Toxique
Manue a grandi auprès d’une personne toxique. Elle a mis longtemps à se rendre compte que le problème ne venait pas forcément d’elle. Elle vient t’en parler ici.
A 16 ans, elle te regarde dans cette boutique et te dit qu’elle t’achètera cette robe à condition que tu perdes ensuite quelques kilos, elle t’ira mieux comme ça.
A 18 ans, elle t’impose de l’appeler une fois par semaine, tu quittes la maison, il faut bien donner des nouvelles et maintenir un lien. Et puis elle aimerait tant connaître ta vie étudiante, savoir qui sont tes amis, ce que tu fais en dehors de tes études. C’est si dur de te voir partir.
A 20 ans, tu l’appelles pour parler de ton copain, de tes projets d’avenir, elle te met en garde surtout protège toi, un homme n’est jamais fiable. Il ne faudrait pas se retrouver seule et sans revenus. La solution, si vraiment tu tiens à tes projets d’avenir, c’est le contrat de mariage. Séparation des biens stricte, il faut te protéger.
A 20 ans toujours, cette fois c’est elle qui t’appelle, elle ne va pas bien, d’ailleurs elle a fait une tentative de suicide. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Tu n’en sais rien, mais au téléphone c’est à toi de la consoler, de chercher ce qui ne va pas, et de la rassurer, ça va aller.
A 22 ans, soutenue par des amis, tu mets de la distance parce que c’est trop dur. En une semaine, tu as ses amis, ses frères et sœurs et ses parents au téléphone qui veulent te convaincre de revenir, ou te culpabiliser de ta décision digne d’une crise d’adolescence mal résolue. En attendant quand elle t’appelle, tu raccroches au bout de 5 minutes et tu passes ta soirée à pleurer et à vomir.
C’est à peu près à ce moment-là qu’elle a commencé à passer voir tes amis, à les appeler, à leur écrire. Toujours pour prendre de leurs nouvelles, pour les remercier d’être là pour toi, puis peu à peu pour leur faire passer des messages. A force tu ne sais plus quoi dire à qui, alors tu ne dis plus rien à personne, c’est plus simple. Et plus le temps passe, plus tu t’isoles, et plus tu te demandes d’où vient le problème chez toi, puisque visiblement tous ceux qui ne sont pas toi ont l’air de la trouver sympa et de compatir à sa situation.

Le jour où elle te dit qu’elle ne t’a pas élevée comme ça, que ce n’est pas le comportement d’une fille, que tu es infecte et qu’elle te souhaite un jour d’être aussi blessée qu’elle pour que tu comprennes enfin tout le mal que tu lui fais, c’est le jour de trop. Tu remplis une demande d’Erasmus pour l’année suivante, et tu te promets de partir sans plus jamais donner de nouvelles. Cela ne t’empêchera pas de culpabiliser, et de te dire que tu dois encore faire des efforts pour qu’elle aille mieux, pour sauver votre relation, mais ce sera sans doute moins douloureux.
Finalement, la vie, la culpabilité, l’espoir fou que tout change, tu reprends contact. Quelle idée ! L’intimidation reprend de plus belle, la culpabilisation avec, et les avis non sollicités des uns et des autres qui ont l’impression d’agir en juges de paix et de défendre la veuve et l’orphelin. Mais comment leur faire entendre ce que tu as vécu ? Et d’ailleurs, ta souffrance est-elle vraiment réelle ? Après tout, d’autres vivent bien pire, d’autres sont vraiment maltraités eux, toi, elle n’a jamais levé la main sur toi. C’est peut-être juste de la sensiblerie et une rancune bien trop tenace. Si tu grandissais un peu, tu verrais qu’elle souffre et tu cesserais tes comportements égoïstes.
Il faudra encore 10 ans pour qu’on te le dise, 10 ans pour qu’enfin quelqu’un ouvre ses yeux et les tiens. Il ne s’agit pas d’une crise d’adolescence mal digérée, d’une rancune tenace ou d’une incapacité à pardonner. Tu n’es ni méchante ni mauvaise, ni même aliénante pour tes enfants qui ne la voient que très rarement et jamais seuls.
C’est elle.
Elle est toxique, et ce que tu ressentais jusque là sans être capable de l’expliciter, ce que tu essayais de faire comprendre à ton entourage qui te fermait la porte au nez, trop aveuglé par sa vision de l’histoire, toutes ces blessures prennent un sens. Elle est toxique, et sauf à travailler sur elle-même la situation ne peut pas changer, et ce n’est pas de ta faute. Ce. N’EST PAS. de. ta. faute.
