Quand la tempête habite un enfant : le trouble oppositionnel avec provocation

Quand la tempête habite un enfant : le trouble oppositionnel avec provocation

Grondements, éclairs, tension dans l’air. Il y a des orages qu’on entend venir de loin. Et puis il y a ceux qui surgissent sans prévenir, d’un mot de travers, d’un regard mal compris, d’une consigne anodine. Chez nous, ces tempêtes portent un nom : le trouble oppositionnel avec provocation (TOP).

Mais la plupart du temps, je l’appelle simplement : Ptit Loup. Parce qu’avant le trouble, il y a lui, un petit garçon brillant, sensible, drôle, plein de lumière — mais traversé de colères aussi fortes que son cœur est grand.

Photo personnelle

Attention : l’article qui suit parle d’un vrai trouble identifié avec des professionnels formés. Il n’est en aucun cas ici question d’enfants laissés à leurs propres chefs et manquant d’implication parentale.

« Non ! T’es nul! »

Ça commence toujours comme ça. D’une situation commune, la plus banale possible, arrive sans prévenir, le début de la crise avec un simple « Non ».

Pas le “non” d’un enfant qui teste, qui s’affirme. Non, ceux-là ils sont différents, profonds, et radicaux. Ils sont chargés d’une intensité que rien ne peut apaiser. À partir de ce moment, le moindre refus, la moindre frustration, la moindre tentative de négociation devient un incendie. On peut voir dans ses yeux brûler les flammes dues à une explosion d’émotions qu’il ne contrôle pas et qui nous épuise tous, lui y compris. Et ces flammes sont alimentées par ce qu’on appelle la dysrégulation émotionnelle. Oui, encore un mot en dys-, mais qui est différent des autres toutefois.

Ce dys-là, il ne touche pas spécifiquement les apprentissages. C’est un trouble du contrôle émotionnel qui rend difficile les réactions adaptées à une situation concrète. Dans la dysrégulation émotionnelle, le seuil de tolérance à la frustration est très bas. Résultat, l’amygdale qui est le centre des émotions s’active tellement vite quand l’information arrive que le cerveau n’a pas le temps de calmer la réaction. C’est ce qui mène aux réactions impulsives et disproportionnées.

C’est bien plus complexe qu’un simple problème de comportement parce que derrière toute cette expression de violence se trouve un enfant qui souffre, qui ne voulait pas « mal faire », mais qui ne sait pas comment ne pas exploser.

La première fois que ça arrive, on est choqué. On a cette réaction naturelle de réagir à la violence par la violence en mode défensif, parce qu’on ne comprend pas du tout ce qu’il se passe. Comment un enfant si petit, si adorable quelques minutes avant, peut changer en un claquement de doigts au point d’en venir à te crier dessus, t’insulter, te frapper jusqu’à te blesser physiquement ?!

Crois moi, ça fait mal, physiquement et mentalement. Avec le temps, les crises se succèdent, s’accumulent, et la culpabilité parentale augmente elle aussi. Parce que d’abord on crie sur l’enfant, on menace, on punit, faute de comprendre comment le calmer. Et ensuite parce que comme toujours, on subit les remarques et idées reçues :

– « C’est un fort caractère, c’est bien un garçon. »

– « Il te teste, c’est de ton autorité dont il a besoin. »

– « Tu devrais être plus ferme. »

Si seulement il ne suffisait que de cela !

Plus nous posions des limites à Ptit Loup, plus il les repoussait. Nous ne comptons plus les mises en danger volontaires, que ce soit pour lui même, sa sœur ou nous. L’interdit, le danger, ces choses n’existent plus pour lui une fois la crise démarrée.

Le TOP se manifeste par :

  • De la colère fréquente,
  • Des défis de l’autorité,
  • Une irritabilité chronique,
  • Des comportements provocateurs.

L’enfant ne cherche pas réellement à défier l’adulte ; il essaie maladroitement de reprendre le contrôle sur un monde qu’il ressent comme trop intense ou trop injuste. On retrouve souvent derrière un TOP une grande insécurité émotionnelle, des troubles de l’attachement ou une hypersensibilité, une fatigue chronique liée à la lutte contre les débordements, et parfois (comme c’est le cas chez Ptit Loup) un TDAH et/ou un TSA qui amplifie la réactivité émotionnelle.

Le quotidien dans la tempête

Photo personnelle après une tempête dans la chambre de ptit loup

Le TOP a cette particularité qui fait que seuls, les parents ne peuvent pas s’en sortir. C’est là le gros piège. Parce que chaque crise est un appel de détresse, une façon d’attirer l’attention du parent. Et comme on y répond, cela nourrit le mal par le mal.

Vivre avec un enfant qui a un TOP, c’est vivre dans une tension de fond permanente. On apprend à mesurer chaque mot, chaque ton, chaque demande, à éviter les ordres directs, à chercher le bon équilibre entre fermeté et souplesse, entre autorité et douceur.

