Chapitre 3 : Méline
– Qu’est ce que tu penses de cette histoire de Lady Chatterley ? lui demanda Joe, songeuse.
– Pas grand chose. Je pense que ce sont des vilains cancans de village et que la grand-mère et la mère de “M. Méline” en ont beaucoup souffert. Du sexe, du drame, il n’en faut pas plus pour faire siffler les vipères. Ce ne sont pas les histoires de coucherie qui manquent et je ne vois pas pourquoi Lawrence se serait inspiré précisément de cette histoire.
– Je partage ton point de vue.
Les deux jeunes femmes étaient maintenant arrivées au pied de la villa. Vu de près, la décrépitude faisait de la peine à voir. Il manquait plusieurs lattes à des volets dont la peinture s’écaillait largement. Des céramiques de parement qui ornaient la corniche s’étaient écrasées au sol, jonché de tessons et de morceaux de crépi. Joe avisa une fenêtre dont l’allège était assez basse, et se hissa dessus.
– Passe moi un mouchoir s’il te plait !
Mina, qui ne voulait pas être en reste, se ménagea une place d’un coup d’épaule et frotta la vitre encrassée pour regarder à l’intérieur.
Ni l’une ni l’autre n’entendirent les branches craquer dans leur dos.
– Je peux savoir ce que vous faites là ?!
Les deux amies sursautèrent et Mina poussa même un petit cri, semblable à un aboiement de yorkshire. Elles se retournèrent, et se retrouvèrent face à l’homme qui avait emporté la vieille dame ce matin sur la plage. Il ne semblait pas les reconnaître mais il avait l’air furieux de découvrir deux jeunes femmes penchées sur une fenêtre de la bâtisse.
Joe reprit son calme, se redressa et prit le temps de bien l’observer avant de lui répondre.
Il n’avait pas plus de 40 ans, blond, les cheveux en désordre et une barbe de trois jours faussement négligée. Ses yeux, outre la fureur qui les habitait, semblaient être ceux d’un homme qui n’avait pas dormi correctement depuis plusieurs jours.
Il était habillé d’un pantalon en tissu léger, écru mais tâché au niveau des genoux et d’un polo vert pistache (Joe détestait cette couleur) sale et plein de traces de transpiration.
Apparemment, l’homme avait été interrompu au milieu d’une besogne épuisante et surtout inattendue. Sinon, il aurait enfilé des vêtements différents.
– On fait du tourisme, on adore l’architecture XIX° de cette villa ! Dit-elle avec un grand sourire. Vous savez si on peut la visiter ?
– C’est une propriété privée ici ! Vous allez dégagez immédiatement avant que j’appelle les flics !
L’homme fit un pas et fit mine d’attraper le bras de Joe quand Mina, qui était restée silencieuse jusque là lança : « Est-ce que c’est la maison de Méline ?! »
Joe et l’homme regardèrent Mina avec des yeux ronds, chacun pour une raison différente. Lui sembla perdre tous ses moyens à l’évocation de ce prénom.
– Mais ! Qui ? Que…vous….
– Oui, vous savez, cette femme qui aurait prit sa vie en main il y a quelques décennies malgré ce que les autres personnes pensaient d’elle ? J’adore les histoires de femmes fortes et j’aimerai en savoir plus sur elle. Alors si c’est sa maison, je voudrais bien la visiter moi aussi.
Pendant que son amie assommait l’homme avec son bavardage, Joe recula d’un pas et jeta un œil par la fenêtre qu’elle avait décrassé tout à l’heure.
Elle n’eut pas le temps d’inspecter très longtemps l’intérieur de la pièce. L’homme reprit sa contenance et l’interpella :
– Hé, vous ! Je vous ai dit que c’était une propriété privée ! Lâchez-moi avec vos questions et arrêtez de tourner autour de ma maison.
Il les dirigea vers la porte dans la clôture, tapa un code à quatre chiffres, ouvrit la porte dans un grincement sinistre et poussa les deux femmes sans ménagement.
– Et Méline ? C’est sa maison ? cria Mina à travers le grillage
L’homme lui lança un regard glacial, et dit d’une voix emplie de menace :
– Je ne sais pas qui c’est, ça ne m’intéresse pas. Ne revenez pas.
