Comment le coronavirus a détruit ma crèche

Comment le coronavirus a détruit ma crèche

Alors que le souvenir de ces mois de confinement s’estompe doucement, et que l’angoisse d’un reconfinement se profile avec l’arrivée de l’automne, je sais déjà que pour moi, cette année, nous ne vivrons pas les mêmes galères de mode de garde qu’au printemps 2020.

Ma crèche parentale ou quand un mode de garde devient une grande famille

Pour que tu comprennes bien, il faut que je commence au début, c’est-à-dire il y a plus de six ans, lorsque nous cherchions un mode de garde pour notre premier enfant à naître. Nous étions jeunes et fringants, enthousiastes à l’idée de devenir parents, et prêts à tout pour offrir à notre enfant le meilleur cadre possible.

Nous avons eu connaissance d’une crèche associative, qu’on nous a présenté comme une petite structure familiale, où tous les parents se connaissaient, où l’on pouvait participer activement au mode de garde de notre enfant. Une structure avec une si bonne ambiance que, même des années après, certains parents continuaient à garder contact avec les puéricultrices qui avaient gardé leurs enfants.

Au moment du recrutement (oui, parce que dans notre crèche, ce sont les parents qui sont recrutés, puisqu’ils vont pleinement participer au fonctionnement de la structure), tout se passe bien : on est en phase avec la pédagogie portée par l’équipe, on se sent prêt à s’investir pour toutes les tâches pratiques, à prendre en charge l’un des dossiers de gestion administrative et pratique de la structure, on imagine notre enfant à naître dans ces locaux, certes exigus, mais qui nous paraissent chaleureux, etc…. Et on décroche le Graal : une place en crèche pour la rentrée !

Bref, on arrive avec l’énergie et la naïveté des primipares que nous sommes, et on se donne à fond.

Parfois même un peu trop… Quand on fait venir mes parents pour garder leur petite-fille parce que… on doit s’occuper de laver la crèche tout un week-end. Ou quand on participe aux assemblées générales jusqu’à point d’heure et qu’on en paie le prix en termes de fatigue tout le long de la semaine. Ou quand les petites remarques insidieuses des puéricultrices viennent doucement miner ma confiance en mon rôle de mère.

Doucement, l’idylle des débuts fait place à un peu plus de pragmatisme. On essaie de ne pas s’attarder sur les galères et de continuer à profiter des bons côtés, et notamment du gros point fort de ce mode de garde : pouvoir bénéficier de l’expérience des autres familles qui partagent leurs bons plans, que l’on retrouve au parc et avec qui on finit par sympathiser.

Au bout de trois ans, l’issue de la période de crèche de notre aînée, nous n’hésitons pas à signer pour trois nouvelles années de ce mode de garde pour notre cadette.

cubes, legos, enfant
Crédit photo : Esi Grünhagen

L’essoufflement des parents ou quand le fonctionnement associatif devient trop exigeant

Mais peu à peu, et notamment grâce à la thérapie que j’ai décidé de faire, histoire de ne pas retomber dans le cercle vicieux de la dépression post-partum avec mon deuxième enfant, je commence à réaliser toutes ces petites choses qui clochent… La puéricultrice qui se met en arrêt à répétition et qui finit par démissionner, les disputes récurrentes avec la femme de ménage qui nous oblige à faire le ménage nous-même chaque soir, les remarques acerbes de l’équipe lorsque l’on ne vient pas chercher notre enfant suffisamment tôt à leur goût (on ne parle pas de retard, seulement d’utiliser pleinement le volume horaire prévu). On sent peu à peu l’ambiance se modifier, et l’usure s’installe du côté des parents.

D’ailleurs, bizarrement, il n’y a jamais de grande motivation pour les places au bureau de l’association : ce sont toujours les mêmes familles qui assurent le gros de la charge de travail, et qui sont au premier plan pour gérer les demandes et les sollicitations de l’équipe. Ce manque de relais entre les parents commence à se faire sentir, et un fossé se creuse, l’ambiance devient moins saine.