Vivre avec un enfant qui a un TOP, c’est accepter qu’une crise peut éclater sans raison, n’importe où, et durer longtemps. C’est se sentir jugé (souvent), coupable (toujours). C’est aussi avoir honte parce que les voisins, la famille, les passants ne comprennent pas toujours. Dans ce combat, le regard des autres peut blesser autant que la crise elle-même, parce qu’il renvoie justement à cette honte, cette solitude, cette impression constante de ne pas être à la hauteur.

Peu comprennent qu’un enfant avec un TOP n’est pas insolent ; il se débat juste avec son cerveau immature. Mais c’est tellement plus simple de juger sans savoir, d’accuser les parents de manquer d’autorité sur leur enfant « roi », d’être moralisateur et de dire « y a qu’à … faut qu’on… » ou « de mon temps… ». Personne, en dehors du cercle restreint de ceux qui vivent avec lui, ne mesure la fatigue, la culpabilité, le désarroi au quotidien. C’est un retentissement sur toute la vie de famille, sur les repas, le sommeil, les relations fraternelles, la santé mentale des parents.

Apprendre à vivre avec

Une fois le diagnostic posé par un neuropsychologue et validé par un psychiatre, il faut comme pour tout trouble, apprendre à vivre avec. Avec Ptit Loup, nous avons du réapprendre à tout faire différemment. Au placard les grands principes éducatifs. On n’ordonne plus, on n’impose plus. On ne relève pas la bêtise mais on félicite la réparation ou le moindre petit détail positif autour. On attend un moment paisible pour revenir sur ce qui a dérapé et ses conséquences, et surtout on ne tente pas de le faire à chaud, pendant la crise.

La tempête ne se contrôle pas. On ne peut qu’apprendre à s’abriter, à attendre qu’elle passe, et à tendre la main quand le calme revient (non, nous ne sommes pas maso, nous n’aimons pas nous faire taper dessus sans réagir par un enfant pour le plaisir). Et quand il revient, se calme, c’est souvent une voix toute tremblante qui s’excuse ensuite, un enfant qui va chercher à s’assurer qu’on l’aime malgré tout.

Crédit : Amandine Gimenez

Ce moment n’est pas celui du règlement de compte. C’est le moment le plus crucial pour aller de l’avant. C’est celui où on renforce le lien avec notre enfant, en lui disant qu’on l’aime encore, on l’aime toujours. Même quand il crie, quand il frappe, quand il fuit. Et qu’on est là pour l’aider à apprendre à gérer ses crises un peu mieux à chaque fois, même si on sait que ça va prendre du temps, beaucoup de temps.

Des enfants comme Ptit Loup, il y en a beaucoup. Des enfants qu’on dit “provocateurs”, “ingérables”, “difficiles”. Des enfants qui souffrent, sans savoir comment le dire autrement que par la colère. Ils ont besoin de compréhension, pas de punition, d’accompagnement, pas d’exclusion. Ils ont besoin de cet amour ferme et doux qui pose des limites sans humilier.

Le TOP n’est pas un défaut d’éducation. C’est un trouble du développement, une façon différente de gérer les émotions, la frustration, les interactions. Ce n’est pas un combat perdu mais un long chemin de patience, de compréhension et d’amour. Promis, avec les bons outils, les aménagements nécessaires et de l’accompagnement, on peut retrouver un environnement apaisé pour tout le monde.

Un commentaire sur “Quand la tempête habite un enfant : le trouble oppositionnel avec provocation

  1. Ton article me parle car sans être dans un cas de TOP, mon aîné est très en colère et aime provoquer. Donc quand tu dis qu’il ne faut pas oublier qu’avant tout c’est Ptit Loup, je me retrouve parfois avec le même problème. C’est parfois dur de montrer tout son amour quand il nous repousse tout le temps et essaye si souvent de nous mettre en colère aussi. (Surtout quand son petit frère est lui super fan de bisous et câlins…)

    Est ce que ce trouble se manifeste par des changements visibles dans le cerveau ? Est ce que ca se voit sur une imagerie ? Je me demande juste pourquoi le diagnostique du neuropsychologue n’est pas suffisant.

    Je suppose que pour la plupart des parents et des enfants, le regard des autres doit être difficile à vivre. Il existe des « colliers » avec des tournesols qui sont de plus en plus portés par les personnes avec des handicaps invisibles pour que les gens autour puisse faire preuve de bienveillance et d’attention. Ca pourrait peut être vous éviter le regard des autres dans les gares, aéroports…

    Est ce que ce trouble s’exprime aussi à l’école, chez les amis et grands parents ? Il y a une petite fille dans la classe de mon fils qui fait de grosses crises et est parfois violente (et parfois juste adorable). Mon fils ne veut pas faire de play date/anniv avec elle car elle l’a déjà tapé et mordu. Je le comprends et je ne le forcerai pas mais je me demandais si ca pouvait être un cas de TOP aussi et si les autres enfants pouvaient aider à ce que ca se passe bien.

    Continue à être une super maman et ne t’oublie pas en chemin !

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