Les deux amies s’éloignèrent du grillage et dès que Joe eut la certitude que l’homme était parti, elle arrêta Mina derrière un énorme buisson de ronces et se pencha vers elle :
– Dis donc, je ne te pensais pas capable d’autant d’aplomb ! Grâce à ton baratin, j’ai pu regarder par la fenêtre. C’était une grande cuisine ancienne. Mais c’est pas important. Ce qui l’est, c’est ce que j’ai vu sur l’une des grosses chaises en bois. Un k-way rose.
– On aurait dû le laisser appeler les flics, il aurait sûrement été plus embêté que nous de les voir débarquer…
– En tous cas, l’enquête me semble concluante. On fait quoi maintenant ? On va voir la police ?
– Qui est l’espionne en chef de nous 2 ? Alors Sherlock, quand on a levé le lièvre on ne sait plus le dépecer ? la taquina Mina.
Joe se rembrunit sous les sarcasmes de son amie. Elle avait un plan, un peu vague bien sûr, mais en même temps, on ne croisait ce genre de situations que dans les films… ou les romans ! Après en avoir exposé les grandes lignes à son amie, les deux femmes se mirent d’accord sur la marche à suivre.
Elles prirent donc la route dans l’autre sens pour retrouver le camion du libraire. Après-tout, n’était-il pas le premier concerné par leur découverte ? Une fois qu’elles eurent rejoint “Monsieur Méline”, elles essayèrent d’aborder le sujet de façon légère. Mais il n’y avait pas de bonne façon de revenir sur cet épisode difficile de la vie de ce monsieur et de ses ascendantes !
– Dites, essaya Joe, on se demandait… Quel âge avait votre maman la dernière fois que vous l’avez vue ?
– Nous venions de fêter ses 50 ans ! Elle avait une santé de fer, une femme vigoureuse, solide, une mémoire incroyable… bref, les livres, ça conserve !
– Vous auriez une photo d’elle ?
L’homme haussa un sourcil.
“Je vous trouve bien curieuses, mesdemoiselles…” Les deux femmes se regardèrent. Mina fit un signe de tête, et Joe se lança. Quelques minutes plus tard, le libraire les regardait, ébahi.
– Très bien. Résumons. Vous avez croisé sur la plage une femme, âgée, qui vous semblait déboussolée, apeurée.
– Et peu vêtue !
– Et peu vêtue. elle est partie avec un couple, sans résister, et a fait tomber quelque chose que vous n’avez pas vu. Puis, une fois celle-ci partie, vous avez fouillé dans le sable pour trouver l’objet en question, et vous êtes tombées sur un médaillon coincé avec une inscription qui dit “Méline”, et vous en avez conclu que c’est ce que la femme en question avait laissé tombé. Vous en avez déduit que le prénom était le sien, vous avez voulu mener l’enquête, vous êtes tombées sur moi, mon histoire, vous avez conclu que c’était ma mère que vous aviez trouvée, et en vous trouvant je n’ai pas trop compris comment devant l’ancien hôpital psychiatrique, vous avez eu le temps d’apercevoir un k-way rose avant de vous faire surprendre par un quidam.
– Oui enfin, un quidam qui était reparti avec Méline ce matin !
– Et en plus…
– Mais écoutez-vous un peu ! s’énerva l’homme, interrompant Mina malproprement, cette femme, rien ne dit qu’elle est de ma famille ! Rien ne dit que le médaillon que vous avez trouvé était à elle et pas déjà sur la plage avant son arrivée ! Si c’est bien l’objet qu’elle a laissé tomber, est-ce que cela veut dire que c’est forcément SON prénom à ELLE qui y est gravé ? Enfin, ce k-way rose pourrait aussi bien être celui d’une petite fille, pour ce qu’on en sait !
– Ou d’un petit garçon, ajouta timidement Mina en voyant Joe commencer à fulminer.
– Oui peu importe, à quelqu’un qui n’est pas “la vieille dame” !
– On va très vite le savoir, Monsieur, répondit Joe en lui tendant le médaillon qu’elle était enfin parvenu à ouvrir en le tripotant dans sa poche durant les remontrances de l’homme. Est-ce que la femme sur ce petit portrait vous dit quelque chose ?

Ah non c’est pas cool de couper à cet endroit là ! Dans un vrai livre je peux continuer le chapitre suivant mais là je suis obligée d’attendre demain !
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J’adore !!! La suite vire vite vite !!!!
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