T’es enceinte ou t’es pas enceinte ?

T’es enceinte ou t’es pas enceinte ?

Il y a plus de dix ans, j’ai vécu une expérience difficile et assez traumatisante. Peut-être as-tu déjà entendu parler de cela : une grossesse molaire. C’est en écoutant un témoignage d’une femme qui a vécu cela et qui ne connaissait pas cette pathologie et qui a même été assez mal prise en charge par les équipes médicales, que j’ai eu envie d’écrire cet article sur cette épreuve.

grossesse molaire
Credit photo : Julia Fiedler de Pixabay

Le test positif

Souffrant du syndrome des ovaires polykystiques, je ne sais pas vraiment à quel stade de cette grossesse j’ai fait un test de grossesse. Mon seul souvenir, c’est qu’il s’est révélé positif au bout d’une seconde à peine. Je dois aussi avouer qu’aujourd’hui, mes souvenirs sont assez flous. Je me rappelle juste que j’avais vu ma gynécologue de l’époque, qu’elle m’avait fait une échographie de datation mais finalement m’avait envoyée au labo, à 19 heures, pour faire en urgence un dosage de Bêta HCG. Je me rappelle que le mec du labo m’avait appelée à 21 heures pour me dire que mon taux était anormalement élevé et qu’il prévenait ma gynécologue. Sauf qu’on était un vendredi soir. Et que ma gynécologue m’a dit d’aller immédiatement aux urgences gynécologiques du CHU proche de mon domicile. Je me souviens aussi que je souffrais de fortes nausées et d’une fatigue extrême.

Les urgences gynécologiques

Avec toujours des souvenirs vagues, je me rappelle surtout la scène assez irréaliste, de l’externe qui me fait l’échographie et qui me dit ne pas comprendre ce qu’elle voit. Elle appelle alors un interne. Il commence par me dire que le cœur du fœtus ne bat pas/plus. Puis qu’il n’y a pas de fœtus. Puis qu’il y en a un mais que c’est bizarre, et il me dit qu’il revient avec son « senior ». Je me souviens de l’angoisse qui monte en moi. Tous les scénarios se bousculent dans ma tête, je me sens très seule et j’ai envie de rentrer chez moi. Le fameux « senior » arrive, c’est une femme, et je subis une troisième fois une échographie endovaginale. J’ai envie de pleurer mais je ne montre aucun sentiment. Je me ferme et je veux montrer uniquement de la force et du détachement. C’est ma façon de réagir à ce qui va suivre. La cheffe de service m’annonce que je vais devoir subir un curetage car il ne s’agit pas d’une grossesse classique. C’est une grossesse molaire. Elle m’explique brièvement que c’est une grossesse qui ne peut être menée à terme car la « môle » étouffe l’embryon qui ne peut se développer. En gros, les cellules du placenta se multiplient et empêchent la grossesse de survivre notamment car l’embryon ne possède pas un matériel génétique complet.

Le choc de l’annonce

Cette annonce, je me la prends comme une claque. Je ne comprends pas bien tout ce qu’on me raconte. Je me sens enceinte, j’ai le ventre déjà gonflé (c’est d’ailleurs un des symptômes), j’ai toujours des nausées… Et en même temps, le corps médical m’explique que je ne suis pas réellement enceinte car l’embryon n’est pas viable, qu’il n’en est pas réellement un d’ailleurs. Tout va très vite, on me dit qu’il faut programmer le curetage rapidement. Et là, je me renferme un peu. Je ne sais pas si je suis dans le déni, ou si je veux prolonger cet état de « grossesse », mais je commence à paniquer que tout cela entrave mes projets du moment. C’est très bête, mais quelques jours plus tard, je dois accueillir une copine qui vient du vendredi au dimanche, afin d’assister à un concert avec moi. Il est hors de question pour moi de louper ça. Alors quand l’infirmière coordinatrice me donne une première date, je bafouille, je donne une fausse excuse, pour ne pas avoir l’intervention avant. On arrive à fixer une date, et je me rappelle que durant toute cette attente, j’ai eu beaucoup de mal à faire le deuil de ce bébé qui finalement n’en était pas vraiment un.

