portrait de femme 3 : Audrey et son Marius
Quand on est expatriés, rencontrer quelqu’un qui parle la même langue que soi est une véritable aubaine. Audrey était de celle-là : une française, comme moi, dont le mari travaille dans la même compagnie que le mien. Et, chance immense, on a pu profiter de notre congé maternité à peu près ensemble. C’est pendant ces périodes, lors de pauses cafés ou d’heures passées au parc, qu’elle m’a parlé d’elle et de son projet, sur lequel elle travaille depuis plusieurs années maintenant : Marius.
Audrey, l’illustratrice
Ce qui frappe quand on parle avec Audrey, c’est sa passion. Passion pour le dessin d’abord, qui a commencé très tôt.

À l’âge de 4 ans, j’ai pris un stylo, commencé à dessiner et je ne me suis plus jamais arrêtée. J’ai toujours aimé dessiner. J’ai toujours griffonné mes cahiers de note en classe, ça énervait beaucoup les profs.
Elle s’est donc naturellement tournée vers des études artistiques. Après un bac Arts Appliqués, direction l’EMCA (Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation) à Angoulême, puis les Gobelins en animation 3D, école très renommée dont sortent beaucoup de grands noms du cinéma d’animation. Audrey préfère quand même la 2D ou ses bons vieux crayons.
Audrey la passionnée
Car Audrey ne se sent bien et tranquille qu’avec un crayon entre les mains.
Dessiner m’amène une certaine sérénité. Le dessin m’a toujours apaisé.
Audrey, comme tout artiste qui se respecte, aime aussi trouver dans les petits éléments du quotidien de quoi nourrir ses dessins. Chaque événement anodin lui donne une idée d’histoire ou de situation. À une époque, elle tenait même un blog BD qui racontait son quotidien sous forme de bande dessinée.
Après quelques mois à travailler sur ce format narratif, la moindre situation de mon quotidien devenait sujet à histoire. J’étais envahie d’idées au quotidien. Alors j’ai arrêté car ça devenait un peu pesant de voir le monde sous format BD.
Cependant, trouver sa place est dur dans un métier artistique. Elle a d’ailleurs changé de voie après ses études, pour s’orienter vers le web.
Le grand challenge dans les métiers artistiques est d’intégrer les bons réseaux. Après mes études, je suis devenue un mix de dev front end / webdesigner / graphiste / blogueuse dessins à mes heures perdues. Je reviens dans l’illustration depuis peu. Et je constate à quel point dessiner m’avait manqué.
L’idéal restant bien sûr de pouvoir vivre des projets qui lui tiennent à cœur, qu’ils soient dans l’illustration ou autre. Et des projets, elle en a plein son cabas, sa tête fourmillant toujours d’idées. Et le rêve ultime de tout illustrateur : trouver une maison d’édition.
Quand je pense aux différents projets qui m’envahissent côté illustration ou BD, trouver une maison d’édition serait super. Mais en gardant une certaine liberté, être à l’initiative de ses projets sans faire partie d’une industrie trop rigide.
Quand elle déménage en Suède, 3 mois après la naissance de sa fille, elle retrouve ses premiers amours et un rythme de vie qu’elle n’avait pas à Paris.
La Suède m’a amenée une certaine lenteur, tranquillité. Peut être que venant de Paris, tout paraît plus lent. La vie ici n’est pas centrée sur le travail mais sur la famille. Je trouve ça plus sain.
Nous avons aussi une plus grande sécurité financière. J’ai donc pu faire aboutir ce livre. En France, cela n’aurait pas été possible.
Cela dit, être à son compte quand on doit s’occuper d’un enfant en bas âge (les enfants en Suède ne peuvent entrer en crèche qu’à leur 1 an) n’est pas de tout repos et il a fallu qu’elle apprenne à concilier projet professionnel et maman à plein temps.
La naissance de Marius
Son plus grand projet, elle est en train d’essayer de le mener à bien grâce à une campagne Ulule : c’est un livre pour enfants dont l’idée lui est venue lors de sa première grossesse.
Pour décorer la chambre de ma fille, je me suis mise à peindre des animaux. Une baleine, puis un manchot, puis une vipère, puis un panda. Je voulais en peindre d’autres et je me suis vite rendue compte que, peu importe l’animal auquel je pensais, il était soit en danger soit en voie de disparition.
Etant assez militante depuis des années, je savais que la biodiversité était très menacée. Mais ma prise de conscience de l’ampleur de l’effondrement est arrivée à ce moment précis.
Le livre Marius Baroudeur Intercontinental raconte l’histoire de Marius le manchot. Attristé de voir sa banquise fondre, il traverse les continents à la rencontre d’autres animaux en danger. Il fait une forme d’état des lieux.
Succession d’histoires à lire dans l’ordre ou dans le désordre, entre le carnet de voyage et l’atlas, le livre présente des animaux méconnus.

