Chapitre 7 : La fuite de Sélim
Dans la Clio, Sélim hyperventile. Et si rien ne se passait comme prévu ? Comment a-t-il pu faire confiance à un inconnu ? Et ce type au couteau dans sa maison ? Rien ne va, il aurait mieux fait d’orchestrer sa mort, l’échec du plan aurait été moins humiliant, il aurait sans doute été hospitalisé puis pris en charge en psychiatrie. Mais là… Le conducteur ne lui adresse pas la parole. Comment savoir s’il va bien à l’endroit convenu ?
La route défile : villes, villages, champs… Le paysage change petit à petit, quand la voiture s’arrête : “Ça c’est le plan jusqu’à ta planque, ça c’est les clés, ça c’est tes papiers, maintenant tu te débrouilles !”
Sélim ne comprend pas. Ce n’était pas le plan du tout. Le conducteur devait le déposer devant la planque, c’est pour ça qu’il a payé, pas pour être lâché sur une route de campagne. Il bouillonne intérieurement, il n’a qu’une fraction de secondes pour réagir.
« Bon, tu bouges oui ? Tu descends maintenant ou je te fais descendre.”
“Non. C’était pas le plan. J’ai payé pour une planque, et le trajet jusqu’à la planque, on y va”. Sélim dégouline de transpiration. Lui le dégonflé, incapable de quoi que ce soit, le voilà à essayer de faire pression sur un inconnu qui tient son destin entre ses mains. A croire qu’en fait, bien caché, il avait quelques bribes de courage quelque part.
“Le plan ? Tu rigoles mon pauvre vieux, il n’y a jamais eu de plan ! Je t’ai fait sortir de chez toi, j’ai prévu une planque, t’as des papiers, deux bras deux jambes pour marcher, maintenant tu sors de ma caisse et tu dégages ! Immédiatement ! ‘tain, regarde moi ce foutoir, t’as tout dégueulassé.”
Face au regard mauvais de l’homme, Sélim se défile. Il déplie sa longue carcasse hors de l’habitacle. A peine a-t-il claqué la porte que la voiture démarre en trombe.

Sélim avance sur le bas-côté. Pourvu que personne ne passe. Personne ne doit le voir ni le trouver. Il doit aller jusqu’à la planque. On ne change pas ce qui était prévu. Il n’a pas échafaudé un tel plan pour que tout s’effondre après une heure de route avec un conducteur malhonnête. La suite est claire, d’abord il s’installe dans la planque, ensuite il appelle le psy comme prévu, et enfin il revient tel le fils prodigue chez ses parents.
Il fatigue. Il faut dire qu’il fait chaud de plus en plus tôt dans l’année et en ce mois d’avril il est déjà très compliqué de marcher longtemps en plein soleil. De plus, il a mal aux yeux avec la luminosité et cela fait longtemps qu’il n’a pas fait la moindre activité sportive. Il commence à détester son plan, pourquoi est-il parti sans téléphone ? Il commence à avoir soif et mal à la tête et il donnerait tout pour un uber avec un chauffeur bavard alors que c’était son pire cauchemar il y a quelques heures.
Perdu dans ses pensées, il oublie de se cacher de la voiture qui approche au loin. Mais elle, elle l’a vu. Il faut dire qu’il est difficile à rater avec ses habits sales et troués, sa barbe pleine de restes de nourriture, ses cheveux emmêlés à la limite de faire des dreads et son entaille à la cuisse qui lui arrache une grimace à chacun de ses pas.
Elle a d’ailleurs le temps de le voir vaciller avant de s’écrouler à moitié sur la route.