Récit d’un naufrage annoncé
« Et toi t’irais jusqu’où ? »
Justine lève les yeux de son téléphone pour fixer Marc. La question saugrenue lui vient surement de cette série qu’il regarde sur Netflix de façon compulsive depuis plusieurs heures.
« Jusqu’où pour quoi ? »
« Par amour tu irais jusqu’où ? Épouser ton frère ? Tuer une rivale? Détruire la vie des autres ? A quel point tu penses que tu peux aller loin par amour ? »
Justine reste perplexe devant ce questionnement, Marc n’est pourtant pas entrain de regarder un docu-fiction sur Xavier Dupont de Ligonnes qu’elle sache.
Elle se décide enfin a répondre à Marc « L’amour ça vaut de tout risquer non? »
Justine se remémore cette épisode de sa vie alors qu’elle est là assise sur un trottoir à écouter cette chanson qui doit maintenant avoir une bonne vingtaine d’années : Happier de Olivia Rodrigo. « Tout risquer, c’est fou ce que je pouvais être cruche à l’époque… » sa voix s’étouffe dans un sanglot. C’était si simple à l’époque avec Marc. Ils étaient jeunes, libres et se pensaient fou amoureux. Mais un jour elle a croisé Romain. Il était plus complexe que Marc mais la faisait se sentir tellement en sécurité. Ses entrailles lui avaient hurlé que c’était lui qui devait être le père de ses enfants. Et puis Lucas…
Lucas était la raison de sa présence sur ce trottoir aujourd’hui. C’était pour lui qu’elle avait accepté de tout détruire. Sa vie entière, celle de Romain et de leurs trois enfants. Mais aussi celle de Lucas qu’elle voulait récupérer sans femme et enfant.
Pourtant nous voila deux ans après que ses yeux aient croisé pour la première fois ceux de Lucas. Et elle se maudit, tout autant qu’elle maudit ces satanés films américains où on te donne une fausse vision de l’amour. Toutes ces injonctions que l’amour, ça doit être des fleurs et du bonheur tous les jours. Elle aurait plutôt dû écouter Jean d’Ormesson pour une fois que Amazon Prime, tiens. Ça lui aurait peut être évité de finir ici à se demander comment elle allait bien pouvoir continuer. « Merci pour les roses, merci pour les épines. La vie est naturellement une vallée de larmes » murmure-t-elle pour elle même.
Elle cherche à partir de quel moment son Titanic personnel s’est retrouvé sur la route de l’iceberg qui a tout fait basculer. Et en y réfléchissant c’est bien cette phrase qui lui a servi d’alibi et marque le premier chapitre de son désastre. « Tout risquer »…
Elle se souvient de sa préparation au mariage religieux et du prêtre qui tentait de vendre les parcours Alpha de la paroisse. Elle en avait beaucoup rigolé. Ils n’en auraient jamais besoin eux. Eux ils se mariaient par amour que pourrait-il leur arriver ?

Et puis Iris est morte. Iris c’est le premier enfant qu’elle a eu avec Romain. Et quelque chose s’est éteint chez Romain. Il était triste et dépressif peu importe tout ce qu’ils avaient construit après cette épreuve. Et son couple à commencé à en pâtir. Romain était de plus en plus colérique, elle a commencé à avoir peur de lui et pour les enfants.
C’est là qu’elle aurait du se rattacher aux mots de Jean d’Ormesson quand elle y pense. Au lieu de se réfugier dans ces séries ou on te vend le célibat comme la meilleure partie de ta vie. Ces attentes que l’on te sert du couple parfait dont l’amour n’évolue pas dans le temps et les épreuves.
Et Lucas… il la regardait avec les yeux des acteurs sur lesquels elle fantasmait. Et c’est là qu’elle a choisi la facilité en se rattachant à cette phrase qu’au final elle avait surement mal compris « Il faut tout risquer par amour ».
Au final tout risquer ça aurait été de tout tenter pour retrouver son Romain. Celui pour qui elle avait eu des papillons dans le ventre. Celui que même ses entrailles avaient choisies. Il faut parfois se prendre un mur pour se remettre les idées en place.
Après tout, c’est quoi l’amour ?
