bribe de nuit
Un bruit mat déchire le silence nocturne. Le bruit de la lunette des toilettes qui se rabat brusquement. Immédiatement, je suis aux aguets. J’attends quelques secondes. Je n’entends plus rien. Je commence à me rendormir. Je n’ai même pas complètement quitté les bras de Morphée. La tiédeur de la couette m’enveloppe et m’appelle de manière convaincante. Je ferme les yeux et pars à la recherche de mon rêve interrompu, essayant vainement de le rattraper. Ces micro réveils ne me dérangent plus. Il y en a tant que mon corps y est parfaitement habitué. Déjà, l’engourdissement me reprend, mes pensées dérivent à nouveau. Un nouveau bruit, plus discret. Je crois l’avoir rêvé. Je l’entends à nouveau. Je me résigne à regarder mon réveil. Serait-il déjà l’aurore ?
4h15. L’heure est indécente. J’espère que ce bruit n’est qu’un mirage auditif. Mon lit ne m’a jamais paru aussi confortable qu’à cette heure-là. Je me retourne, essaye de retrouver le sommeil qui me fuit. Mon cerveau est à l’affut, mes oreilles traquent la moindre onde sonore. Naïvement, j’espère encore m’être trompée. Mais le bruit, léger, est bien réel. Il n’y a plus le choix. Il faut se déplacer. Délicatement, j’envoie un coup de coude à mon mari. « Tu vas voir ? » Ma question se heurte à l’obscurité. Le père dort encore. Le père dort toujours la nuit.
À contrecœur, je m’extirpe de mon cocon. Je cherche mes chaussons à tâtons, ne les trouve pas. Le bruit est si léger que je me dis que je me lève peut-être pour rien. Pieds nus, j’avance en silence. Je me rapproche, le volume augmente. Les portes des chambres des enfants sont fermées. Un peu de lumière s’échappe sous la porte de Gustave, bientôt 4 ans. J’entends quelques rires étouffés.
J’ouvre la porte précipitamment. La lampe de chevet diffuse sa lumière douce (« Maman, c’est la lampe de nuit ! »). Un jeu de société a été sorti. Le plateau, les figurines et – surtout – le dé en bois. Il roule sur le parquet et produit ce petit bruit. De part et d’autre du plateau, Alphonse et Gustave. Ils lèvent la tête, un sourire se dessine sur leurs lèvres. « On joue maman ! » La patience et la douceur ne sont pas disponibles à 4h du matin. Mes stocks sont limités aux heures ouvrables.

Je les somme de se remettre immédiatement dans leur lit respectif. C’est la nuit, et la nuit, on dort ! Alphonse, du haut de ses huit ans tout neufs, sait qu’il y des sujets de négociation et des sujets d’obéissance. Il obtempère. « On rejouera demain Gustave » chuchote-t-il en sortant de la pièce. Pour Gustave, tout est encore sujet de négociation. Il est contrarié et n’a pas la moindre intention de se recoucher. « Mais j’ai déjà dormi maman ! Maintenant je veux jouer ! » Il me présente sa moue boudeuse et déterminée. Dans ses yeux luit le défi. Je lui montre son réveil sur lequel le lapin dort encore. Il n’en a cure. Sa petite main agrippe toujours le dé. Son message est clair : il attend que je reparte pour continuer à jouer.
Lentement, je regarde le jeu, je regarde Gustave. Il n’a pas bougé depuis que je suis entrée, toujours assis sur le sol. Je murmure froidement « Si tu ne vas pas te coucher tout de suite, je prends le jeu et je le jette à la poubelle. Comme ça tu n’y joueras plus en pleine nuit. » Le doute traverse ses yeux : oserai-je ? Il lâche le dé, remonte dans son lit, éteint la lumière et commence à pleurer. Brusquement, il se rappelle que la nuit il a peur, qu’il a perdu son doudou, qu’il peut faire des cauchemars. Ah ! Il avait oublié, peut-être même qu’il a soif. J’ai toujours les pieds nus, je n’ai pas de peignoir : je commence à avoir froid. J’allume une petite lampe, lui donne son doudou, le câline. Vite. « Je t’aime maman ! me dit-il. Et toi ? Tu te m’aimes ? » Je souris et le rassure. Je retourne enfin me coucher.
Quelques secondes plus tard, alors que mon esprit s’enfonce déjà dans les limbes de la nuit, j’entends un appel. Gustave a décidé que, finalement, il veut son doudou. Celui-là même qu’il a jeté à terre. Cette fois, je n’ai aucun scrupule. C’est au tour de mon mari de se lever. Enfin, la maisonnée retrouve le silence.
7h, mon réveil sonne. Les enfants dorment encore. Je prends calmement mon petit-déjeuner. Avec mon mari, nous discutons de la journée qui s’annonce, de la nuit mouvementée, d’un peu de tout et beaucoup de rien. Soudain, j’entends un petit bruit tout léger. Le roulement du dé sur le parquet. Quand j’arrive dans la chambre de Gustave, je retrouve mes deux garçons, tels que je les ai découverts cette nuit. Gustave lève son petit visage vers moi : « Il ne faut pas jeter le jeu à la poubelle, sinon ça va l’abîmer ! »
Et toi ? Tu as aussi des oiseaux nocturnes qui trouvent les journées trop courtes ?
Ça ne m’ est jamais arrivé cette situation. Mais je trouve que racontée par quelqu’un d’autre avec autant de douceur, c’est un joli moment. Si ça m’arrive par contre, je n’aurais certainement pas le même point de vue ! 😁
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Le lendemain, ça m’a plus fait rire qu’autre chose 🙂 Mais heureusement, ça n’arrive pas souvent !
