Des tâches sur le papier
À la fin de l’été dernier, la tête farcie de soucis personnels et professionnels, je suis tombée sur une publication insta des tribulations de Marie proposant un booster gratuit à l’aquarelle.
Ça faisait déjà un bout de temps que je regardais avec envie ce qui se faisait sur les réseaux sociaux à l’aquarelle. Je rêvais devant le style de saleaandre, je n’osais imaginer un jour pouvoir peindre des monogrammes comme ceux d’Alexandrine d’Auzac… bref, je rêvais tout en me contraignant parce que je ne sais pas dessiner. C’est un fait, tout ce que j’essaie de dessiner est souvent moins bien fait que ce que dessine ma fille, je n’arrive pas à intégrer la notion des volumes, la perspective… bref, je ne sais pas faire, c’est tout.
Mais du reste, le stage booster était gratuit, et la communication insistait sur le fait que c’était accessible à tous, même les débutants, même ceux qui ne savent pas dessiner, même ceux qui ne se lanceront pas à fond dans le truc ensuite. Poussée par des collègues, je suis donc allée acheter la palette la moins chère du magasin de loisirs créatifs du coin, pile le nombre de feuilles nécessaire, et, sans rien dire à personne, je me suis posée un soir devant le live sur youtube, en me disant qu’au pire si c’était moche, ça ne m’aurait pas coûté grand chose, et ça m’aurait permis d’avoir un moment pour moi.
Le premier soir, j’ai fait ça tranquillement. Le soir suivant, j’avais une fille qui regardait au dessus de mon épaule. Le troisième soir, nous étions deux à faire des taches sur le papier, guidées par la voix de Marie qui nous expliquait comment accompagner le pinceau pour arriver à nos fins. Seule condition pour peindre avec moi : se taire, et écouter. C’est mon moment pour moi, dans une période où le bruit ambiant et les cris des enfants m’étaient tellement insupportables que je mettais des boules Quies 30 minutes après être rentrée du boulot, et que toute possibilité de m’isoler était la bienvenue.
À la fin du stage booster, je n’étais pas convaincue que je serai le nouveau Van Gogh, mais j’avais découvert que je savais en fait peindre des choses jolies (et par extension, dessiner plus ou moins) et que l’aquarelle était un médium qui me plaisait bien. Forte de ma nouvelle tocade créative, je suis donc retournée dans le magasin de loisirs créatifs, je me suis achetée deux nouveaux pinceaux, un nouveau bloc de papier, un petit pot de gomme de masquage et un bouquin sur les fleurs à l’aquarelle.

Le soir même, je peignais mon premier monogramme, un peu moche, pas très équilibré, mais satisfaisant. Et puis je n’ai pas arrêté. Je ne sais toujours pas dessiner de personnages, mais j’ai peint des monogrammes à l’aquarelle pour le marché de Noël d’une école, puis mon mari m’a offert un cours Artesane sur la peinture de paysages à l’aquarelle, je me suis proposée pour faire les marque- places du déjeuner de Noël du service, je me suis entrainée sur des feuilles volantes, j’ai découvert le mouillé sur mouillé… en bref, j’ai découvert une occasion facile de prendre du temps pour moi, pour faire quelque chose dont on voit le résultat tout de suite, qui me semble plutôt joli, qui m’oblige à me détendre pour que mes traits de pinceaux soient souples, et qui surtout ne m’impose aucune obligation de résultat.
Je n’ai pas vraiment le sentiment d’être une artiste, malgré ce que mes enfants en disent. À vrai dire, je fais plutôt des taches sur le papier, en espérant qu’elles soient cohérentes entre elles, et pas trop disgracieuses, mais cela me convient comme cela. Mon prochain défi, ce sera de passer des fleurs, que je commence à avoir dans l’œil et dans la main, aux paysages, et notamment aux ciels flamboyants des matins dans la forêt que je traverse en voiture pour aller travailler. Parfois dans ma voiture sur ces routes de forêt, j’en viens à analyser les couleurs des nuages, à me demander comment je pourrais retranscrire sur le papier ce paysage fantasmagorique de forêt brumeuse…
Faire des taches sur le papier m’a donc aussi permis d’exercer mon œil pour comprendre comment est construit le paysage que je vois, quelles sont les couleurs principales, celles qui se font plus discrètes, et celles que l’on devine entre deux arbres ou dans un nuage. J’ai changé mon regard sur mes trajets, et ils sont tous les jours (ou presque, bonjour les torrents de pluie que l’on s’est pris sur la tête récemment, ou la semaine de brume pendant laquelle on ne voyait pas les voitures à 50 mètres) l’occasion de m’émerveiller de ce que je vois. Cela m’aura aussi appris à prendre mon temps. Le temps de peindre, le temps de sécher, le temps de doser pile ce qu’il faut d’eau ou de pigments… Bien sûr que j’utilise mon sèche cheveux parfois, mais cela n’empêche que le temps est une composante essentielle de l’aquarelle.
En bref, ce qui était un essai d’un jour d’été, s’est transformé en activité créative sympa, en occasion de craquage dans le magasin de loisirs créatifs du coin (coucou l’aquarelle à paillettes, les feuilles format carte postale pour les cartes de vœux…), et je scrute désormais les dates d’ouverture de stages de l’eau bleue à Vannes pendant mes vacances bretonnes.

Que c’est beau ce que tu fais !! J’ai adoré te lire, ton explication de ta petite curiosité-envie qui est devenue un vrai moment artistique-moment à soi est merveilleusement bien décrite. Bravo pour ce bel article très inspirant 🙂
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Tout pareil ! Quel bel article ! Cela donne envie de se mettre à l’aquarelle ! Moi aussi, parfois je ne supporte plus les bruits et sollicitations de mes enfants, et trouver un refuge comme cela semble être un chouette échappatoire.
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L’enjeu pour moi c’était de trouver un vrai échappatoire qui mène à quelque chose de satisfaisant. J’aurais pu m’isoler sur mon téléphone, mais ça ne produit rien, et je trouvais ça hyper frustrant cette sensation d’avoir perdu son temps parce que j’étais incapable de faire mieux.
Dans les chroniqueuses au tout début, ce sont Freesia et Melinda qui m’ont donné envie de m’y mettre. Melinda avait fait un chouette article sur ses débuts à l’aquarelle d’ailleurs : Tester l’aquarelle – Bribes de Vies
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Merci ! C’est exactement ce que c’est devenu : mon moment créatif pour moi.
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l’Aquarelle est effectivement une sorte d’échappatoire, un exutoire au bruit et à l’agitation du monde. C’est une bulle de légèreté et de poésie lumineuse dans laquelle il fait tellement bon se lover … Pour le vivre depuis des années, je peux le dire sans hésitation. L’aquarelle m’a sauvé bien des fois par sa magie et sa résistance à tout contrôle. Merci pour cet article qui m’a parlé !!!🙏
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