Du couple d’amants au couple de parents

Du couple d’amants au couple de parents

D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours imaginée maman. Dans ma vision fantasmée de mon moi futur, une fois adulte, j’étais forcément maman. Et cette envie de maternité a toujours été présente, en filigrane, pendant mon enfance puis mon adolescence. Et donc très tôt, toute jeune adulte, j’ai voulu avoir un enfant.

Est-ce la raison pour laquelle je n’ai eu que des histoires d’amour sérieuses ? Est-ce que, dès le début, dès mes premières amourettes, je cherchais le futur père de mes enfants ?

En tout cas, je sais que ce sentiment était également celui de Mister F. : avant même que nous ne soyons réellement un couple, lors de ces longues nuits à discuter de tout et de rien en arpentant la ville de nos études, il m’avait fait part de son envie de paternité, une envie profondément ancrée en lui.

Et je crois que nous reconnaître l’un et l’autre dans cette envie de fonder une famille a été l’un des éléments déclencheurs pour notre couple…

parents trois enfants
Crédit photo : Jessica Rockowitz

Quand devenir parents vient naturellement

Forcément, la suite a coulé de source. Nous faisions tous les deux de longues études, mais dès que nous avons été installés dans nos postes respectifs, nous avons voulu devenir parents. Et ça a très vite fonctionné.

De mon côté, ce nouveau rôle de mère a nécessité quelques ajustements. Enceinte, j’éprouvais énormément d’appréhension à l’idée de me perdre, de m’oublier et de ne plus retrouver cette liberté qui est si nécessaire à mon équilibre. Je pense que ces angoisses ont rendu d’autant plus difficile la première année de vie avec notre fille aînée.

Mais j’ai cheminé, notamment aidée par une psychothérapie commencée à la fin de ma deuxième grossesse, et je peux maintenant affirmer que je suis une maman épanouie, qui a appris à vivre avec ses angoisses pour profiter des bons côtés. J’aime nourrir mes petits (au sens figuré, hein, je suis pas la reine de la popote, et Picard est mon meilleur ami ! 😉 ), leur organiser mille et une activités, voir briller leurs yeux et entendre leur rire quand on danse comme des fous dans le salon, j’aime les voir grandir et évoluer au sein de notre foyer, j’aime découvrir les affinités qui se font et se défont entre eux trois.

De son côté, Mister F. est un père merveilleux : il est investi, présent et entièrement tourné vers ses enfants. Le moindre de ses loisirs est pensé pour être partagé avec ses enfants, il pense à leur bien-être et à leur confort avant tout, leur épanouissement est prioritaire sur toute chose. Une très bonne amie à nous, qui l’a connu avant qu’il soit papa me disait qu’elle ne l’avait jamais vu aussi heureux que depuis qu’il est père, qu’elle avait le sentiment qu’il était arrivé à remplir son objectif de vie : former une famille.

Oui, c’est beau, ça fait rêver, et bien rares sont les moments où nos priorités ne se retrouvent pas autour des besoins de nos enfants.

Oui, c’est beau, ça fait rêver. Mais il est où, notre couple, dans tout ça ?

parents main enfants
Crédit photo : John-Mark Smith

Quand les enfants prennent toute la place

Doucement, discrètement, notre couple a mué et s’est transformé en une relation uniquement tournée vers nos enfants.

Je ne me souviens plus de quand date notre dernier resto en amoureux… Il y a six ans, lorsque notre fille aînée était bébé ? Et encore, nous avions été poussés dehors par mes parents venus jouer les baby-sitters. Ou alors quand notre dernier né était encore suffisamment petit, qu’il ne prenait pas beaucoup de place, à côté de notre table, dans son berceau ? Ça compte ?

Je sais bien que c’est normal de se perdre un peu pendant cette période de bouleversements aussi intenses qu’incessants qu’est la petite enfance, mais alors que l’on commence doucement à en sortir, je réalise combien c’est difficile de se retrouver. J’ai l’impression que nous sommes comme rouillés. Comme si notre quota de patience, de tendresse, de compréhension et d’amour était pompé en permanence par nos trois petits, et qu’il ne restait pour l’autre plus que des miettes.

Au début, je me suis beaucoup battue pour lutter contre cette tendance naturelle de notre couple à nous oublier et à nous faire passer en dernier. Je nous ai organisé des week-ends en amoureux, sans enfants. J’ai pris soin d’avoir toujours au moins une semaine de vacances sans les enfants, l’été.

