Les voir vieillir

Les voir vieillir

En devenant mère, en devenant parents, nos mères et nos pères sont devenus grands-parents. Ainsi va la vie, ainsi avance le temps. Et forcément, les voir dans leur nouveau rôle de grands-parents m’oblige aussi à les voir vieillir, et je ne suis vraiment pas prête à cela.

grands parents vieillir
Credit photo : Michelle Scott de Pixabay

Au revoir mes grands-parents

Tout d’abord, il y a eu nos grands-parents. Malheureusement, nous avons perdu la plupart de nos grands-parents avant de devenir parents. Seul mon grand-père paternel a connu deux de nos enfants. Nous avons deux « belles-grands-mères », les mamans de nos beaux-pères, qui sont encore de ce monde et ont donc naturellement pris le rôle d’arrières-grands-mères. La perte de mes grands-parents a été la première étape, pour ma part, dans la constatation que mes parents vieillissent… En effet, la logique veut que les prochains à partir, ce soit eux. Malgré tout, j’étais déjà à l’époque dans le déni, car pour moi, nos parents sont loin d’être « vieux ». Ils ne ressemblent pas aux grands-parents que nous avons perdu. J’ai donc mis de côté cette information et la vie a continué.

Grands-parents pour la vie

A la naissance de nos enfants, leurs grands-parents ont pris une place très importante dans leur vie, mais aussi dans la nôtre. Les rôles se sont redistribués, les places ont quelque peu changé, bref, l’équilibre a été modifié. Nos garçons sont très proches de leurs « mamie-papy-nana-babou », appelez-les comme vous le voudrez. Un lien très fort s’est tissé entre eux. D’ailleurs, l’Elu est très proche de ma propre mère, au point de se mettre dans des états de tristesse très forts et déstabilisants quand elle rentre chez elle. Pleurs continus pendant de longues minutes, sanglots incontrôlables etc, on sent qu’il a vraiment une immense peine quand ils se séparent. Ils ont tous une relation particulière avec chacun d’entre eux. Ils ont réussi à créer des liens différents en fonction de leurs centres d’intérêts et des caractères de chacun. C’est beau à voir et même parfois très drôle. Et malgré la distance géographique avec mes parents, c’est chouette de les voir si proches. Ils sont toujours dans leurs esprits et font partie intégrante de la famille très proche. J’aime voir leurs relations se tisser, évoluer. La complicité qu’ils ont me fait chaud au cœur. Cela me rappelle mes propres grands-parents, et même plus encore : je trouve qu’ils sont encore plus proches, plus présents, plus investis. J’irai même plus loin en disant encore plus aimés. Comme si nos parents étaient pour nos enfants une continuité de nous, leurs parents, et inversement.

Réaliser que tout n’est pas éternel

Dans ma tête, ces relations sont éternelles, pour la vie. Combien de fois je m’imagine les garçons, plus grands, ados, jeunes adultes, parents à leur tour… avec leurs grands-parents. Comme si rien ne pouvait stopper ce bonheur. Et un jour, alors que justement j’évoquais tout cela avec eux, ma belle-mère m’a dit qu’elle ne connaîtrait certainement jamais telle ou telle étape de leur vie… j’ai eu comme un bug. Je lui ai dit « oh ben quand même ! » Genre, tu comptes pas mourir demain ou mais enfin, t’es pas si vieille ! Et pourtant, je n’avais jamais vraiment fait les calculs… et réalisé qu’en effet, quand les garçons auront l’âge par exemple de se marier ou fonder une famille, nos parents seront vraiment « très vieux ». Et donc peut-être même déjà plus de ce monde. Et j’ai flippé. J’en ai même pleuré, plus tard, en y repensant. Ça me fout d’ailleurs le cafard, quand je les observe, si complices… Car du coup, je pense au jour où tout cela sera fini.

Accepter qu’ils vieillissent

Et donc, de façon générale, j’ai du mal à accepter de les voir vieillir. Je pense que je ressens de la colère. Je rejette les signes de « vieillesse » chez eux. En réalité, cela m’angoisse tellement, que je préfère faire l’autruche, en quelque sorte. Quand ma mère me parle de tel ou tel souci de santé, je m’énerve souvent après elle, je lui en veux même de faire des examens, par peur que l’on découvre quelque chose… une maladie… un signe que oui, ça y est, la vieillesse s’installe. Car ma maman, même si elle a plus de rides et de cheveux blancs qu’il y a vingt ans, je continue à la voir comme quand j’avais 15 ans. Jeune, active, intouchable. Alors, si je la vois, elle ou l’un de nos parents, fatigué.e.s, ralenti.e.s… l’angoisse me revient en pleine face et je gère difficilement. Nous avons cependant la chance d’avoir des parents en bonne santé et en bonne forme également. D’ailleurs, je les trouve même plus en forme que moi pour gérer l’énergie des enfants, c’est peut-être pour ça que j’ai du mal à les voir vieillir !

