Maman, je ne ferai jamais ton métier !

Maman, je ne ferai jamais ton mÉtier !

Ma maman est cheffe d’établissement et autant te dire que ça ne s’arrête pas là, l’éducation nationale coule dans mon sang : oncles, tantes, cousines et même arrière- grand-père (bon, lui, je ne l’ai pas connu) etc… depuis que je suis toute petite j’évolue dans ce milieu. Avant de rentrer en maternelle, je connaissais en grande partie le jargon, et les acronymes, qui ne veulent rien dire pour les non initiés, n’avaient aucun secret pour moi. Il paraît qu’à 18 mois, je mangeais les étiquettes qui servaient à faire les emplois du temps (et, oui c’est une technique comme une autre pour s’assurer que l’enfant ne sortira pas des rails). Ma maman me montrait aussi les emplois du temps des professeurs, des élèves et les constitutions de classes pour avoir un énième regard sur ce travail d’orfèvre. J’ai l’impression d’avoir toujours su comment fonctionnait un établissement scolaire et pourtant son métier ne me faisait pas du tout envie, je ne compte plus le nombre de fois où je lui ai dit « Maman, jamais je n’entrerai dans l’éducation nationale, jamais je ne ferai ton métier ». Mais, comme tu vas le voir, l’éducation nationale s’était trop profondément infiltrée dans mes veines et je n’ai pas pu échapper à la malédiction de ma lignée !

Crédit photo : Kvrkchowdari

Choisir sa voie

À une époque lointaine où feu les bacs L, S et ES existaient encore, j’ai dû, en fin de seconde, faire un choix. J’avais très envie de faire du droit parce que dans mon idéal, je voulais régler toutes les injustices de ce monde (oui, oui pas moins que ça et surtout à 15 ans quand tu penses que tous les adultes sont des êtres injustes dénués de compassion, bienveillance etc… tu peux le dire dans un langage plus fleuri si tu préfères mais je suis sûre que tu comprends l’idée). Sauf que, j’étais très timide et je me disais que devoir parler devant une assemblée pour défendre la veuve et l’orphelin ce serait compliqué. J’ai donc eu une idée absolument géniale : choisir L option lourde théâtre pour prendre confiance en moi. Je vais être tout à fait honnête avec toi : les cours de pratiques théâtrales ont été un calvaire : j’étais (et suis sûrement encore) une piètre comédienne et j’avais un trac terrible ! Par contre, j’ai adoré l’histoire du théâtre et tous les cours théoriques, si bien que je me suis imaginée travailler dans ce milieu. Après mon bac, j’ai continué dans cette voie : une classe préparatoire littéraire option théâtre (si tu as fait une prépa et que tu n’avais plus de vie, tape dans tes mains !!!) et un master en études théâtrales avec en parallèle une licence en histoire de l’art parce que j’avais un peu peur de m’ennuyer en fac. Durant mes études, j’ai fait des stages en relations publiques et communication dans des institutions culturelles et puis, j’ai travaillé au Canada (à l’époque où on obtenait encore assez facilement le PVT) et en France. Je me plaisais assez dans ce choix de voie professionnelle mais je ne vibrais pas. Je pensais très souvent à mes années d’animatrice en colonie de vacances et je regrettais un peu de ne pas m’être plus sérieusement penchée sur les métiers de l’éducation et de l’enseignement.

Et le déclic est arrivé

Et puis, un jour j’ai eu trente ans et j’ai eu mon premier enfant ! Mon rythme de vie était infernal et je ne me plaisais plus du tout auprès des comédiens à jouer parfois (souvent un peu trop) la nounou d’adultes qui sont censés être responsables. L’idée de devenir Conseillère Principale d’Education (CPE) me trottait dans la tête depuis quelques années et le retour au travail m’a confortée dans cette idée. J’ai eu une longue conversation avec mon mari afin de décider si nous pouvions nous en sortir financièrement si je démissionnais et prenais ensuite un emploi d’assistante d’éducation (pionne ou surveillante si tu préfères) à mi-temps en attendant de réussir le concours. La première année, j’ai essayé de réviser grâce au cours du CNED et je suis passée tout près du seuil d’admissibilité. Cela m’a donné confiance, je me suis dit qu’avec un véritable suivi, je pouvais réussir ! La deuxième année, j’ai intégré un Master 1 MEEF CPE qui permet de préparer le concours de manière assez intensive. Je me suis régalée et j’ai décroché le Graal.