Le début du cauchemar

Le jour J de mon curetage arrive. Il me semble que ma mère est venue vers moi pour me soutenir, mais cela reste encore une fois très flou. L’opération se passe plutôt bien, et la gynécologue m’explique qu’ils vont analyser la môle, et que désormais je dois effectuer un dosage hormonal chaque semaine, afin de s’assurer que le taux de bêta HCG continue à bien diminuer. Au départ, cela se passe plutôt bien. Je me remets tranquillement du curetage et de cette épreuve, bien entourée par mes amies et ma maman (à distance car 500km nous séparent). Chaque semaine, le taux diminue bien. En juillet, le 1er il me semble, alors que j’ai rendez-vous pour ma consultation de contrôle, 2 mois après le curetage, ma gynécologue m’annonce qu’elle a reçu mes derniers bilans et que les taux remontent (alors que la semaine d’avant, j’étais avec un taux à peine de 15 ou 20…). Elle m’explique alors que c’est une complication de la grossesse molaire, qu’il s’agit d’une tumeur trophoblastique, et qu’elle m’a pris rdv en urgence (elle insiste bien sur ce terme, qui me fait donc encore plus paniquer), pour l’après-midi même, pour une IRM cérébrale, et le lendemain pour scanner thoracique et IRM pelvienne. Je suis complètement sonnée par tout cela. Elle en rajoute une couche en me disant que c’est pour vérifier si des cellules ont migré ailleurs (autrement dit, s’il y a des métastases) et qu’elle m’a également pris rdv immédiatement avec l’anesthésiste de l’hôpital qui va m’expliquer tout concernant la pose d’un PAC, un boîtier qui sera placé sous la peau et relié à un cathéter pour la chimio. D’ailleurs, là aussi, lors du rdv avec l’anesthésiste, totalement sous le choc, ma seule préoccupation sera de savoir si je peux aller passer ma journée à Palavas avec ma meilleure amie le 19 juillet…

Les examens et le début de la chimio

Face à tout cela, la panique s’installe. Etant d’ailleurs phobique des piqûres (j’étais ravie de devoir faire une prise de sang par semaine suite à mon curetage), et claustrophobe, sans parler de la peur tout simplement du mot « tumeur » à 22 ans, je fais un malaise lors de la première IRM. L’équipe est merveilleuse et m’aide à terminer l’examen. Le lendemain, pour le scanner, crise de panique, accentuée par plusieurs événements indésirables, je me mets à refuser qu’on me pose le cathéter dans le bras pour l’injection du produit de contraste. Il aura fallu plusieurs heures et une discussion/négociation avec deux internes (très mignons au passage), pour que je finisse par accepter. Heureusement, les résultats des différents examens révèlent qu’il n’y a aucune métastase. On m’annonce donc un allégement du protocole de chimiothérapie et je peux bénéficier d’une chimio qui sera principalement administrée à mon domicile par une infirmière libérale (je dois juste initier la première dose de chaque cure à l’hôpital de jour). Je n’ai pas besoin du PAC, et à ce moment là pour moi, c’est réellement la meilleure des nouvelles. Je trouve une infirmière adorable, de l’âge de ma mère environ, et qui va d’ailleurs se montrer très maternante et soutenante. Elle me fera aussi des injections d’EPO en cours de route car bien évidemment tout ne se passera pas aussi paisiblement que prévu.