« Justine… Justine… Youhou Justine »
« Marc ? »
« Hé ba alors chérie tu t’étais endormie, c’est épuisant les semaines de partiels visiblement »
Ton texte me laisse un peu songeuse.
En couple depuis 17 ans avec le même homme, je n’ai jamais eu la tentation de le quitter pour un autre. Je ne dis pas que c’est rose bonbon tous les jours, il y a des périodes plus compliquées mais aucun autre homme ne m’a fait rêver. Par amour, j’ai quitté ma famille, mes amis et je l’ai suivi à l’étranger (où je suis au final très heureuse.) Donc j’ai un peu de mal à m’identifier à Justine.
Mais d’un autre côté j’ai vu des ami(e)s s’accrocher à une relation qui se détériorait par habitude (« on va pas se quitter alors qu’on a investi 10 ans dans cette relation! »), par peur de la solitude, par amour non réciproque, pour l’apparence ou leurs enfants…
Ils ne sont pas spécialement heureux maintenant d’être toujours ensemble. Ils ne partagent pas grand chose, se disputent souvent, ne s’aiment plus (autant?) et ne se rendent plus heureux l’un l’autre.
Alors je ne suis pas sûre que rester à tout prix ensemble soit forcément la solution.
C’est aussi courageux, pour moi, de se quitter que de se donner une énième chance. Tout risquer, c’est aussi admettre qu’on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait mais qu’il nous faut prendre une décision qui changera notre vie. Si Justine était restée avec Romain, avec Marc, avec Lucas aurait-elle été plus heureuse ? On ne peut pas le savoir !
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C’est un fiction, juste une fiction. Après forcément je l’ai écrite suite à mon ressenti sur le fait que (est ce mon âge? l’époque? autre chose?) j’avais une impression, sur les RS et les séries populaires, qu’on nous vend le célibat comme quelque chose de merveilleux, le couple comme du jetable et si c’est moins facile qu’avant autant fuir qu’essayer de le réparer.
A aucun moment il me semble dans mon texte que j’ordonne de rester dans une relation ou on est malheureuse. Je l’ai plus écrit comme une réaction à « l’herbe est toujours plus verte ailleurs ». J’ai vu récemment passer une vidéo sur les RS qui disait « l’herbe est plus verte la ou on l’arrose » (et dans certains cas l’herbe est morte et on la peint juste en vert pour faire jolie vue de l’exterieur…). Et ma réflexion porte vraiment sur ça et sur la vision qu’on nous donne du couple. Dans les films qu’on nous sort à longueur de temps ça passe souvent de la période hyper agréable ou on se séduit, ou l’homme te cours après pour te dire qu’il t’aime à l’aéroport au divorce et ou la vie est géniale après parce qu’on s’éclate avec notre vie de quarantenaire décomplexée.
Mais ou est l’amour qui grandit? Celui qui change mais qui se renforce avec les épreuves. Les journées du quotidien morose suivi par des périodes ou on se découvre des nouvelles passions en commun. Cette période ou on grandi ensemble.
Le couple et les histoires d’amour c’est comme la vie. Il n’y a pas de raison que ça soit parfait tout le temps. Et oui parfois on se souvient des débuts, des papillons qu’on avait dans le ventre, des journées ou on allait rester au lit collé serré à parler de tout et de rien mais surtout pas d’impôts, de crédits, et de rendez-vous chez le médecin pour les enfants ou de dépistage du cancer de la prostate et on est nostalgique. Mais au final il faut être capable de prendre du recul pendant les périodes plus compliquées et c’est ça que je voulais faire passer.
Cela rejoins un peu les propos de mon autre article sur le fait que de plus en plus de personne « consomme » dans notre façon d’interagir avec l’autre. Jusque dans nos relations de couple. Mais encore une fois il y a une différence entre tenter de faire marcher un couple qui traverse juste une mauvaise passe et s’entêter à rester dans un schéma qui rend tout le monde malheureux.
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Je trouve aussi que ça parle beaucoup de femmes libérées délivrées du mariage sur les RS, mais au fond je me demande si ça n’attire peut-être pas juste mon regard ? Autant qu’une personne séparée peut ne plus supporter les mêmes RS pour étalage de familles heureuses… (je ferme la parenthèse psychologie de trottoir)
Comme ta Justine, j’ai eu une période où je rêvassais sur tous les hommes que j’ai aimé avant (surtout pendant mes grossesses) mais à chaque fois j’étais contente de me réveiller.