Mon quotidien de CPE

Quand on me demande pourquoi j’ai quitté le milieu culturel pour l’éducation nationale, je réponds : « Je passais mon temps à jouer les nounous pour des ados attardés, je préfère m’occuper des problèmes des vrais ados ! ». Je travaille dans un grand lycée en campagne avec une majorité d’adolescents garçons. Mon quotidien est hyper rythmé et très varié. Si tu passes devant mon bureau, tu peux me voir discuter calmement avec un élève, au bord des larmes, qui vient me confier un lourd secret, puis quelques minutes plus tard, je vais passer un savon à un autre élève ou encore, je vais intervenir en classe pour sensibiliser un groupe sur des problématiques telles que le harcèlement scolaire ou le sexisme ordinaire. Bref, je cours partout, je passe par toutes les émotions et cela convient très bien à mon tempérament. Si tu as déjà eu à faire avec un CPE durant ta scolarité, tu gardes peut-être le souvenir de quelqu’un qui t’a sérieusement grondé mais il n’y a pas que cet aspect-là dans notre métier. La bienveillance (au sens non dévoyé du terme c’est-à-dire autorité, justice, écoute et empathie) est au cœur de mon travail : j’essaie de ne pas juger les familles, les élèves, les professeurs et de privilégier le dialogue.

Voilà je t’ai raconté beaucoup de choses. Mais pour conclure, je vais te dire que la boucle est bouclée, ma maman a commencé sa carrière comme CPE et de mon côté, je compte passer dans les prochaines années, le concours pour devenir cheffe d’établissement.


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8 commentaires sur “Maman, je ne ferai jamais ton métier !

  1. Ton article est très intéressant ! D’autant que depuis quelques temps je me pose de plus en plus souvent la question de me rapprocher de l’enseignement. Je n’ai par contre aucune attache familiale avec ce métier (les profs c’est tous des faignants, c’est plutôt ça que j’ai beaucoup entendu). Une de mes anciennes collègues, qui avait la même formation technique /scientifique que moi a tout largué du jour au lendemain et quand je la revois aujourd’hui elle est tellement épanouie alors que moi je chercher souvent quel est le sens de mon métier… je sais que je n’y resterai pas indéfiniment mais pas facile de s’orienter ensuite : la formation pour adultes est sûrement quelque chose qui me plairait mais j’ai peur de me retrouver souvent en face d’un public qui subit et de ne servir à rien d’autre qu’à leur permettre de cocher des cases dans leur parcours. Pendant le confinement je me suis aussi posée la question d’enseigner en maternelle ou en primaire … bref rien n’est clair !
    Mais en tous cas félicitations pour ta remise en question et ton parcours !

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    1. Je suis désolée de te répondre si tard. Je te remercie pour ton message. J’espère que tu y vois plus clair dans ta situation. J’ai trouvé que le plus difficile à faire c’est se décider à se reconvertir. Après, il y a toujours des doutes mais j’ai été lancée, je me suis sentie beaucoup mieux.

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  2. C’est intéressant car je suis aussi née dans ce milieu là, et pour ma part c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Je me voyais prof pendant très longtemps, mais le quotidien et les difficultés de plus en plus présentes pour les profs à tout niveau (et je te parle d’il y a 15 ans donc je n’imagine même pas à quoi ça ressemble maintenant) m’ont pas mal dégoutées. Mas j’admire vraiment le fait que de nombreuses personnes souhaitent se lancer dans l’enseignement ou la gestion d’établissement tout en connaissant les problèmes, surtout dans le contexte actuel !
    Je ne sais pas si tu as prévu un article dessus mais ça m’intéresserait de mieux comprendre les tâches d’un chef d’établissement 🙂

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  3. J’ai l’impression de lire mon parcours mais dans une dimension parallèle ! Etant moi-même dans l’éducation nationale et ayant aussi passée le concours tard ! Par contre tu es courageuse pour devenir cheffe d’établissement !
    Durant ma scolarité, j’ai toujours bien aimé mes CPE, et je crois que c’était réciproque, nombre de punitions et heures de colle ainsi évitées… au grand désespoir de certains profs ou AED !

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  4. Intéressants ces articles qui parlent de métier dont on ne connait pas l’envers ! En tout cas en tant qu’élève je garde surtout un sentiment de méfiance vis à vis des CPE, un peu comme on peut avoir aujourd’hui avec la police malheureusement, au lieu de se sentir rassurée… Comme Lola, plus de détails m’intéresseraient !

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    1. Merci pour ton commentaire et je suis désolée de répondre si tardivement. La formation des CPE a beaucoup changé et même si une part de mes missions relève de la discipline, heureusement je fais plein d’autres choses. Du coup, l’image « policière » s’efface petit à petit…

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