Ce billet s’adresse à toi…
Ce billet s’adresse à toi qui me parles dans la rue. Que ce soit pour me dire bonjour ou me faire un compliment, ou m’insulter. Toi, tu es sûr de toi, tu avances la tête haute et le buste fier. Tu interpelles la plupart des femmes, c’est ta façon d’exister. Tu tutoies ou tu vouvoies, mais il n’y a pas de respect dans ta voix et tes propos.
Pour toi, je ne suis qu’une décoration, un objet, tu ne me vois pas comme un individu à part entière. Tu fais ça pour t’amuser, ça te valorise. Tu sais que la plupart d’entre nous vont détourner le regard et ne pas répondre. Tu joues de ce petit pouvoir. Tu fais l’étonné, quand tu n’as pas de réponse, tu répètes tes propos jusqu’à avoir une réaction, ou tu surenchéris avec une phrase qui se veut drôle « mais je ne vais pas te manger quand même ».
Tu agis comme si tu étais le seul à essayer d’attirer mon attention. Tu ne sais pas, parce que tu ne te poses pas la question, que plusieurs types comme toi m’ont déjà dérangée de la même façon cette semaine. Dans la plupart des cas, tu n’as pas vraiment de mauvaise intention, hormis celle de te faire remarquer. Mais moi, je ne sais pas si tu vas juste me parler, je ne sais pas quelle réaction tu vas avoir si je te réponds, ou si je ne te réponds pas. Alors, je ne dis rien, je baisse les yeux, je deviens sourde, aveugle et muette et je continue mon chemin en espérant que tu vas me laisser tranquille, car je ne pourrais pas me défendre si tu décidais de m’agresser.
Alors, je pense à toi, même quand tu n’es pas là, et tu es la raison pour laquelle je ne rentre pas seule tard le soir ou que je réfléchis à ma tenue vestimentaire en fonction des quartiers que je vais traverser et de l’heure à laquelle je vais rentrer.

Ce billet s’adresse à toi aussi qui aimes « rigoler » en faisant des blagues sur le sexe opposé. Parce qu’on a trop de chaussures, que l’on n’est bonnes qu’à faire la cuisine, le ménage, qu’on a des gros seins (ou des petits), qu’on est fragiles, tout est prétexte. Quand on te demande un service, tu réponds quelque chose du genre « d’accord, seulement si tu te mets nue hahaha ». Mais ce n’est pas ce que tu penses vraiment (si ?), toi, tu es un type bien, ce n’est pas comme ces hommes qui frappent leurs femmes, quand même.
Tu ris quand la personne qui reçoit cette plaisanterie prend au mieux un air gêné, cela te donne un ascendant sur elle, et puis c’est bien ce que tu disais, des fragiles ces femmes, elles ne savent même pas rigoler. Tu n’apprécierais pas beaucoup qu’on dise ce genre de choses à ta femme, ta sœur, ta fille, mais tu n’y penses pas. Alors tu continues, tu trouves toujours quelqu’un pour rire de ta blague et moi je passe pour quelqu’un de froid et distant car je ne ris pas et je te parle le moins possible pour éviter ce genre de désagrément.
Ce billet s’adresse aussi à toi qui ne comprends pas qu’une femme ait un meilleur statut social, une meilleure position dans ton entreprise, un plus gros salaire. C’est encore pire si elle est jolie, qu’elle fait attention à son apparence : dans ton esprit on peut soit être belle, soit être intelligente, mais pas les deux. Tu la rabaisses, tu ne lui laisses pas le droit à l’erreur. De toute façon, les femmes ont moins d’aptitudes techniques ou managériales, c’est bien connu, elles ne savent même pas conduire correctement ! Comme tu es loin d’être le seul à penser cela, je suis obligée d’en faire beaucoup plus pour montrer mes compétences. Je ne porte plus de jupes ni de talons pour espérer qu’on me prenne au sérieux, et je ne me sens pas légitime alors que tu gravis les échelons, rempli de toutes tes certitudes.
Ce billet s’adresse aussi à toi, mon amie, mon frère, mon conjoint, ma tante, qui ne comprend pas pourquoi je m’insurge contre ces comportements. Tu penses que ce n’est pas si grave, il suffit de ne pas répondre. Et puis c’est flatteur de recevoir un compliment. Et puis bon, j’étais en jupe, je porte des couleurs, c’est normal que je me fasse remarquer. Pour les blagues ? C’est drôle quand même. C’est moi qui prend tout mal, je devrais me détendre un peu, être moins susceptible. Le sexisme, ça n’existe plus en 2021, les entreprises font attention, c’est moi qui interprète mal. Et puis bon, je ne vais pas changer le monde quand même, il faut faire avec. Alors je n’ose plus te parler, te raconter ce qui m’arrive, et j’en viens à penser que c’est moi qui ai un problème, qui ne suis pas normale, qui prends les choses trop à cœur.
Ce billet s’adresse enfin à toi, chère lectrice, car je suis sûre que tu as subi aussi ce genre de comportement et ce manque de respect. Peut-être que de ton côté tu l’acceptes ou tu penses que ce n’est pas si grave. De mon côté je suis lassée de devoir « faire avec » et j’espère de tout cœur que les mentalités changeront et que nos filles ne devront plus vivre le sexisme, sous toutes ses formes.