La seule chose que tu puisses faire à présent, c’est prendre du temps pour toi, pour te reconstruire après tant d’années, te libérer de son emprise, et te protéger, pour que ni tes enfants ni toi ne revivent ce que tu as eu à vivre pendant tant d’années.
Evidemment, tout cela laisse des traces, aucune travail ne pourra effacer complètement le mal qui a été fait, d’autant plus qu’elle continue son travail de sape auprès de ceux qui la croient encore. Néanmoins avec du temps et un bon accompagnement, il est possible d’accepter ses blessures, de travailler dessus pour mieux les intégrer et que la douleur s’apaise. Tout est à faire mais, pour la première fois depuis pas mal d’années, l’avenir est serein, et tu gardes pour toi comme un trésor cette validation extérieure d’une certitude : ce n’est pas de ta faute.
Courage à toi 💕
J’aimeJ’aime
J’ai malheureusement aussi dû accepter un jour la triste réalité que ma maman est toxique. Je retrouve d’ailleurs plusieurs de ses comportements dans ton texte.
J’ai eu la chance de pouvoir partir assez jeune un semestre à l’autre bout du monde, ce qui m’a fait prendre conscience pour la première fois que je devrais aller vivre loin d’elle pour ma santé mentale.
Je continue à la voir de temps en temps, car malgré tout je l’aime et je sais qu’elle ne peut pas changer même si elle essaie de faire des efforts (elle a dû voir une dizaine de psy…), mais il suffit d’un mot mal pesé et ça part en cacahuète.
Je me suis protégée assez tôt pour réussir à m’épanouir sans trop de blessures à panser, mais je comprends ta difficulté et ton combat. Courage à toi pour avancer, et comme tu le dis, ce n’est pas de ta faute.
J’aimeJ’aime
Tellement de mots qui me parlent. L’éloignement, la seule solution pour surmonter tout ça.
Je l’ai fait quand j’étais enceinte de mon ainée et que volontairement elle ne prenait pas de nouvelles de la grossesse malgré une fausse couche vécue précédemment. À ce moment là j’ai compris tout le mal qu’elle est capable de me faire.
Depuis je me porte tellement mieux. Ma 2e grossesse nous a davantage éloigné. Et elle continue de répandre son venin: je suis la mauvaise fille, celle qui ne se préoccupe pas d’elle. Une grande partie de la famille ne me parle plus. Mais certains ne sont pas dupes.
J’aimeJ’aime
Bonsoir Manue,
Combien de tes mots résonnent en mois. J’ai vécu sous « le joug » d’une « mère castratrice ». Je me suis retrouvé en pension à 14 ans parce que c’était comma ça et que le poids familial imposait au seul mâle de la lignée (les frères et soeurs de mon père ne se sont jamais mariés (les gosses, c’est chiant) ou n’ont eu que des filles (l’un de ses frères). Du coup, dans un bahut où il n’y a quasiment que des mecs, dans des dortoirs de 60 (au milieu des années 70) fait que tu te construit un monde.
Ne rien désirer, être toujours gentil, tout dire (trop tard !), avoir un droit de regard sur tes fréquentations, juger, généralement négativement, les copines que tu as eu la malchance de laisser entrevoir, tirer les vers du nez en permanence, prêcher le faux pour savoir le vrai, faire du chantage permanent (si tu ne fais pas ça, maman (mamie avec ma fille) va être triste… Dès que j’ai pu, je suis parti travailler alors que j’avais le potentiel pour faire des études longues (je me suis rattrapé depuis) pour avoir mon indépendance et mettre le plus possible de distance.
Malgré tout, cela influe fortement sur tes relations aux autres. Mon amie ma jeté en début d’année après 10 ans pour tout un ensemble de motifs futiles, dont un : je suis un handicapé sentimental.
Malgré mon âge, je pâtis plus ou moins encore de ces situations (anxiété dans les rapports aux autres) et reste à distance.
Choisi bien ton entourage et préserve ton « jardin secret ». Prends confiance en toi. Si possible, fais un travail là dessus avec quelqu’un qui saura t’écouter et t’orienter. Et surtout, vis ta vie et ne laisse pas les parasites t’emm…er.
Bon courage à toi
J’aimeJ’aime
Dans ce témoignage et ces mots, je retrouve ma belle mère.
Elle dit souvent à mon mari « tout ce que j’ai fait pour toi ». Elle ramène tout à elle, à son sort, son passé sans prendre en considération nos problèmes et notre vie.
Moi j’ai ouvert les yeux, c’est plus dur pour mon homme qui est toujours en partie sous son emprise.
J’aimeJ’aime