Mon asthme et moi
La première fois ? Je n’en suis même pas sûre. Peut-être que c’était déjà ça, mes incapacités à bien respirer dans ma chambre dès avril, quand j’étais obligée d’ouvrir mon velux toute la nuit pour avoir un semblant d’air ? Je ne sais pas, mais je me suis toujours posée la question. Pourtant, à peine 3 mois plus tard, le couperet était tombé, je faisais une crise d’asthme.
La première crise
C’était un week-end de fête nationale il y a bientôt 8 ans. Je dormais chez ma mère car j’avais travaillé près de chez elle toute la semaine. La nuit du vendredi au samedi, je me suis réveillée, haletante. J’avais l’impression que quelque chose m’empêchait de respirer (était-ce le chat qui s’était couché sur ma gorge ? Non). J’avais l’impression que ma gorge s’était contractée, que mes poumons n’arrivaient pas à trouver l’air pour respirer. J’ai pensé faire une crise d’angoisse, je me suis assise. J’ai attendu, en respirant calmement. Peut-être que j’avais le nez bouché et que le fait d’être assise allait m’aider à dormir, comme quand j’étais petite ? Après tout, ça me faisait tousser aussi. Mais ça ne passait pas.
Je respirais difficilement, mes poumons n’arrivaient pas à obtenir assez d’air pour fonctionner normalement. Je le sentais. J’ai ouvert la fenêtre, me suis assise devant. L’air frais me faisait du bien, calmait les rougeurs de mon visage qui s’étouffait à chaque souffle mais n’améliorait pas ma respiration.
J’ai fini par aller dans la salle de bain me passer de l’eau sur le visage. Je suis sortie dehors, je me suis déshabillée. Ça devait me vivifier. Mais ça ne calmait pas ma respiration, sifflante, haletante, difficile. Mon cœur s’emballait, me faisait mal tellement il battait rapidement, se cognant si fort dans la cage thoracique. Et surtout, ça ne calmait pas mes angoisses qui montaient et s’amplifiaient.
J’avais peur. Pourquoi je ne respirais pas normalement, comme ça, d’un coup ? J’ai envoyé un SMS à l’amoureux lui disant que je ne comprenais ce qu’il m’arrivait, que ma tête tournait, que mes poumons avaient un problème, que mon cœur s’emballait et que j’avais peur.
J’ai fini par réveiller ma mère, peu avant l’aube. La petite fille en moi avait besoin d’être rassurée. Elle saurait m’aider. J’avais du mal à parler, à m’exprimer. L’air me manquait. L’effort me semblait surhumain. Elle m’a dit de me calmer, que ça empirait. Que c’était psychologique. Arrête, calme-toi enfin. On a essayé des inhalations de plantes ou de respirer dans un sac. Ça empirait. Je manquais d’étouffer, de tourner de l’œil. Je tremblais sans avoir froid. Vite, qu’on me sorte de là, que mes poumons refonctionnent.

À l’aube, j’ai pensé à l’asthme. Mon cousin en a toujours fait. Ma mère ne croyait pas trop à cette hypothèse vu ses crises à lui mais je lui ai envoyé un message, savoir ce que c’était, comment il réagissait.
On était samedi, mon médecin traitant vivait à 100 km de là où j’étais. On était samedi. Je n’avais pas de mutuelle, je n’avais pas d’argent. On était samedi. J’avais peur, peur que mon cœur lâche tant il bondissait dans ma poitrine, se cognait, accélérait. On était samedi et je n’avais pas les moyens d’aller aux urgences.
Ce jour-là, je l’ai passé la boule au ventre, sans pouvoir respirer, sans savoir respirer. L’amoureux m’a rejoint. Toute la journée, j’ai essayé de respirer. Toute la journée, j’ai sifflé. J’ai dormi chez ma grand-mère (peut-être que je faisais une allergie surprise chez ma mère?). Ça n’est pas passé. Je continuais d’être oppressée, d’avoir ce poids sur la gorge et la poitrine constant. Comme si quelqu’un m’étranglait.