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Oh là là non ! Ne me dis pas que ça recommence plus tard ! J’ai des mauvais souvenirs de bb dans le parc en pleine nuit et de maman ou papa qui n’en peut plus à côté mais ça lui est passé….
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Il ne faut jamais dire jamais 😉 Mais, promis, en grandissant, les réveils nocturnes se font plus rares ! Là, c’était vraiment exceptionnel !
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Bon, mes enfants ne se réveillent pas la nuit en ce moment et je rejoins le commentaire de Virg… Par contre, la situation côté parents me parle tellement ! Le papa qui dort, le niveau de patience la nuit, la technique de négociation à base de poubelle… C’est tout moi ça 😂
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Je pense que beaucoup se reconnaissent là-dedans !!! (et oui, pourquoi changer un argument qui fait mouche ?! Bon, il ne faut le garder que pour les cas extrêmes, sinon il perd de sa valeur. Il n’en reste pas moins qu’il est très utile !)
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Je me rappelle de cette situation surréaliste en tant qu’enfant :-), notamment la logique du « on a déjà dormis, donc maintenant on peut jouer !? », Évidemment on se faisait sacrement gronder mais j’en garde un super souvenir ahah !
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Ah ! Peut-être que mes enfants s’en souviendront aussi, qui sait ?! 🙂
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La grande a toujours été compliquée pour le sommeil mais maintenant quand elle dort, elle dort ! C’est hyper rare qu’elle nous appelle !
Par contre la petite a pris le relais et comment dire les réveils a 3h du mat où elle est bien réveillée et trouve très drôles de faire ses vocalises verbales, on trouve ça souvent adorable mais pas à cette heure là 🙂
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Les vocalises à cet âge, je crois que c’est un grand classique 😀
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C’est tellement attendrissant (même si je sais très bien dans quel état on est à 4h du matin, on ne trouve rien de tout ça attendrissant !!) C’est sûr que cette anecdote deviendra une légende dans votre famille !!!
Bon nous aussi les réveils nocturnes sont très rares, mais la grande, les jours d’école, elle a tendance à se réveiller tôt, elle a peur de louper l’heure de se lever… Elle est venue nous voir à 5h45 ce matin, du coup, elle a bouquiné dans le salon jusqu’à ce que tout le monde se lève à 7h ! 😀
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5h45 !!! Mais elle doit être épuisée le soir ?! Heureusement qu’elle attend sagement que tout le monde se lève. Il y a pas mal d’avantages à sortir de la petite enfance 😉
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Team poubelle ici aussi! Je n ai pas encore eu à le mettre en action! Oserais-je aller au bout?
Ma fille aînée, 6 ans, dort peu et je l entend parfois dans sa chambre vers 5h mais elle lit ou écoute sa lunii. Du coup, je ne me lève plus pour aller voir car bien souvent à 7h je la trouve rendormie.
Bon courage, pas facile la fatigue
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Trop mignon ta fille qui écoute sagement sa lunii et se rendort ensuite !
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Pas de problème de réveil de ce genre, ici c’est terreurs nocturnes, pas très drôles 😔
Sinon dans d’autres situations, j’utilise souvent l’argument poubelle ! Une fois j’ai fait semblant de jeter un jouet, ma fille a été fouillée dans la poubelle!!! Bouhhh la mauvaise mère
Maintenant dès que je parle de poubelle c’est « non non pas poubeeeeelllllleee »
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Ah les terreurs nocturnes… j’ai connu aussi. Dis toi que c’est signe qu’elle grandit. ça finira bien par passer, et en attendant, plein de courage
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Ahah ! Merci pour cet article, raconté de manière si mignonne ! Par contre, comme toi, j’ai zéro patience la nuit, et les grandes le savent bien. Par contre, leur petit frère n’a a rien à secouer et lui, il n’hésite pas à user et abuser des câlins et des biberons nocturnes, en plus de réveils à l’aube…. Bref, on est au bout du roul’
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Comme tous les parents de 3 enfants rapprochés avec le petit dernier d’à peine 1 an 🙂 Promis, ça passe ❤
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C’est une très belle histoire mais en effet à 4h ma patience aussi s’approche du zéro absolu ! XD
Pour le moment on essaie d’apprendre à la grande (3 ans) qu’on est pas obligé d’appeler à chaque réveil, ça a du mal à rentrer et moi ça m’énerve de devoir me réveiller pour aller lui donner son doudou qu’elle peut attraper en tendant le bras… #mamanmarmotte
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Ah oui, 3 ans c’est encore petit. Ici Gustave jette délibérément son doudou par terre et nous appelle pour qu’on vienne le ramasser. J’avoue trouver ça usant !
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Comme c’est rare c’est mignon 😁sinon je suis comme d’autres… « Ah non, ça recommence pas plus grand, noon pitié !!! » 😱
Perso la poubelle ne marche pas, c’est sorti une fois , il m a regardé et dit que je vais gâcher de l’argent si je fais ça. Et je suis fort d’accord avec lui 😁😁 Donc l’argument c’est « je vais mettre dans un carton et le laisser à l’arrêt du bus pour qu’un autre enfant prenne si ça l’intéresse ! » Je suis pas sûre qu’il y croit vraiment (même si c’est toujours plus plausible que de me voir jeter un jouet en bon état 😅) mais dans le doute il range son bazar (en général le rangement c’est le sujet du litige)
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Exactement, c’est rare donc ça fait sourire ! Et oui, ton enfant a trouvé l’argument imparable on dirait 🙂
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