L’amour sans pause

L’amour sans pause

À toi, qui lis ces mots les yeux cernés, le cœur lourd, les bras chargés d’un quotidien invisible.

À toi, qui t’endors en pensant que tu aurais dû faire mieux, crier moins, comprendre plus.

À toi, parent d’un enfant avec un trouble du neurodéveloppement — TSA, TDAH, DYS, ou un cocktail unique que personne ne comprend vraiment — je veux te dire ceci :

Tu fais ce que tu peux


Image par Engin Akyurt de Pixabay

Et ce que tu peux, c’est déjà immense.

Tu te lèves chaque matin dans un monde qui n’a pas été pensé pour ton enfant. Tu passes ta journée à amortir ses tempêtes, traduire ses silences, expliquer ses réactions, inventer des solutions que personne ne t’a enseignées. Tu fais tampon entre lui et une société qui exige patience, conformité, autonomie — tout ce que ton enfant n’a pas encore, ou pas toujours. Et tu le fais par amour, même quand tu es à bout.

Tu n’as pas choisi de devenir thérapeute, auxiliaire de vie, négociateur de crise.

Tu voulais “juste” être parent. Mais avec un enfant atypique, cela ne suffit jamais. Il faut gérer les suivis, les papiers, les refus d’aménagements, les crises, les nuits blanches, les jugements au supermarché, les anniversaires ratés, les remarques blessantes.

Et tu encaisses.

Encore et encore.

Parfois tu te dis : Ce n’est pas normal d’être aussi seul·e dans quelque chose d’aussi grand.

Et tu as raison.

Tu anticipes chaque détail pour éviter les déraillements. Tu es seul·e à gérer la logistique, à chercher un accompagnement, un diagnostic, une place en SESSAD, un rendez-vous psy — toujours trop tard, trop court, trop bancal.

Et quand tu te fâches, on te dit que tu exagères.

Quand tu cries ta détresse, on minimise.

Tu apprends à te taire. Et pourtant, tu continues.

Tu n’es pas faible, tu es épuisé·e

Et ce n’est pas la même chose.

Tu es fatigué·e de tout devoir penser, expliquer, rassurer, contenir.

Fatigué·e de devoir justifier chaque pas, chaque choix, chaque crise.

Fatigué·e de voir ton enfant privé de ce qui semble simple pour les autres : une cour de récré paisible, un prof bienveillant, un goûter sans moqueries.

Il y a des nuits blanches. Des refus d’accompagnement. Des rendez-vous qui s’enchaînent, des professionnels qui ne comprennent pas, des regards qui jugent. Des colères, des effondrements. Et toi, toujours là, les nerfs à vif, le cœur en alerte.

Et malgré tout, tu culpabilises.

De ne plus avoir de patience.

De ne pas tout comprendre.

D’avoir besoin d’air, de silence, de solitude.

D’avoir crié, pleuré, voulu fuir.

De ne pas avoir su les protéger de ce qui les dépasse — virus, crises, injustices.

Tu t’en veux parfois de souhaiter que ce soit plus simple, même si tu sais qu’ils ne le font pas exprès.

Et ça te brise.

Tu n’es pas un parent toxique. Tu es un parent à bout.

Parce que tu n’as pas de répit, peu de relais, et que même les vacances sont des champs de mines émotionnels et sensoriels.

Être à bout ne veut pas dire que tu aimes moins.

Ça veut dire que tu as tenu trop longtemps sans pause, sans soutien.

Tu veux tout faire bien, tout réparer.

Mais ton corps, ton cœur, ton esprit crient fatigue.

Et tu n’as pas besoin de coaching. Tu as besoin qu’on t’écoute, qu’on te croie, qu’on t’aide.

Et malgré tout… tu continues.

Tu cherches les bons mots, les bons professionnels, les bons aménagements.

Tu défends ton enfant, même quand tu ne te sens plus capable de te défendre toi-même.

Tu es le point d’ancrage de quelqu’un.

Ce rôle est immense. Il ne demande pas la perfection, juste ta présence.

Tu as le droit d’être fatigué·e, de faire des erreurs, de dire “stop”.


Image par butti_s de Pixabay

Il n’y a pas de recette miracle

Mais il y a des petits gestes qui comptent :

🔹 T’accorder un quart d’heure à toi, même planqué·e dans la salle de bains.

🔹 Demander de l’aide, même si ça te coûte.

🔹 Dire “non”, même si tu redoutes le jugement.

🔹 Dire “je suis fatigué·e”, même si personne ne sait quoi répondre.

🔹 Pleurer si ça soulage. Et rire dès que c’est possible.

Et surtout, te souvenir que ton épuisement n’est pas une preuve d’échec, mais la trace d’un amour inconditionnel.

Il y a des milliers de parents comme toi, dans l’ombre, dans l’intensité, dans l’amour. Des parents solides sans médaille. Qui méritent, toi compris·e, d’être regardés avec admiration.

Tu n’as pas besoin d’être plus.

Tu as besoin de soutien.

Tu es un parent en résistance. Et c’est déjà héroïque.

Ce que tu fais a de la valeur.

Même si ça ne se voit pas.

Même si tu doutes.

Tu es exactement la personne dont ton enfant a besoin.

Pas parfaite. Mais présente.

Pas infaillible. Mais aimante.

Pas toujours patiente. Mais toujours là.

Et ça, c’est immense.

« L’amour, c’est la capacité de percevoir l’invisible, de croire à l’improbable et de supporter l’insupportable. »

— Victor Hugo

2 commentaires sur “L’amour sans pause

  1. Ton texte est si beau, si touchant, si émouvant….

    Ancienne professeure des écoles spécialisée, j’ai toujours été admirative des parents ayant un enfant à besoins particuliers…. Cette force dans vos regards, dans vos mots, dans vos combats aussi (vis à vis de l’école notamment)…

    Cela m’a appris beaucoup de choses et notamment le fait de ne pas/plus « juger ». Comme tu le dis, vous faites ce que pouvez et ça c’est le plus important.

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