Et puis le quotidien nous a rattrapé, le challenge d’élever trois petits et de s’y investir à fond a pris toute mon énergie et, j’ai l’impression, toute la place disponible entre nous. Et autant cette mutation en couple parental a été progressive et naturelle, autant je me perds à essayer de retrouver un couple d’amoureux.

Alors oui, notre famille fonctionne bien comme ça : nos enfants sont épanouis et heureux, et nous nous réjouissons de leur offrir ce cocon et cette stabilité dont ils ont besoin pour grandir. Mais nous deux, dans tout ça, on devient quoi ?

La dernière fois, je vous racontais que je suis dans une période de transition : je suis en train d’accepter que la maternité est derrière moi, que les ventres ronds et les nourrissons font partie d’une phase de ma vie qui est révolue. J’ai encore du mal à me projeter dans la suite, à laisser grandir mes enfants et à les voir s’éloigner de notre cocon familial. J’ai du mal à reprendre pleinement mon rôle de maman active, ce rôle qui pourtant m’était si cher et si précieux au moment de la naissance de mon aînée. J’ai du mal, mais la vie avance, mes enfants grandissent, et il faut que je réussisse à me réapproprier ma place, à comprendre ce que je veux pour la suite.

Et de la même manière, notre couple doit évoluer et entrer dans une nouvelle phase, une phase où les priorités ne seront plus de s’économiser au maximum pour réussir à gérer les nuits perturbées du petit dernier ou de se réinventer pour survivre aux montagnes russes émotionnelles de notre aînée. Une phase où il faudra réajuster nos désirs et nos envies à l’aune de notre vie de parents, et essayer de retrouver ces papillons dans le ventre et ces projets de vie ambitieux qui faisaient pétiller nos yeux de jeunes adultes, au début de notre histoire, il y a un peu plus de dix ans.

19 commentaires sur “Du couple d’amants au couple de parents

  1. Je te trouve un peu dure : tu dis que tu es passée par une psychothérapie et que le couple parental est venu « naturellement et progressivement », pourquoi n’en irait-il pas de même pour le couple d’amants ? Je ne parle pas forcément de la psychothérapie mais de l’aspect progressif. Qu’en penses-tu ?

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    1. Je n’avais jamais envisagé les choses comme ça : pour moi, le couple d’amants existait avant le couple de parents, et donc on devait être capable de le retrouver tel quel, du jour au lendemain. Alors que, évidemment, en écrivant les mots comme ça, ça me paraît complètement irréalisable.
      Tu as raison, envisager que pour retrouver notre couple d’amants, il faille une période de transition, plus ou moins longue, ça me semble être du bon sens (et être tellement moins décourageant, aussi !).
      Merci pour cette réflexion !!

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  2. Dernièrement Claire (Gezellig) m’a dit quelque chose qui m’a fait beaucoup réfléchir. Elle se demandait si le fait d’avoir mal vécu la grossesse n’était pas lié à son envie de s’opposer aux changements naturels. Forcément vu qu’on partage cet aversion de la grossesse, ses mots ont beaucoup résonné chez moi et en te lisant c’est l’image qui me revient.
    Je suis comme toi sur ce point (yet again), je suis convaincue qu’il faut changer de direction là maintenant, tout de suite au risque d’envoyer notre couple dans le mur. Mais je suis aussi obligée de reconnaître que ce n’est pas réalisable surtout dans les conditions actuelles avec coco &co. Et en te lisant je me demande si on ne va pas trop loin, si on essaie pas de changer l’inchangeable ?! N’est il pas normal que quand on a une jauge d’énergie au plus bas on privilégie le vital immédiat ? J’ose espéré que si le temps perdu avec nos tous petits est irratrapable, le temps des amants peut attendre un peu. Ce qui est bien avec les super Papas qu’on a, c’est qu’ils sont tout autant fatigués donc ils ne risquent pas de nous reprocher un hypothétique manque d’effort 😉

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    1. Je ne connais pas ta situation exacte et je ne veux pas être maladroite. Mais je pense personnellement que justement c’est quand la jauge d’énergie est au plus bas, que le mental flanche… qu’il est primordial de pouvoir compter sur son compte pour retrouver de l’énergie, du bonheur, de la motivation pour soi, pour sa famille, pour son couple.