Bien sûr, on parle de l’effondrement de la biodiversité et de l’importance de protéger certaines espèces mais des solutions sont aussi proposées en filigrane.
Ce projet, c’est son bébé, conçu et dessiné par elle. Elle s’est allié avec une comparse de toujours pour le mener à bien : Cécile, qui écrit les textes.
J’ai rencontré Cécile lors d’un forum d’association. J’étais bénévole dans l’association LABOmatique côté graphiste & web. Ce jour-là, nous avons beaucoup discuté et Cécile a intégré l’asso. Elle y a animé des ateliers radio auprès de collèges en ZEP.
Puis nous avons collaboré sur divers projets. Le livre et la jaquette de son CD La jungle, illustration d’une de ses nombreuses nouvelles fantastiques…
À elles deux, elles créent un livre de 76 pages. L’idée est de sensibiliser les enfants mais aussi les parents, à l’écologie. De les pousser à aller « voir le vivant, voir dehors ».
Le but ultime de ce projet, c’est que les gens s’émerveillent de nouveau face à la nature. On aimerait changer les imaginaires sur certains animaux mal aimés : les vautours, les loups, les serpents, les requins…

Après Marius
Comme elle est touche-à-tout, Audrey ne s’est pas arrêtée à un livre. Une application accompagne en effet le projet, avec plus de renseignements. Et comme toujours, plein d’idées complémentaires au livre, toujours pour expliquer la biodiversité aux enfants, existent : un livre Marius spécial La Réunion, pour lequel elles sont en discussion avec l’association ARBRE ; un livre centré sur les batraciens, ou les insectes, ou plutôt centré sur des écosystèmes… Bref, tu l’auras compris, Marius, ce n’est que le début.
Le projet a mis beaucoup de temps à voir le jour. Cette lenteur a été très bénéfique. Car nous avons enrichi le livre d’une application ou fiches pédagogiques, amenant au livre un support scolaire.

Mais Audrey pense aussi à beaucoup de choses auxquelles elle pourrait prêter sa passion :
Dans les projets futurs, je ferai peut-être des portraits de migrants à intégrer dans une performance théâtrale. Un autre projet qui me tient à cœur serait aussi une BD sur l’épilepsie. Le projet n’est pas encore très défini. Je ne sais pas si je me concentre sur ma propre histoire avec mon épilepsie ou si nous pensons un projet à plusieurs pour parler de “neurodiversité”.
Bref, tu l’auras compris, rien n’arrête Audrey quand elle met sa tête – et ses crayons – au service d’une cause.
Si tu veux plus d’infos sur Audrey et son Marius : http://mariusbaroudeur.com/
Tous crédits photos et illustrations : Audrey Croharé
Bravo! Quel beau projet
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Bel interview sur un très beau projet !
J’espère que Marius visitera des familles dans tous les continents. Et que les fiches pédagos nous apprendrons beaucoup et nous permettront d’aider tous ces animaux.
On croise les doigts pour Marius et pour toi Audrey !
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