Chapitre 4 : L’accident
Devant cette apparition improbable, Sélim pousse un cri rauque et claque la porte de sa chambre. Il la rouvre aussitôt, comme pour vérifier qu’il n’a pas rêvé. En plus de l’anxiété et de la culpabilité, développe-t-il aussi des hallucinations ?
L’adolescent est toujours là, dans ses vêtements crasseux. Étrangement, ce dernier est propre, il a même les cheveux humides comme s’il sortait de la douche. L’odeur du savon se mêle à celle de transpiration exhalée par son T-Shirt. Et surtout, il n’a plus ce regard déterminé et effrayant qu’il avait il y a quelques secondes mais plutôt un regard implorant, comme s’il allait se faire gronder par ses parents.
Lequel des deux est le plus surpris, c’est difficile à dire. Ils restent plantés là, l’un face à l’autre, séparés par une porte ouverte. Qui du jeune homme pressé de changer de vie ou de l’adolescent vengeur va bouger ou parler en premier ?
“Qu’est ce que tu fais ?” murmure Sélim, plus pour lui-même que pour la personne face à lui. Cette petite phrase réveille Axel, comme un électrochoc. L’adolescent se redresse et sert le couteau de cuisine dans sa main. Sélim aperçoit les jointures blanches, il devine la prise ferme sur le manche du couteau. Il ne réfléchit pas : il plaque aussitôt Axel au mur et lui souffle son haleine funeste dans le nez.
“T’es qui toi ?! Qu’est ce que tu me veux ? Qui t’envoie ?”
Axel ne comprend pas de quoi parle l’homme, qui semble à la fois paniqué et sûr de lui. Est-ce un déséquilibré ? Cela expliquerait qu’il ne sorte jamais de sa chambre.
“Lâche-moi !” hurle l’adolescent qui pourtant ne lâche pas son arme. En se débattant, il entaille le jogging bleu avec le couteau de cuisine. Sélim pousse un cri, agrippe la cuisse de laquelle du sang s’échappe et court vers la porte d’entrée. Il veut s’éloigner de ce taré. Personne ne l’empêchera d’accomplir son plan. Surtout pas un freluquet d’à peine quinze ans.

Sa main pleine de sang glisse sur la poignée de la porte. A la seconde tentative, il arrive enfin à l’ouvrir. La voiture de son contact est là. Il ouvre la portière côté passager et saute dans la Clio bleu marine qui démarre en trombe, comme dans les films d’action. Pour la discrétion, on repassera. Il se tourne vers la personne qui conduit et lâche : “Putain, y a un malade chez mes parents, il m’a attaqué. Il va tout leur dire, le plan est foutu !” L’inconnu se contente de lui répondre : « Ta gueule. T’as cinq minutes de retard. Tu crois que tu prends le taxi ou quoi ? » Sélim se recroqueville dans le siège de l’auto.
Déjà, son cerveau qui travaillait au ralenti depuis des mois se met à tourner à toute vitesse. Doit-il modifier son itinéraire jusqu’à la planque ? Carrément changer de planque ? Une seule chose est sûre : il ne rentrera pas. Pas parce qu’il y a un ado fou furieux dans la maison, non, mais parce qu’il ne veut plus jamais voir le regard plein de mépris et de déception de son père posé sur lui. Il faut réaliser le plan, quitte à le modifier, et espérer que l’autre ne parle à personne.
Dans la maison, Axel regarde autour de lui, complètement sous le choc. Le couteau est au sol, du sang sur la lame. Du sang, il y en a aussi sur la poignée de la porte d’entrée et sur le parquet flottant. Ça ne peut pas se terminer comme ça, avant même d’avoir vraiment commencé ! Elle ne va pas s’en tirer comme ça, seulement parce que l’invisible de la famille est enfin sorti de sa chambre ! Soudain, une pensée bien plus effrayante lui transperce le crâne : et s’il nettoie tout et arrive à se cacher avant le retour de la famille mais que l’autre le dénonce ? Ou peut-être a-t-il enfin de quoi accomplir sa vengeance ? Il se précipite dans le salon pour vérifier la caméra qu’il y a caché. 24h d’enregistrement. Il jubile. Avec de la chance, il pourra inonder très bientôt les réseaux sociaux d’informations croustillantes.
Tout à sa joie, il n’entend pas la voiture s’engager dans l’allée devant la maison.
Hé bien, hé bien, quel suspense !!!! Hâte de lire la suite 😀
J’aimeJ’aime