L’explosion ou quand le confinement exacerbe les tensions

Au moment du confinement, tous ces petits problèmes de fonctionnement ont soudainement pris une ampleur exagérée : à l’angoisse liée à la situation sanitaire, s’est mêlée une agressivité décuplée par une communication uniquement par écrit. Les désaccords entre parents, attisés par le comportement hypocrite de l’équipe éducative, ont gonflé jusqu’à devenir intolérables : mails d’insulte, diffamation et autres joyeusetés sont tout à coup devenus monnaie courante. A ce moment-là, nous étions membres du bureau de l’association et donc bien malgré nous au premier plan pour subir tout cela, isolés à cause du confinement.

Il est difficile de rentrer dans le détail d’une situation que j’ai encore bien du mal à analyser moi-même, mais le désaccord principal vient du fait qu’une famille n’a pas accepté de se ranger au choix de la majorité, malgré le principe même du fonctionnement associatif de notre structure. Au moment du déconfinement, alors que nous discutions des mesures à mettre en œuvre pour envisager une réouverture de la crèche, celle-ci ayant été fermée mi-mars, cette famille, qui était fermement opposée à la réouverture, a tout fait pour angoisser les puéricultrices, disant que les autres parents étaient inconscients de vouloir mettre leur santé en danger en leur faisant garder leurs enfants, plutôt que d’accepter de continuer à télétravailler en gardant leurs enfants à la maison.

Les échanges par écrit, par visio ou par série de coups de téléphone ont créé un maelstrom de rancœur et de ressentiment de part et d’autre, et le fossé entre la majorité des parents et l’équipe des professionnelles s’est creusé tout au long des mois de mai et de juin.

Dans ce climat de nervosité et de stress où nous avons, bien malgré nous, été personnellement pris à partie, nous avons pris conscience que même si la réouverture de notre structure était possible, nous ne retrouverions plus jamais l’ambiance sereine de nos débuts.

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Crédit photo : Erich Westendarp

Le déconfinement ou le non-retour à la normale

Au bout de plusieurs semaines de discussions interminables le soir, de gestion technique des contraintes sanitaires à respecter pour faire réouvrir notre structure, tout cela en plus de notre travail en journée et de nos enfants à garder, nous avons fini écœurés, et résignés à l’idée que notre crèche ne réouvrirait pas avant les vacances d’été. Au-delà de l’aspect compliqué d’un point de vue organisation familiale (télétravailler avec trois enfants à la maison, je vous laisse imaginer le sketch !), nous avons surtout été tristes et déçus de voir combien la situation avait pu dégénérer aussi violemment et aussi vite.

Le bilan

Au final, la crèche a réouvert, le 1er septembre dernier, après plus de six mois de fermeture. Nous avions prévu d’y mettre PetitOurson, à la suite de ses deux grandes sœurs, mais après tout cela, nous ne nous sentons pas de mettre notre troisième enfant dans cette crèche. Nous sommes encore profondément blessés du comportement de tous ces parents qui ont été témoins de ces attaques personnelles et qui ont choisi de ne pas s’en mêler, de se taire et de lâchement laisser les autres subir les foudres de quelques personnes rendues hystériques par la situation sanitaire. Nous avons décidé de nous protéger et de changer de mode de garde pour notre troisième enfant.

J’ai encore du mal à comprendre comment la situation a pu dégénérer à ce point, en si peu de temps. J’ai du mal à accepter qu’un si petit nombre de personnes dont le comportement est inacceptable puisse faire basculer ainsi tout un pan de notre vie. L’injustice de notre situation me reste en travers de la gorge, même si j’essaie de me raisonner en me disant que cela reste seulement un mode de garde, alors qu’en cette période si terrible, bien d’autres ont vécu des situations autrement plus douloureuses.

Alors certes, notre crèche est ouverte, et d’autres parents en assurent le fonctionnement. Je leur souhaite le meilleur dans cette aventure associative, et j’espère de tout cœur qu’ils n’auront pas à gérer les conséquences d’un nouveau confinement. Mais je sais aussi que ce que nous avions apprécié dans ce mode de garde et cette confiance que nous avions mis dans ce fonctionnement associatif, ont été détruits par la panique et le stress engendrés par ce maudit virus.


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15 commentaires sur “Comment le coronavirus a détruit ma crèche

  1. Eh ben c’est dingue la tournure qu’à pris cette histoire. Le concept était pourtant très sympa mais c’est clair que s’il y a des éléments perturbateurs (je ne parle pas de la Covid19) émanant de l’équipe et de certains parents ça explose. C’est malheureusement dans ce genre de situation que l’on voit la véritable nature humaine de certains et je trouve ça môche car ils donnent une mauvaise image à leurs enfants qui malheureusement risques de réitérer à leur tour. J’espère que le nouveau mode de garde de ton petit troisième se passe bien et qu’il s’épanouit aussi bien que ses grandes soeurs.