      Nous n’avons qu’un seul enfant, donc c’est plus facile (même s’il est très demandeur) et nous avons mis en place quelques stratégies pour que notre couple soit toujours présent:

      – nous dînons seuls tous les deux, 2 à 3 fois par semaine, après avoir couché notre fils. Ca nous permet d’avoir une discussion de couple ininterrompue, de faire des jeux de société/des jeux vidéos, de se regarder un film adulte (et s’endormant sur le canapé parfois), de cuisiner à 2…

      – nous n’avons pas trouvé de baby-sitters de confiance (nous habitons très loin de nos 2 familles) mais nous avons monté un petit groupe de parents amis, avec lesquels nous avons des valeurs pédagogiques similaires et nous gardons nos enfants respectivement. Au début du covid, nous avions arrêtés mais depuis nous avons repris avec des gardes après la crèche ou le week end, si possible à l’extérieur. (De toutes façons nos enfants se côtoient à la crèche ou à l’école). Ca nous permet d’avoir 2-3h sans enfant 1 fois tous les 2 mois environ. Pour les parents qui ont plusieurs enfants, ils nous confient soient leur 2 ou 3 enfants (c’est gérable car on peut être 1 à 3 familles à garder la fratrie) soit un seul de leurs enfants pour pouvoir se consacrer à l’autre.

      – on se prend parfois des RTT le même jour pour pouvoir être tous les 2 seuls à la maison (et oui on en profite pour faire la sieste aussi !)

      Je ne peux pas dire qu’on soit le même couple qu’avant mais on se sent bien être un duo et on arriver à s’insuffler l’un l’autre de l’énergie.

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      1. Chère Marie, tu n’es pas du tout maladroite. J’aurais certainement pensé la même chose que toi il y a deux ans. Avec un enfant on avait aussi réussi à rester à flot, on avait même le luxe de pouvoir sortir et même voyager avec notre bébé globetrotter. Puis on a eu un deuxième, juste avant le confinement. Je ne vais pas te raconter toute ma vie mais tout à changer depuis. Et clairement pour le moment on ne vit plus, on survit. Je sais que Colombe est plus ou moins dans le même cas que moi (voir pire vu que c’est son 3ème à elle), c’est pour ça que je me permets cette réflexion qui n’est pas des plus optimistes j’en conviens 😉

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        1. Oui, voilà, c’est ça : là où on arrivait à adapter nos journées avec un enfant, le passage à deux (et a fortiori à trois) enfants rend l’équation insoluble, et force est de constater qu’il nous faut accepter ce changement, bien difficile mais indispensable, au moins pendant quelques temps.
          En espérant que le mode survie ne soit bientôt plus qu’un ancien souvenir….!

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      2. Non tu n’es pas maladroite : merci pour ton témoignage que je trouve très intéressant !
        Comme le dit Flora, l’équation se complique lorsque ce n’est plus un mais deux, trois (ou plus !) enfants qui entrent dans le jeu, et là où nous arrivions, comme vous, à nous retrouver pour des soirées à deux lorsque nous n’avions que notre aînée, les choses se compliquent avec le nombre.
        Typiquement, j’adore l’exemple que tu donnes sur le partage de garde avec d’autres familles : je me souviens maintenant que nous le faisions naturellement et régulièrement pour notre aînée (notre mode de garde rendait les choses d’autant plus facile), mais c’est bien moins évident quand il y en a plus à confier.
        Quant aux RTT en amoureux, c’est un peu mon rêve secret, mais Mister F., en bon papa poule, y est assez réfractaire (tout temps off devant être passé avec ses chers petits….)
        En tout cas, bravo pour cette organisation bien rodée, qui doit vous apporter un équilibre très appréciable !

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    2. Ta réflexion rejoint un peu la remarque de Virg, plus haut : tu as raison, comme toi, je voudrais de l’immédiat, je voudrais retrouver ce que j’avais avant (mon couple, mais aussi ma liberté, mon corps, toussa toussa). Et en fait, c’est juste impossible pour le moment. Et j’ai du mal à l’accepter.
      Mais c’est vrai, tout ça c’est une question de perspectives, et là où nos petits ne peuvent pas attendre, notre couple le peut, d’autant plus que, comme tu le dis si bien, les papas qu’on a choisi sont tout aussi investis (et fatigués) que nous !
      Allez, courage ! ❤

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  3. Je pense aussi (en tout cas j’espère, parce que j’ai bien reconnu ce que nous vivons aussi dans ton paragraphe « Quand les enfants prennent toute la place » !) que le couple d’amant peut se reconstruire peu à peu. En tout cas, je suis sure que contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, il n’est pas obligatoire de se retrouver en amoureux un soir par semaine, un week-end par mois et une semaine par an pour rester un couple uni et amoureux. Je crois qu’entre ma naissance et ma majorité, mes parents sont partis une seule fois en vacances en amoureux (plus quelques week-end par ci par là, mais à mon avis pas plus d’une fois par an en moyenne), et pourtant on voit bien qu’ils sont toujours amoureux (je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des hauts et des bas, on est d’accord, d’autant que je n’étais évidement pas en capacité de juger de cela quand nous avions l’âge de mes enfants ou des tiens). Donc même si évidement, il serait bon de réussir à dégager du temps pour notre couple, je crois qu’il ne faut pas non plus trop se mettre de pression. Surtout en ce moment où tout est plus compliqué, comme le fait justement remarquer Flora.

