Quatre mois pour se dire adieu (3)
Je suis de retour non pas pour te jouer un mauvais tour mais pour te raconter la suite des aventures de mon papa. Ces articles agissent un peu comme une catharsis et j’espère que ce n’est pas trop long pour toi. Je t’avais laissé alors que les vacances de Noël allaient commencer. La première chimio avait eu lieu et elle représentait une petite éclaircie.

Crédits photo : JillWellington
Les vacances de Noël sont là !
C’est parti pour deux semaines chez papi et mamie. Les enfants sont ravis, ils vont pouvoir retrouver le soleil et le chien de mes parents qu’ils adorent. Ils ont bien compris que leur grand-père ne sera pas à la maison mais la perspective de pouvoir aller le voir les réjouit.
Je me plonge dans l’organisation du réveillon de Noël pour essayer de garder un peu de magie. C’est très triste parce qu’habituellement, mon père s’activerait à faire les courses et à nous préparer de quoi nous régaler. J’irais le voir en cuisine pour éplucher les légumes en papotant avec lui. Mais, toute seule, le cœur n’y est pas alors je sauve les meubles et je fais appel à un traiteur.
La première partie des vacances a un côté hors du temps. Nous allons rendre visite à mon papa tous les jours dans sa maison médicalisée. Il dit qu’il reprend des forces et qu’il mange un peu. Il partage quelques moments avec nous dans la salle des familles. Nous tirons les rois ensemble, nous avons parlé, ri, c’était très doux. Un jour, nous sommes même venus avec le chien pour que mon papa puisse l’apercevoir par la fenêtre.
Et puis, le 30 décembre, son rendez-vous pour sa deuxième dose de chimiothérapie est enfin maintenu ! On y croit tous. Ma maman et moi le rejoignons à l’hôpital pour le soutenir. Le personnel soignant est aux petits soins, il est installé tout seul dans une chambre. Il est souriant.
L’oncologue arrive, elle ne sourit pas. Les résultats de mon papa sont encore trop justes, elle ne veut pas prendre le risque de l’affaiblir plus avec une chimiothérapie. Il faut donc attendre… qu’il se retape, qu’il reprenne du poids… (toi aussi cette rengaine te parle). On nous présente l’équipe mobile de soins palliatifs. Ma mère bloque « pourquoi, ils viennent nous voir ceux-là, ton père n’est pas à l’article de la mort, il va s’en sortir ». Les clichés ont encore la peau dure, les médecins essaient de nous parler bien-être mais ma mère se braque. J’essaie d’arrondir les angles. Mon père souffre, j’en ai la certitude (jusqu’au bout, il maintiendra qu’il va bien) et je voudrais qu’on l’aide.
Le 31 décembre, ça bascule !
Le réveillon du Nouvel An est là. Nous avons prévu de le passer avec nos meilleurs amis. Mon père appelle alors que nous sommes sur le départ. Il est transféré à l’hôpital. Sa prise de sang est encore plus mauvaise que la veille. Il doit être transfusé.
Nous commençons à nous habituer à cette situation donc, je ne m’inquiète pas trop. Nous prévoyons de le voir le lendemain. Il sera sûrement en meilleure forme et nous fêterons la nouvelle année. La soirée se passe, on rit, on oublie un peu nos inquiétudes et ça fait beaucoup de bien.

Crédit photos : Pexels
Le 1er janvier, je rends visite à mon père à l’hôpital, le cœur n’est plus à la fête. Il semble tellement faible. Il est passé sous la barre des 60 kgs. Je vais chercher Sangohan qui est resté dormir chez nos amis. Je me revois encore aujourd’hui discuter avec mon amie d’enfance, devant la baie vitrée de son salon et lui dire que je ne sais pas si mon père tiendra jusqu’aux vacances de février…
Le 2 janvier, on apprend que mon papa a une infection et qu’il reste à l’hôpital. Je vais vider sa chambre en maison médicalisée et lui rend une visite. Je l’emmène à la cafétéria et je le vois lutter pour marcher car il ne veut pas son déambulateur, il boit un chocolat chaud (ça fait 30 ans que je ne l’ai pas vu en boire). J’ai une drôle d’impression, celle que c’est peut-être la dernière fois que je le vois alors cette visite a une saveur particulière (ce ne sera pas la dernière mais cette sensation ne me quittera plus). Lorsque je rentre, la colère m’envahit. Mon père est censé être en sécurité à un étage où les patients sont particulièrement fragiles. Et pourtant, personne ne porte de masques (les visiteurs, les soignants). Et pourtant, la grippe rôde. Je ne comprends pas et je suis folle d’inquiétude.
Ma maman ne veut toujours pas aller voir mon père à l’hôpital et de mon côté, je dois rentrer chez moi avec les enfants. Je sais que je descendrai mi-janvier mais en attendant j’aimerais que mon père puisse avoir un peu de compagnie. Alors, j’alerte des amis de la famille pour qu’ils se rendent à son chevet.
Il ne me reste donc plus qu’à attendre ce prochain séjour et espérer ne pas avoir à venir plus tôt que prévu.
