Chapitre 8 : La deuxième chance
Sélim. Axel.
Les voilà tous les deux rattrapés par ceux qu’ils voulaient fuir. Ils auraient pourtant pu se parler. Ils auraient dû faire équipe. L’un avait ce qui faisait défaut à l’autre. Et vice-versa. Quel gâchis… Je leur avais pourtant offert cette opportunité. Mais je ne suis pas rancunière. Les humains l’ont bien compris. Voyez comme je suis généreuse. Ne me demandez pas pourquoi j’ai pris ces deux perdus en affection. Je les visiterai le nombre de fois qu’il faudra. Ils auront une deuxième chance puis une troisième si nécessaire.

Sélim ouvre les yeux dans une chambre blanche. Une perfusion plantée dans sa main le lance douloureusement. Hébété, il contemple le goutte à goutte qui se déverse dans son organisme quelques instants puis il tourne la tête, ahuri, à la recherche du moindre repère. Son regard se heurte aussitôt aux yeux noisettes qu’il a quittés si précipitamment quelques heures plus tôt.
Axel est attaché dans son lit. L’équipe médicale ne veut prendre aucun risque. Le médecin chef a demandé explicitement que les deux patients ne soient pas dans la même chambre mais les effets du Covid sont encore bien présents ici : le service est plein, il n’y a pas d’autre alternative. L’adolescent a refusé d’expliquer quoi que ce soit, se retranchant dans un mutisme qu’il croit provocateur. Le couteau taché de sang lui a fait beaucoup de tort. Il s’est même imaginé condamné pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Heureusement, le cadavre est vivant et ce dernier vient de se réveiller. Axel dévisage Sélim avec angoisse. Et s’il veut se venger ?
Derrière la porte, un vague brouhaha. Nora crie, un officier lui intime de se calmer. Les parents d’Axel sont là également, abattus. Défaits, comme d’habitude. Ils ne livrent jamais la moindre bataille, pas même celle de la queue de la boulangerie. Impossible de distinguer le moindre mot dans ce flot étouffé et ininterrompu. Mais aucun des deux n’a de mal à imaginer la scène.
Sélim sourit : “A la place du doc, je filerai vite fait un calmant à ma mère.”
Axel le regarde sans réagir, étonné du manque de rancune. Sélim poursuit : “Tu m’expliques ce que tu faisais chez moi ? Et pourquoi tu es ici ? On est où au juste ? Dans quel service ?”
Axel déglutit péniblement. “On est chez les fous” Il montre ses poignets attachés au lit à barreau d’un mouvement de tête “Ils ont peur de moi à cause du couteau… Je suis désolé au fait. Je voulais pas te faire de mal. Mais eux, là, ils ne savent pas, j’ai rien dit. Alors, ils ont peur.”
“Chez les fous ?!” répéte Sélim, comme en écho. “Mais je ne suis pas fou !”
Le jeune homme et l’ado se murent dans un silence que rien ne semble pouvoir briser. Quelque part, derrière la porte, le calme se fait. Sélim reprend alors que la lumière du jour commence à décroître : “Tu crois que je suis fou ?” Axel fait une grimace “En tout cas, ce n’est pas toi qui es attaché.”
La porte s’ouvre à cet instant devant un médecin imposant. Au même moment, le cri strident de Nora retentit “Sélim ! Mon fils ! Tu es vivant ?” Prestement, le médecin referme la porte ne laissant pas le temps à Nora de recommencer sa diatribe.
« Messieurs bonjour, je suis le docteur Gorbitz, psychiatre. J’ai réussi à négocier avec la police pour vous parler en premier. M. Axel Judan, pourriez vous m’expliquer pourquoi vous étiez dans la chambre de M. Sélim Houari avec un couteau plein de sang qui, au vu de la coupure de M. Houari à la cuisse, lui appartient ? »
« Ils ne livrent jamais la moindre bataille, pas même celle de la queue de la boulangerie »: Excellente citation lol, elle m’a fait ma journée au boulot (mauvaise journée, heureusement que j’ai votre blog 3 fois semaine :-)). Chouette initiative votre série estivale, j’ai particulièrement apprécié le premier épisode. A mon sens, les chroniqueuses derrière devraient carrément s’essayer à l’écriture d’un roman 🙂 Ne me dites pas qu’aucune chroniqueuse de BDV n’a de projet de roman dans son ordi 😉
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