Je ne me reconnais que peu dans ce genre de personne harcelée/dérangée dans la rue. Je ne pense pas que ca me soit arrivée parce que je suis une femme (parce que des abrutis/ies bourrées ou racistes dans le métro, j’en ai eu quelques uns). Ou alors je ne remarque pas.
Depuis pas mal d’années, je travaille dans une boite où ce n’est pas accepté. Et le seul collègue aux propos lourds (et aussi discrètement racistes) c’est fait remercier pendant sa période d’essai ! Ici les jupes sont souvent plus courtes que ce que j’oserai mettre au travail perso (quand tu te penches et que tes sous vêtements sont visibles pour moi c est trop court) et certains chemisiers un peu transparents mais ce n’est pas un sujet de conversation. (Et les hommes s’habillent aussi très/trop décontractés).
Y a d’autres problèmes dans ma boite mais pas ca !
Mais pas mal de mes copines se plaignent ou ont vécu des situations de harcèlement caractérisée et j’espère pour nous toute que la société va progresser rapidement et dans le bon sens!
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Rosa, en lisant votre article, je mesure la chance que j’ai de ne pas subir ces comportements, d’une manière générale, et notamment au travail.
Et pourtant, je travaille avec 4 hommes ( et autant de femmes). D’ailleurs on en parlait récemment avec mes collègues femmes : c’est une réelle chance de pouvoir s’habiller comme on veut, et surtout de ne pas subir des regards insistants quand on met une jupe ou un décolleté.
Je vous envoie plein d’ondes positives et espère que votre article fera changer les mentalités.
Bien à vous
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J’ai la chance de ne pas être importunée par le premier point que tu décris, pour les autres situations, même si je me fais rembarrer (parce que l’homme en face a trop d’ego pour avouer être en tord) je ne me laisse pas faire et j’explique, je re-explique que non, ce n’est pas correct, c’est sexiste, macho, ce n’est pas digne d’un homme du 21ème, que oui on peut rire de tout et qu’il y a suffisament de thèmes disponibles pour ne pas avoir à se rabattre sur les blagues grivoises et sexistes qui donnent une mauvaise image de la personne. Par contre ce qui me fait mal, c’est quand les autres femmes présentes prennent le défense de leurs conjoints… et là je me dis qu’avant d’éduquer les hommes, il y a aussi un gros travail à faire chez les femmes.
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Merci pour cette chronique salutaire ! Tu n’es pas seule à penser cela et j’ai même pris la précaution oratoire « je vais encore faire mon enragée mais… » quand je dénonce ce genre de comportement à mes proches. Il n’y a rien de pire que la normalisation de ces attitudes, cette négation ajoute à la violence en elle-même. J’ai l’impression qu’on vide l’océan à la petite cuillère mais étant maman d’une petite fille, je me dis que sa génération laissera encore moins passer que la nôtre qui a aussi progressé par rapport à celle de nos mères et grands-mères.
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+1 avec toi, j’ai beaucoup subi ado, mon refuge était mes livres, quand tu lis, tu peux faire genre je n’ai rien entendu. Adulte, ça m’arrive moins car je suis presta, plus facile de mettre de la distance avec un client qu’avec un collègue et le « vous » implique une certaine distance, je ne tutoie que mes plus anciens clients et pas un ne me manque de respect. Je rembarre autrement quand ça m’arrive tout de même, je te donne une astuce : plutôt que de me poser en victime, je fais passer le pas drôle en face de moi pour un arriéré. La réaction est différente. De même, si c’est le conjoint d’une amie, je le zappe comme quantité négligeable et je m’adresse à sa femme « ah bon ? Tu lui permets encore ça ? Tu l’as mal éduqué »
Essaie, ça va te changer la vie 😉
Depuis que j’ai ma fille, même à la naissance j’ai rembarré tout de suite la moindre remarque « ah non papi, pas vous, votre petite-fille inventera sa propre case ». Idem, je n’agresse pas, je responsabilise en redonnant sa responsabilité de grand-père. Je ne dis pas que tout est rose mais comme dans ma tête c’est évident et ne devrait plus être sujet à discussion, je réagis en conséquence et on me tient rarement tête. À tester 🙂
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Ce qui me fatigue le plus perso c’est comme tu dit : les discussions sans fin avec la famille et les ami(e)s qui trouvent que tu exagères …
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C’est dramatique que ça ait encore lieu, oui… Le sexisme ordinaire, celui qui insidieusement fait sa place… Ici on est une entreprise très très féminine, gérée par un patron qui adore nous faire réagir avec des blagues limites (pas que sur les genres hein…) Il a 2 filles et une femme avocate. Il a fallut une discussion pimentée sur une marque créée et gérée par des femmes dont il ne voyait pas l’intérêt de mettre ça en avant pour qu’il arrive à changer doucement de point de vue.
A une journée presse, il expliquait à 3 journalistes femmes que ces puzzles étaient très féminins etc. Je le regardais faire en me marrant. Les nanas lui disent « ah oui? En quoi sont ils féminins? » Au lieu de parler de l’engagement de la créatrice, des autruches des illustrations ou des messages qu’ils véhiculent, il a dit « ben vous voyez, les couleurs, les motifs fleuris… » Je l’ai regardé s’enterrer en me marrant, les 3 nanas l’enfoncant joyeusement. Il s’est pris une petite claque métaphorique qui lui a un poil fait ouvrir les yeux, je travaille dur pour qu’il les ouvre grand !
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