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    1. Oui, c’est tout à fait le sentiment que ça nous a laissé : l’amertume de voir que la nature humaine est parfois vraiment moche et que, bien souvent, les gens ne se mettent pas à la place de l’autre et n’œuvrent que pour leur intérêt personnel. Dans un cadre associatif, c’est juste pas possible !
      Heureusement, le mode de garde pour notre troisième est bien plus serein : une nounou expérimentée, patiente et attentive ❤

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      1. Oui je me doute surtout lorsqu’il s’agit du cadre associatif. Dans un autre domaine j’avais déjà vu une association couler à cause d’une histoire d’ego et de relations amoureuses entre certains membres alors que leur concept était top et à l’époque j’avais trouvé ça très môche (pardon c’était l’interlude nostalgique !). Tant mieux si le mode nounou se passe bien pour ton petit troisième

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  2. Hum, si je peux me permettre, je ne pense pas que tout soit à mettre sur le dos de l’Ami Corona dans ton histoire. Un système associatif ne peut fonctionner que sur des bases solides, qui sont ses salariés puisque le Bureau est amené à changer régulièrement, il faut un dirigeant qui ne bouge pas. Or, si je comprends bien, ce n’est pas du tout le cas de votre crèche. Du coup, ce système est faillible à la base, il suffit d’un mouton noir pour que ça parte en cacahouète alors que, si dirigeant stable il y avait, le système pâtirait moins de ces changements et le pouvoir « destructeur » serait contre-balancé par un professionnel, garant du bon fonctionnement de la structure. Il ne faut pas oublier que diriger une crèche est un métier et que les parents ne sont… que des parents 😉
    C’est néanmoins dommage de repartir écœuré d’une telle expérience. J’espère que le mode de garde du petit dernier vous convient quand même.

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    1. Merci de ton retour, mais comme je ne suis pas rentrée dans le détail du fonctionnement, ce que tu dis dans ton commentaire ne s’applique pas au cas de notre structure : l’équipe des puéricultrices en place ne varie pas, et bien heureusement car comme tu le dit, c’est un métier de diriger une crèche ! La directrice est en place depuis plus de 10 ans et deux des quatre salariées y travaillent même depuis plus de 30 ans ! 😉
      Par contre, là où ton commentaire est tout à fait pertinent, c’est que l’équilibre entre la gestion administrative demandée aux parents et la gestion concrète et quotidienne portée par l’équipe de professionnelles a été, je pense, mal défini. Et je pense que cette crise systémique en est bien la preuve. Donc je te rejoins bien sur le fait que la crise sanitaire n’a été qu’un révélateur d’un mode de fonctionnement qui perdurait depuis plus de 30 ans sans être si robuste…

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  3. Ici pas de crèche associative (je n’aurais pas osé, la masse de travail me faisant peur et la diplomatie n’étant pas mon fort) mais je dois dire que le corona avait aussi jeté une sale ambiance dans notre crèche « classique » : entre les parents qui réclamait que la crèche reste ouverte pour leurs enfants (professions médicales) MAIS refusaient à corps et à cris qu’elle le soit pour ceux des autres (et ce quelle que soit leur situation personnelle/pro – même pour d’autres professions essentielles donc), ceux qui harcelaient et même menaçaient les pauvres puéricultrices et ceux qui abreuvaient le fil whatsapp de commentaires culpabilisateurs envers les parents une fois la crèche rouverte (en gros : tu amènes ton enfant tu es un mauvais parents irresponsable – quand tu dois toi même retourner au boulot ça te fais une belle jambe..). Bref un bon cataliseur de tension cette affaire.. Herueusement j’ai l’impression que cette nouvelle vague se passe avec un peu plus de sérénité..