Les ennuis continuent

Très rapidement, la chimio me fatigue, toutefois j’essaye de garder au maximum la même vie qu’avant. Mais je suis aussi prise dans des démarches urgentes comme mon déménagement suite à ma séparation avec mon ex, mon entrée en école d’assistante sociale etc. Bref, ces réjouissances tombent définitivement très mal dans ma vie. Et durant cette période, je vais enchainer les emmerdes, comme notamment perdre une quantité de sang impressionnante lors d’une virée shopping avec une amie (et finir aux urgences). Mais je vais surtout avoir une grosse frayeur en faisant, à 3 reprises, des péricardites après chaque fin de cure de chimio. C’est d’ailleurs mon infirmière qui me fera remarquer le rapprochement, car à l’hôpital, aucun médecin ne l’aura fait. Pire, quand j’évoquerai cette correspondance « fin de chimio-péricardite », on ne m’écoutera pas en me disant que ça n’a aucun lien. Jusqu’au jour où le Professeur, chef de service des maladies trophoblastiques (la petite anecdote dira que 3 ans après cette épreuve, je deviendrai assistante sociale dans son service, par le plus grand des « hasards »), se pencha sur mon dossier et m’appela en personne pour me dire qu’il avait recherché dans la littérature et qu’en effet, une autre personne dans le monde, un homme de 30 ans, au Texas, faisait la même réaction que moi à cette chimio. On m’a donc enfin entendue et pu adapter la fin du traitement. Par la suite, j’ai du passer des examens complémentaires malgré tout, pour surveiller mon cœur après ces trois épisodes, et une suspicion de maladie assez rare me fut diagnostiquée. J’ai toutefois stoppé les investigations une fois ma première maladie de base guérie (la tumeur trophoblastique gestationnelle), car je n’en pouvais plus psychiquement. Aujourd’hui, je me sens peut-être enfin prête à refaire le point avec des spécialistes pour voir ce qu’il en est réellement, mais à l’époque, c’était vraiment trop pour moi et j’ai préféré faire l’autruche.

La revanche sur la vie

Malgré la dureté de cette épreuve, j’ai su en tirer du positif, car clairement, tout cela m’a fait grandir. Comme je le disais plus haut, j’ai même obtenu mon premier poste d’assistante sociale dans l’hôpital où j’ai été soignée, et où on m’avait fait rencontrer l’assistante sociale de la maternité car j’avais fondu en larmes quand un étudiant sage-femme avait dû me piquer 3 ou 4 fois après avoir raté la pose d’un cathéter… J’ai donc, à l’âge de 22 ans, vécu une grossesse molaire (environ 1 cas sur 2000 en Europe à l’époque), qui s’est compliquée en tumeur trophoblastique (1 cas sur 10000 à l’époque), été diagnostiquée d’une maladie rare qui touche une personne sur 66 000 000 et surtout, fait une complication à la chimio comme une seule autre personne dans le monde, à ce jour connue… Si tu te demandes si j’ai joué au Loto, la réponse est oui. Malheureusement, j’ai perdu. De plus, j’en parlerai prochainement aussi sur BDV d’ailleurs, mais ces 6 mois de traitement et d’embûches en tout genres, m’ont fait prendre plus de 20 kilos, et je n’arrive toujours pas à m’en débarrasser. Le chemin vers une guérison psychique totale est encore long. Et je garde en tête ce que la psychologue rencontrée pendant notre parcours PMA m’avait dit : je souffre certainement d’un état de stress post traumatique et que j’avais aussi beaucoup assimilé la grossesse comme synonyme de mort (notamment car en plus de cela, durant mon parcours PMA, j’ai fait plusieurs fausses couches)… Toutefois, un heureux hasard me fera tomber enfin enceinte de mon petit miracle, l’Elu, un 3 mai 2018, soit 8 ans après cette épreuve qui a impacté ma vie à tout jamais.

Connaissais-tu la grossesse molaire et les complications que cela pouvait engendrer ?

3 commentaires sur “T’es enceinte ou t’es pas enceinte ?

  1. Ohlala je suis désolée que tu ais dû vivre ça.. j’avais déjà entendu parler des grossesses molaire dans un autre témoignage – et comme dans le tient je suis tellement choquée par la violence de cette prise en charge médicale où on ne t’explique rien de ce qui t’arrive et de ce qui risque de t’arriver.. je peux comprendre que le corps médical ne veuille pas prononcer des mots comme « chimio » trop rapidement pour ne pas faire paniquer les gens mais il y a des limites.. je suis aussi atterrée que personne ne semble t’avoir proposé un accompagnement psychologique..

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  2. Quel parcours. Je ne connaissais pas et tu as vécu beaucoup de choses. Je suis contente que ça se soit bien terminé.
    Je ne sais pas si tu écoutes le podcast Bliss mais je pense que ton histoire racontée là bas y aurait du sens.

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