La toux, persistante, m’ôtait tout l’air qu’il me restait. Mes mains s’engourdissaient parfois. Je n’ai pas ou peu dormi. Les crises s’accentuaient la nuit. Je m’étouffais.
Le surlendemain, j’ai monté la tente dans le jardin. L’air libre me ferait peut-être plus de bien. Et il ne faisait pas si froid, on était mi-juillet après tout. J’avais peur. Ça faisait 4 jours.
Le lundi est arrivé, et j’ai réussi à avoir un rendez-vous chez un médecin local dans l’après-midi.
Ça n’allait toujours pas. 4 jours que je ne respirais plus. 4 jours que je ne respirais plus normalement.
Le couperet est tombé. De l’asthme. Provoqué, peut-être, par la coupe des foins alentours ? Quelques minutes plus tard, j’ai reçu ma première bouffée de ventoline. Ce ne sera pas ma dernière. Quelques minutes plus tard, mon souffle s’est fluidifié. Quelques minutes plus tard, j’ai pu inspirer de grandes bouffées d’air. Enfin, mes poumons se remplissaient.
Le médecin a été clair, j’aurais dû aller aux urgences. Clairement, mon cœur était fatigué, mes poumons aussi. C’était une crise grave. J’avais eu de la chance.
J’avais peur. Mais j’étais rassurée. Ambivalence.
Tout l’été, j’ai suivi à la lettre les consignes du médecin. Cortisone, antihistaminiques, ventoline, traitement de fond. Je n’ai plus refait de crise. Ça devait donc être ponctuel. Tant mieux. Je n’avais pas franchement envie d’être asthmatique, moi !

Et depuis ?
Ça, c’était il y a 8 ans. Tu te doutes, si je t’en parle aujourd’hui, que ça a évolué.
Au départ, je n’ai pas refait de crise pendant plusieurs mois. Puis, ça m’a repris. J’avais ma ventoline, donc je calmais ça très rapidement, et tout allait bien. Petit à petit, je ne suis plus sortie sans ma ventoline. J’avais besoin de ça car une crise pouvait survenir à tout moment. Mon nouveau médecin traitant me prescrivait ma ventoline sans me poser plus de questions, à priori je gérais.
J’ai fait quelques grosses crises qui m’ont ramené chez le médecin, mais jamais aussi effrayante que la première. Parce que je gérais et que rapidement, je dilatais mes bronches pour respirer plus facilement.
Après la naissance de Cookie, je me suis rendue compte que j’étais tout le temps essoufflée. Porter mon fils, marcher, monter un escalier me déclenchait une crise. Je prenais des bouffées de ventoline tous les jours, plusieurs fois par jour. Quasiment toutes les nuits, je devais utiliser mon arme pas si secrète. C’était désormais ma routine.
La sécurité sociale organise des journées bilan de santé gratuite et m’a invitée à l’une d’elle, un jour, fin juillet. Comme d’habitude, la nuit, j’ai dû utiliser mon inhalateur. Mais ne voulant pas fausser les résultats, je n’en ai pas repris au réveil, ni sur place. Quand vint le moment du bilan pneumologique, le médecin m’a demandé si je me fichais de lui, qu’il fallait que je souffle le plus fort possible. Je le faisais pourtant. De toutes mes forces.
J’avais 20% de capacité respiratoire. J’ai expliqué que je n’avais pas repris de ventoline depuis quelques heures, que c’était peut-être dû à ça. Il m’a demandé d’en prendre deux bouffées, là, tout de suite, immédiatement. Quelques minutes plus tard, j’étais remontée à 33%. En me posant des questions sur mon asthme, il s’est aperçu que jamais, je n’avais vu de spécialistes pour le gérer, que je faisais seule depuis des années. Ça ne suffisait plus, j’étais épuisée. Il fallait impérativement que ma capacité respiratoire remonte. Rapidement. Non, ce n’était pas normal, à 26 ans d’avoir 20 ou 30% de capacité respiratoire.