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    1. Oui, c’est vrai, tu as raison de replacer ça dans une chronologie bien plus vaste : quand on a des tout-petits, on a tendance à penser à court terme, à ne pas réussir à lever le nez du guidon. Et comme toi, les soirées en amoureux grapillées par ci par là ne donnent pas le change, pour moi. Mais quand on se projette à plus long terme, j’espère pouvoir dire, comme tu le fais pour tes propres parents, que notre couple d’amants s’est reconstruit doucement, peu à peu, au fil des années et de l’autonomie gagnée par nos enfants, sans se mesurer à nombre de semaines de vacances loin d’eux.
      (Même si là, tout de suite, j’en rêve, hein ! 😉 )

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      1. Combien je te comprends de rêver à des vacances sans enfants, moi qui espérais tant de la semaine où on devait se retrouver seuls avec notre dernière, les 2 grands devant être gardés par leurs grands-parents… mais les nouvelles mesures en ont décidé autrement. Avec un peu de chance, les grands-parents pourront quand même venir les garder chez nous la dernière semaine de confinement, on croise les doigts !

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        1. Oui, c’est dur, hein, de viser une date, de se dire qu’on tient jusque là dans l’espoir d’avoir un peu de répit, et de voir nos plans tomber à l’eau à la dernière minute….
          J’espère que les grands-parents pourront vous apporter un peu d’aide !

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  4. Oh la la, merci à toutes pour vos retours, vos conseils et vos remarques : entre le moment où j’ai écrit ces lignes et le jour de la sortie de l’article, j’avais déjà l’impression d’avoir fait un bon bout de chemin, mais à vous lire, je me dis qu’il y a encore plein de pistes de réflexion et/ou d’organisation à tenter, et ça me fait trop plaisir !
    Quel bonheur, ces échanges ! ❤

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  5. Je suis dans la même situation avec deux tous petits en bas âge, qui nous vampirisent beaucoup… et de la même façon, ce n’est pas très naturel de nous retrouver en tant que couple alors que nous avons laissé la situation dériver pendant un peu trop longtemps. Mais je crois que la première chose à faire, c’est de retrouver nos gestes d’amoureux au quotidien : un baiser un peu plus appuyé avant de nous quitter, un petit compliment par ci, un petit geste tendre par là… afin que quand nous retrouvions un moment pour nous (quand ils dorment quoi!), nous comporter en amants nous semble naturel.
    Je ne dis PAS que c’est facile, nous avons nous-mêmes du mal à appliquer ces principes (faites ce que je dis, pas ce que je fais!), et il y a des périodes où on oublie très franchement de le faire. Mais reinstaurer ces habitudes, ça ne peut être que bénéfique non?
    Sinon j’ai récemment découvert un podcast « au cœur du couple » qui en est à ses débuts… peut être qu’il pourra nous donner des pistes utiles?

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    1. Oh merci pour le conseil de podcast : je vais aller écouter ça, pour voir si je peux trouver des pistes !
      Quant à celle que tu proposes, j’ai malheureusement épouser un homme très peu tactile, pour qui tous ces gestes d’amoureux du quotidien ne sont absolument pas naturels : ce n’est pas du tout son « langage ». Donc c’est vrai que ça fait une barrière de plus à franchir, quand on se retrouve tous les deux (quand les enfants dorment, quoi, comme tu le dis si bien !)

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  6. Merci à toi de te confier sur ce sujet et de créer la discussion – ca va faire du bien à beaucoup (et l’article étant publié au moment où les écoles et crèches referment leurs portes…. en fait ca doit concerner quasi tout le monde !)

    En tout cas un truc qui n’a pas été évoqué et qui me saute aux yeux: il y a de l’envie de retrouver ce couple d’amoureux, donc à partir de là je pense que tout est possible.

    Plein de courage

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    1. Oh mais oui, c’est vrai, tu as raison : merci de me/nous dire ça !
      Peut-être que ce n’est encore pas demain la veille qu’on y arrivera, mais une chose est sûre : si on en a tous les deux envie, on fera tout pour !
      Bon courage à toi aussi (et c’est que ce timing est… idéal 😉 )

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