Un processus

Finalement, je trouve aussi que mes enfants m’aident dans le processus d’acceptation de tout cela. Avec l’Elu, nous avons d’ailleurs rapidement évoqué la mort, par le biais de la perte de nos animaux de compagnie (d’abord un de nos chats, puis le chien de mes beaux-parents). Nous avons aussi dû parler de cela à la mort de mon grand-père, et je suis toujours aussi agréablement surprise, quand je l’entends évoquer la mort et ce qu’il en a compris. Bien entendu, je sais que ce sera différent le jour où il s’agira d’un de ses grands-parents, car il a une relation bien plus forte, mais cela me rassure malgré tout un peu. Je suis quand même bien loin de me dire que ce jour peut bientôt arriver. Tout comme je n’arrive pas à intégrer l’idée de leur éventuelle future dépendance. Je continue à les voir actifs et dans la force de l’âge, et je m’imagine que ce sera toujours ainsi. A chaque année de plus, au lieu de voir un chiffre de plus au compteur, je me dit qu’ils repoussent les limites du temps et du vieillissement. Je ne suis pas prête, voilà tout.

Se créer de beaux souvenirs

Alors, pour rassurer l’enfant en moi, pour faire face au temps qui passe, pour apaiser mes angoisses… on se crée des souvenirs. J’ai envie que mes enfants se construisent des tas de souvenirs et d’anecdotes avec leurs grands-parents, qu’ils pourront raconter un jour à leurs enfants. Je veux qu’ils se souviennent à quel point ils ont été aimés par papy et mamie mais aussi combien eux les aimaient. Alors je partage énormément de choses avec nos parents. Des photos quotidiennes, des anecdotes rigolotes mais aussi les moments moins cool avec les garçons. J’ai envie de vacances tous ensemble, de balades et de pique-nique en famille au bord de lacs ou dans les bois. J’ai besoin de voir leurs visages s’illuminer d’un sourire plutôt que de se remplir encore et encore d’une nouvelle ride, d’une nouvelle preuve que oui, le temps passe et l’âge avance. Finalement, je veux juste profiter de la vie, de l’instant présent, avec eux, sans penser à la suite, sans imaginer un après…

Et toi, comment vis-tu le vieillissement de tes propres parents ?

9 commentaires sur “Les voir vieillir

  1. Bon ça ne va pas te rassurer mais mes parents ne vieillissent plus depuis plusieurs années.
    Ma fille ainée avait 17-19 mois à leurs décès et elle n’en garde de souvenirs qu’à travers les photos, les vidéos (mon père lui avait composé une chanson au piano) et ce que je raconte. Ma deuxième fille venait juste de s’inviter dans mon ventre donc elle ne les a jamais connu (même si on avait parlé d’elle comme projet à ma mère et on avait eu le temps de faire une annonce à mon père). La maladie les a emporté bien avant d’être vieux (ou retraités…).
    Donc je savais que leur temps était compté. J’ai créée autant de souvenir que possible, j’ai récupéré tous les jouets/livres enfants que ma mère avait prévu (et que j’avais à l’époque fortement réduit en nombre) pour le premier noël de l’ainée, un livre de naissance vierge découvert dans sa bibliothèque que j’ai attribué d’office à la plus jeune. Les jouets/livres ont permis que « Mamielou » offre des cadeaux jusqu’aux 3 ans de chacune pour Noël et anniversaire. Alors oui c’était un jeu de plage, une bouée ou une autre babiole mais le principal était là : faire vivre le souvenir et donner une petite chance à rattacher de l’affection aux souvenirs.
    Pour l’anecdote, 3 de mes grand-parents ont survécu (de peu quand même, ça leur a fait un choc à leurs âges canoniques) à mes parents et mon grand-père a eu ses deux arrières-petites filles dans les bras.

