la tête haute, pour que toi, tu puisses courir libre aujourd’hui . Elles ont osé dire “non” quand tout le monde se taisait, et ont refusé la fatalité :

– Olympe de Gouges, qui écrivit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne quand on voulait la réduire au silence.

– Simone de Beauvoir, qui osa dire que “l’on ne naît pas femme, on le devient” — pour rappeler qu’aucune identité ne doit être un carcan.

– Gisèle Halimi, qui fit du mot “justice” une arme pour défendre les femmes et les enfants.

– Rosa Parks, qui resta assise pour que d’autres puissent enfin se lever.

– Marie Curie, qui fit rayonner le savoir féminin dans un monde d’hommes.

– Frida Kahlo, qui transforma sa douleur en art, sa différence en beauté.

– Malala Yousafzai, qui, à ton âge, croyait déjà si fort à l’éducation des filles qu’elle a risqué sa vie pour cela.

– Gisèle Pelicot, qui a osé parler pour elle mais aussi pour toutes celles qu’on n’écoutait pas encore, montrant qu’il n’y a pas de honte à dire la vérité, que la dignité, c’est d’oser se relever.

– Greta Thunberg, qui a montré qu’on peut faire beaucoup pour une cause noble même sans être adulte.

– Selena Gomez, qui a appris à dire non à la perfection, à montrer qu’on peut être forte même dans la fragilité.

– Taylor Swift, qui écrit sa vérité sans s’excuser d’être sensible, ambitieuse, entière — et qui a fait de sa vulnérabilité un acte de puissance.

Elles, et plein d’autres t’ont ouvert la route, mais ne te sens pas obligée de la parcourir en courant. Tu as le droit d’aller à ton rythme, de te tromper, d’apprendre, de rire, d’aimer, sans avoir encore à porter le poids du monde.

Crédit : Amandine Gimenez

Demain viendra à point

Avant de courir vers demain, prends le temps de vivre aujourd’hui. Regarde les nuages, ris pour rien, danse sans musique, crois aux contes. Ne te précipite pas dans le monde des grands, ce monde qui dit tout savoir et qui, souvent, a oublié l’essentiel. Tu as encore le droit d’avoir peur, d’hésiter, de rêver. Tu as encore le droit d’être petite, et c’est une chance. Ne cours pas pour devenir adulte : le monde t’y poussera bien assez tôt. Savoure l’enfance, savoure ce moment suspendu où tout est encore possible.

Laisse-moi encore te border le soir, te raconter des histoires, te consoler des chagrins minuscules. Laisse-moi encore te protéger de ce que tu ne peux pas encore comprendre. Tu auras bien le temps d’être une grande dame, mais pour l’instant, sois cette petite fille qui croit encore que la bonté gagne toujours.

Parce que c’est là, dans cette lumière de l’enfance, que se forge la femme libre que tu seras.

Tu as ce cœur immense, ma fille. Un cœur pur, droit, un peu naïf, mais d’une noblesse rare. Ne laisse jamais le monde le convaincre que la bonté est faiblesse, qu’il faut être dure pour être respectée. La vrai force, c’est celle de rester bonne et douce dans un monde qui pousse à la dureté.

Je ne souhaite pas que tu arrêtes de grandir, mais que tu le fasses en gardant ton âme intacte. Quand tu seras grande, je sais que tu marcheras la tête haute, que tu sauras dire ce que tu penses, même quand on te demandera de te taire. Il viendra, le temps de tes combats, celui où tu prendras la parole, où tu écriras, où tu défendras les autres.

Le monde t’attendra, mais pour l’instant, reste là, encore un peu. Reste petite. Reste libre. Reste cette lumière vive que rien ne doit ternir.

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