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J’ai une impression de distorsion de la réalité sur les RS que beaucoup ne réalisent pas. Et effectivement on se retrouve avec des gens qui ne vont plus supporter ces images.
Mais n’est il pas évident que même si nos enfants se tapent dessus à longueur de temps on ne postera que la photo ou ils se font miraculeusement un câlin sur le mois en mettant des # bien trouvés.
Que même si notre couple n’est qu’engueulades sur engueulades on ne postera que la photo des fleurs qui ont été offerte après l’engueulade de trop (sans préciser qu’elles ont été offerte pour ça).
Que même si on vit une période très compliquée on ne postera que nos moments de joie dans ce tunnel de tristesse.
Les RS ne sont qu’une représentations et ce qui m’embête le plus c’est quand cette représentation perd son côté moment de vie CHOISI. Si tu es en plein divorce tu posteras les jour ou tu retrouveras tes copines pour faire la fête avec un #kidsfree, mais le reste du temps quand tu rentres seule chez toi tu n’en parles que rarement. On a une perte de repère ou on a l’impression que nos vies valent moins que les autres et que si ce n’est pas parfaits alors autant tout jeter et tenter de reconstruire en plus beau. Mais ne risque t’on pas d’être éternellement malheureux à courir après cette image de la perfection utopique. Comment réapprendre à aimer ce qu’on a avec les imperfections que cela peut comporter et à se battre pour le rendre plus jolie quand il se terni?
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J’avais bien compris que c’était une fiction et je trouve les questions qu’elle pose intéressantes, sans avoir l’impression que tu donnais des ordres ou une solution miracle. Je te disais juste ce que ca m’avait amené à penser.
Après, comme je ne suis pas sur les réseaux sociaux, on n’a pas la même idée de base. Par contre je suis d’accord que dans les films séries,c’est soit toujours des jeunes couples super romantiques soit des « vieux couples » encore amoureux comme au premier jour/prêt à divorcer. Y a pas vraiment de juste milieu et peu d’histoires qui évoluent mais restent vivantes. Mais les films sont rarement réalistes, plus là pour vendre du rêve, des larmes ou du rire…
Je n’ai pas (encore?) ce sentiment que l’on « consomme » son couple dans les exemples de mon entourage. (Pas de divorce dans ma famille, et peu de séparations parmi mes amis.) Mais je vois d’où cette impression peut te venir vu que dans tous les autres aspects de notre vie on a l’habitude de tout vouloir maintenant et de changer très vite ce qui nous paraissait indispensable et génial l’année d’avant pour un modèle soit-disant plus avancé.
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oui je voulais juste préciser les origines de la fiction ou forcément je n’ai pas forcément pu faire une explication de texte de pourquoi j’avais eu envie d’écrire cette histoire. Peut être que ça vaut le coup que j’écrive un article sur cette distorsion de la réalité qu’on nous vend et qui nous fait courir après un rêve impossible.
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résumé de la vie de celle qui vit tout ou rien, mais regrette-t-elle vraiment d’avoir essayé de voler même si à la fin elle se brûle les ailes ? j’aime bien ta Justine !! 🙂
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Bonne question vu que ce n’était qu’un rêve. Regrette elle seulement sur l’instant à cause de cette chanson mélancolique ou regrettera t’elle à vie? Lucas n’était il qu’un beau parleur ou une vraie jolie histoire, courte mais intense? Maintenant qu’elle a fait ce rêve qu’elles seront ces décisions dans le futur? Personne ne sait.
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Le jour de notre mariage, une amie a noté dans notre livre d or: l amour, c est comme une orchidée, si on s en occupe bien, il refleurira »
Je crois que c est vrai. 10 ans que je suis avec mon mari. Des périodes où je ne sens pas trop d amour (mais jamais de haine, ou de peur, toujours de la confiance), mais on fait en sorte de se retrouver, et ça refleurit de plus belle!
J espère garder cela, j aime ce que l on a construit, et j aime nos projets ! Et je l aime lui, (la plupart du temps 🤪)
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