    Il n’y a pas à accepter le temps qui passe, il y a la vie à vivre. Ici les filles n’ont pas de manque ou de tristesse vis à vis de mes parents (ce qu’on ne connait pas ne nous manque pas) et moi, j’ai fait la paix avec ça.
    Par contre, j’ai peur de mourir avant leur trentaine ou au début de leur trentaine. Que l’histoire se répète en somme.

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    1. Ton témoignage me touche énormément. Ce que tu as réussi à faire de cette douloureuse épreuve est très beau, puissant. Je comprends aussi ta propre peur, pour ma part, cette peur est présente depuis que je suis devenue mère, sans forcément d’histoire familiale… Juste cette prise de conscience que la vie ne tient souvent qu’à un fil…

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  2. Votre article est très touchant, je pense très souvent au vieillissement de mes parents, qui ont presque 73 ans.
    En même temps, ma grand mère a vécu jusqu’à 106ans, dont 7 dans un EHPAD. Je connais donc le problème du déclin physique et cognitif. Mais j’appréhende bien sûr pour mes parents.
    Je n’ai pas d’enfants, il n’y aura donc pas de chagrin à gérer de ce côté là.

    En revanche, il m’arrive de me dire qu’au décès de mes parents, je serai vraiment seule ( en espérant avoir mon mari à mes côtés), car mon seul frère est déjà parti.

    Alors, comme je l’avais lu sur ce même blog, à défaut d’ajouter des jours à la vie, j’ajoute de la vie aux jours. Et bien entendu, profiter des bons moments.

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  3. Merci pour vos mots qui m’aident. Moi j’ai la chance que ma mère connaisse mon aîné de cinq ans et mon plus jeune de 18 mois mais elle est en fin de vie suite à un cancer découvert en phase généralisée il y a un an. J’ai mis du temps à dépasser l’étape de l’intégration qu’ils ne la connaîtront pas davantage, que le plus jeune n’aura pas de souvenirs, que je vis ça à 30 ans. Je progresse je crois, surtout avec sa perte quasi totale d’autonomie très brutale il y a deux mois qui m’a forcée à « ajouter de la vie aux jours » comme joliment dit plus bas, et à profiter de toutes les éclaircies malgré la tempête…. Encore merci pour ton beau témoignage sur un sujet peu abordé je trouve.
    Et à l’auteur de ce billet je te souhaite de bien profiter de ta jolie famille le plus sereinement possible 🙂

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    1. Je te souhaite de réussir à traverser cette terrible épreuve en prenant chaque joli moment qu’il y a à prendre malgré le tsunami émotionnel que tu dois être en train de vivre… Courage.

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  4. Comme toi, un vrai déni. Babylove a une très jolie complicité avec mon papa. Ma mère joue beaucoup avec elle, ou colorie.
    Plus petite, elle pleurait quand elle les quittait… leur criait je vous aime depuis la voiture..les réclamait toutes les semaines
    Le confinement a été terrible pour Babylove des sanglots, des soirées à pleurer….
    Aujourd’hui, la séparation avec son papa a un perturbé les choses au début puis ils ont retrouvé leurs liens.
    Quand je la vois avec mon père, je me vois avec mon grand-père paternel dont je suis inconsolable depuis 2004.
    Je ne me vois pas sans eux. Babylove non plus.

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  5. Très joli texte sur le temps qui passe et nos aînés qui disparaissent… J’ai eu la très grande chance de connaître mes 4 grands-parents et de nouer de très belles relations avec eux. Même si 2 de mes grands-parents habitaient loin de chez moi (+ de 600kms), nous étions complices, nous avions plein de souvenirs. Par contre, dès petite je pleurais à très chaudes larmes quand il fallait partir car j’avais toujours peur de ne pas les revoir. Mon 1er grand père est décédé, j’étais tout juste majeure. Les années ont filé, j’ai eu mes enfants et ils ont connu 3 arrières grands-parents. Mes 2 Mamies sont parties cet automne à 2 mois d’intervalle pour mes 40 ans. Mes garçons (11 et 10 ans) ont beaucoup pleuré. Je pense que ça a aussi réactivé le décès de leur Papy (mon beau-père) quand ils étaient tout petits (3 et 4 ans) et dont ils étaient très proches.
    Ce sont des étapes difficiles, dont j’aurai bien voulu les épargner, mais la vie ne nous laisse pas le choix, et je pense qu’ils ont bien conscience qu’il faut profiter des bons moments qui se présentent à nous !

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