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    1. Oh la la, je vois que vous non plus vous n’avez pas été épargnés par toutes ces tensions !! C’est terrible comme le ton peut monter vite, comme les nouveaux modes de communication peuvent être intrusifs…
      En tout cas oui, j’ai l’impression que cette nouvelle vague se passe (pour le moment) dans une ambiance plus sereine : je pense que le fait que nous soyons déjà tous passés par là aide beaucoup.
      Mais bon, nous ne sommes personnellement plus concernés puisque nous avons abonné le mode de garde collectif et nous avons opté pour une nounou (justement, en prévision d’une deuxième vague…)

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  4. Je suis déçue pour toi de voir la tournure qu’on pu prendre les choses en quelques années. Je me souviens de tes premiers articles à ce sujet où tu me faisais rêver sur ce mode de garde même si je savais que ce n’étais pas pour moi car nous n’avons pas beaucoup de temps à investir dans le fonctionnement d’une structure en plus de nos professions.
    La COVID est venue faire exploser un système qui commençait à dysfonctionner déjà quelques mois auparavant d’après ce que tu décris. Je comprends que vous n’ayez pas décidé de renouveler avec votre petit bout. Ce que je vous souhaite aujourd’hui, c’est de vivre une garde sereine et en pleine confiance, confinement ou pas 🙂

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    1. Oui, c’est certain que nous avons été naïfs au début ou tout du moins que nous avons choisi de nous concentrer sur les aspects positifs. Mais du coup, nous sommes tombés d’autant plus haut lorsque tout est parti en cacahuète…!
      Mais une chose est sûre, à voir comme cela se passe bien avec sa nounou pour notre PetitOurson, nous ne regrettons pas notre choix, encore moins avec ce nouveau confinement qui commence !

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  5. La vie associative n’est pas toujours facile et l’entente entre parents non plus, surtout quand le contexte est angoissant.
    Pour notre aînée nous avions aussi choisi une crèche associative, nous venions d’arriver dans notre commune, l’ambiance avait l’air sincère et très sympathique. Malheureusement il y avait beaucoup de façade, je m’en suis aperçue quand j’ai voulu intégrer le bureau et que j’ai été évincée.
    Ce que je retiens, c’est que l’équipe des professionnelle était au top, très à l’écoute et toujours de bons conseils pour la primipare angoissée que j’étais. Mais j’ai été déçue par l’atmosphère hypocrite de nombreux parents (pas tous heureusement ).
    J’ai tout de même voulu inscrire ma 2e, mais quelque soit le planning demandé il n’y a jamais eu de places disponibles.
    Je regrette toutes les éducatrices et auxiliaires de puériculture, mais je ne retenterai pas pour bébé 3 quand il sera l’heure pour lui d’être gardé. Je chercherai autre chose.
    J’espère que ton nouveau mode de garde vous convient mieux et que tu te sens plus sereine.

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    1. Oui, malheureusement, ce beau concept sur le papier peut très rapidement être dévoyé par quelques personnes qui se sentent légitimes alors que, bien souvent, elles ne voient pas plus loin que le bout de leur nez… Je vois que votre expérience en crèche associative a été encore plus malheureuse que la nôtre, et au-delà de l’empathie que j’éprouve pour vous, je pense que cela montre la limite de ce mode de fonctionnement dans des sociétés où on a clairement oublié les contraintes de l’associatif et où les contraintes personnelles et professionnelles prennent largement le dessus.
      Peut-être que la crise que l’on traverse nous permettra d’envisager une autre place pour le travail dans nos vies, mais en l’état actuel, je pense que ce genre de structure est voué à disparaître à moyen terme.
      Et sinon, d’un point de vue personnel, oui, la garde en nounou de notre petit troisième est un vrai bonheur : j’espère que vous trouverez une solution qui vous convienne également !

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  6. C’est tellement dommage qu’un aussi chouette concept parte en cacahuète comme ça. Et vous êtes loin d’être un exemple isolé. J’ai une amie proche dont la structure a fermé plusieurs semaines suite à de grosses dissensions entre une partie de l’équipe et les parents d’un côté et la directrice et le reste de l’équipe de l’autre. Cela a entraîné plusieurs arrêts maladies et après que certains parents aient pallié comme ils pouvaient, la structure a carrément fermé un temps faute d’avoir assez de personnel. Et j’ai également plusieurs parents qui m’ont évoqué des difficultés en consultation.
    Heureusement que vous avez trouvé une nouvelle solution et qu’elle se révèle bonne.

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    1. Oh ben je ne pensais pas que cette problématique avait été si courante ! En tout cas, en effet, comme pour nous les conséquences sont vraiment difficiles à gérer sur le moment, surtout dans cette période si pleine d’incertitudes.

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