Suite à ce rendez-vous, j’étais sonnée. 20%, c’était peu. Je ne suis pas matheuse, mais ce chiffre me faisait un peu peur. Mais ça expliquait pourquoi je n’arrivais plus à rien faire sans m’essouffler. Mon médecin traitant m’a orientée vers un pneumologue allergologue, qui m’a décelé plusieurs allergies (acariens, moisissures, pollens, etc) déclenchant mon asthme et surtout, qui m’a donné un traitement de fond, un traitement en cas de crise, un traitement en cas d’allergie, un traitement de… Bref, je suis ressortie de ce rendez-vous rassurée, la tête remplie d’informations et un sac plein de médicaments différents. Ça allait m’aider, c’est sûr.
Ça fait 3 ans que je suis suivie par ce spécialiste. Je vais le voir 2 fois par an. Ça m’aide. Ma capacité respiratoire stagne entre 75 et 82% hors crise (mon maximum ❤ ). Ça reste « peu », mais je revis. Oh, si tu savais comme je revis.
Mes traitements ont un peu évolué, et cette fois, je gère mieux, je comprends ce qu’il m’arrive. Ma ventoline me sert un peu moins souvent. Et surtout, quand je m’en sers, je sais pourquoi : quand je fais le ménage (merci les poussières), quand il y a de la moisissures ou de l’humidité dans la pièce, quand les pollens se font plus forts, quand je suis au contact de certains animaux…
Je dois réapprendre à respirer. En 8 ans, j’ai perdu ce réflexe archaïque. J’ai tendance à sur-ventiler pour pallier au manque de souffle, d’oxygène. Le yoga m’a aidé (mais avec les confinements, je perds tout…). Je dois faire attention aux sports que je pratique, ne pas trop forcer sur le cardio par exemple.
Le moindre rhume me met KO. Et le port du masque a tendance à amplifier la fréquence des crises depuis un an.
Je ne pars quasiment jamais sans traitement. Il me faut ventoline, corticoidiques et traitement de fond en permanence à portée de main car je ne sais jamais quand une crise aura lieu. Ils sont devenus mes meilleurs alliés. Je les aime. Ils me le rendent bien.
Je respire. Je peux jouer avec mon fils. Je peux même courir et porter mes courses. C’est mon essentiel.

Si j’ai écrit ce petit texte, ce n’est pas pour une ode à ma ventoline (quoique….), c’est surtout parce que beaucoup de personnes vivent avec cette pathologie. Elle est courante mais invisible. Il faut toujours, toujours, toujours consulter. Vérifier. Au moindre doute.
L’asthme n’est pas une maladie bénigne. Elle est dangereuse, destructrice. Épuisante. Il ne faut pas hésiter à consulter en urgence au moindre problème. L’asthme peut survenir à tout âge. L’asthme n’est pas à prendre à la légère. L’asthme n’est pas psychologique. On ne fait pas semblant pour avoir une excuse.
Schtroumpfette est asthmatique depuis toute petite. Elle a déjà fait plusieurs crises l’ayant menée aux urgences. Je ne sais pas comment on gèrerait si on n’avait pas accès aux soins : ses crises sont tellement violentes ! Cela a dû être très dur pour toi.
Quand elle a eu 11 ans, Schtroumpfette a été à l’école de l’asthme près de chez nous. Ce sont des rdv permettant d’expliquer le mieux possible à l’enfant ce qu’est l’asthme, voir comment il réagit à la maladie, lui donner des conseils pratiques… C’est pris en charge par l’assurance maladie. Et même si Schtroumpfette vit avec depuis ses 3 ans, elle a appris beaucoup de choses sur comment gérer sa maladie et cela lui a été très bénéfique. Elle a pu échanger avec d’autres enfants asthmatiques et voir que les crises ne se déclenchent pas avec les mêmes facteurs pour tout le monde. Par exemple, elle a pu identifier l’odeur de cigarette dans son cas. Peut-être existe-t-il ce genre de structures pour les adultes ?
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Freesia pour ce témoignage édifiant. Oui, l’asthme est une maladie très sérieuse. Une grave crise peut entraîner la mort. Ce qui est fou c’est que ton médecin traitant ne t’ait pas orienté de lui-même vers un spécialiste plus tôt ! Prendre de la Ventoline plusieurs fois par jour, ce n’est pas un asthme « géré » ! (Je me souviens que mon précédent médecin traitant me faisait souffler à chaque visite, quelle qu’en soit la raison, pour vérifier ma capacité pulmonaire ; et il n’aimait jamais ce qu’il voyait alors que je ne me sentais même pas gênée. Depuis, je suis sous traitement de désensibilisation mais aussi de corticoïdes inhalés en traitement de fond parce que ma capacité respiratoire n’est pas folichonne. Mais plus de vraie crise depuis plus de 15 ans).
J’aimeJ’aime
Je n’ai jamais eu d’asthme mais je côtoie plusieurs personnes qui se disent asthmatiques depuis longtemps et qui prennent une bouffée de ventoline tous les matins. Elles n’ont jamais eu de crises d’asthme donc je suis dubitative (c’est soit supra efficace soit super inutile). Mais bon je ne suis pas médecin. (Je ne savais d’ailleurs pas qu’il pouvait y avoir un traitement de fond!)
Cependant ayant eu plusieurs visites aux urgences pour des calculs rénaux soudains et très douloureux je compatis à la peur ressentie à la première crise.
Je trouve ca fou qu’il y ait des gens qui ne puissent pas se permettre d’aller aux urgences de nos jours. Et on pense être un pays développé !? (Par contre, je suis surprise car chez moi, une consultation aux urgences, même de nuit, est moins douteuse qu’une visite chez le généraliste.)
J’aimeJ’aime
4 jours en crise ! J’ai déjà fait 2 jours et j’ai fini aux urgences complètement épuisée !
L’athme peut paraître totalement bénin vu de l’extérieur mais c’est parce que c’est aujourd’hui une maladie qu’on sait globalement bien traiter et plutôt efficacement. Mais les premiers signes quand on ne les connait pas sont difficiles à déceler : passer la nuit à tousser et que ça se calme lorsqu’on dort assis peut en être un par exemple. Tu faisais probablement de l’asthme depuis bien plus longtemps. Il m’est arrivé la même chose et ma maman pourtant asthmatique n’avait pas fait le rapprochement.
Pour répondre à Laure, un asthme bien contrôlé permet de ne plus avoir de crises du tout pendant des années. Mais il se contrôle notemment avec un traitement par inhalateur que l’on prend tous les jours (matin et/ou soir). Et il n’est pas besoin de faire des crises spectaculaires pour être « validé » en tant qu’asthmatique. Avoir la sensation de pesanteur sur la poitrine, d’être opressée n’est pas normal mais ça ne se voit pas beaucoup pour l’extérieur !
Bon courage en tout cas, le parcours d’un asthmatique est rarement linéaire et on le reste pour la vie mais il parait que la viellesse apporte du mieux quand même (une histoire de système immunitaire moins réactif à priori).
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup pour votre témoignage.
Je n’ose pas imaginer votre état et votre angoisse pendant ces 4 jours…
Mon grand-père était un asthmatique chronique, détecté jeune enfant, condamné par les médecins à vivre 10 ans, il aura vu 44 années de plus, jusqu’à ce que sa maladie nous le prenne ; ton témoignage me touche d’autant plus… Merci vraiment
Et surtout courage à toi pour continuer de vivre sereinement ta vie 🥰
J’aimeJ’aime
Ah mais merci ! Grace à toi j’ai un début de réponse sur ce qui m’est arrivé il y a 2 jours… Je suis sous anti-histaminique d’avril à juin et dernièrement je l’oublie un jour sur deux, vu la météo de mars qu’on a ça passe pas trop mal. Mais il y a deux jours, je suis allée courir et au bout de 5 minutes je n’en pouvais plus, j’étais complètement essoufflée. J’avais comme tu dis l’impression que mon coeur tapait très fort et pourtant le moniteur cardiaque sur ma montre ne disait rien. J’avais fini par croire à une crise d’angoisse du coup j’ai préféré rentrer. Maintenant grâce à toi, je sais que je dois filer chez le médecin si ça devait se reproduire !
J’aimeJ’aime