Dépression post-partum (partie 1)
Bribes de Témoignage. Pretty Mary K a fait une dépression post-partum il y a presque cinq ans, à la naissance de sa première fille. Elle a écrit ce texte il y a deux ans, alors qu’elle était enceinte de sa deuxième fille. C’était une nécessité profonde. Elle souhaitait vivement écrire un texte qui soit publié, écrire pour les autres, car, il y a cinq ans, même si la parole commençait à se libérer sur le sujet, rares étaient les mamans qui racontaient ce que c’était, qui racontaient la dépression de l’intérieur. Merci à elle pour ce témoignage !
Une douleur insidieuse
DPP…
J’ai mis plus de deux mois à mettre un nom dessus, à identifier ma souffrance. Mais, en réalité, les symptômes s’étaient manifestés beaucoup plus tôt. Dès mon retour à la maison en fait, voire, peut-être, dès la salle d’accouchement, alors que, quelques minutes seulement après la délivrance, je faisais un malaise qui faisait retentir toutes sortes d’alarmes et se réunir autour de moi quatre ou cinq professionnels.
Je savais que cela existait, je savais que c’était possible, mais je n’envisageais pas le moins du monde que cela pourrait me concerner.
J’étais heureuse. J’avais un emploi stable, une famille aimante. Je venais d’emménager avec mon compagnon dans un appartement confortable. Ma grossesse s’était très bien passée et nous venions d’avoir une superbe petite fille, dont la naissance ouvrait un nouveau chapitre dans notre existence après quinze ans de relation. Pourquoi diable aurais-je fait une dépression post-partum ? Cela ne serait pas pour moi. Cela ne pouvait toucher que les autres.
Et pourtant ! Quand les crises d’angoisse se sont rajoutées aux insomnies, que les vomissements sont venus redoubler les diarrhées qui me sortaient du lit tous les matins, quand il m’a été impossible de manger, que mes mâchoires sont devenues douloureuses à force de me réveiller les dents serrées, et que les journées passées seule avec mon bébé sont devenues insurmontables, il a bien fallu me rendre à l’évidence et arrêter de chercher des excuses.
Non, ce n’était pas l’anémie, ce n’était pas la pilule, ce n’était pas le stress de la reprise du travail et surtout, ce n’était pas un simple baby-blues ! J’étais bel et bien en train de faire une dépression post-partum.

Une maladie qui puise dans les tripes
Ce que j’ai appris depuis, c’est qu’un accouchement est, pour une femme, l’occasion d’une reconfiguration des âges de la vie. Lors de la naissance de son enfant, on ne devient pas seulement mère, mais on dit aussi adieu à la petite fille qu’on a été. Voilà pourquoi, à cette occasion, peuvent resurgir, de manière plus ou moins inconsciente, nombre de vieux dossiers de son passé, à commencer par des questions relatives à sa relation avec ses parents. Et ce, de manière d’autant plus forte que l’on les a soigneusement enfouis auparavant.
Pour moi, il s’agissait surtout de tirer le bilan de mon éducation et de trouver le courage de m’en défaire, de me désolidariser de ces principes qui ne me convenaient plus mais qui m’avaient toujours été présentés comme la seule et unique manière d’être parent. D’ailleurs, le jour où, à notre premier ou deuxième rendez-vous, ma psychologue m’a dit : « Ce n’est pas la maman en vous qui est malade, c’est la petite fille. » Cela a été une libération ! Cela a permis de lever toute la culpabilité que j’avais par rapport à ma fille – puisque, depuis plus de deux mois, j’étais loin d’être la mère que je m’étais imaginée être – et de me concentrer sur moi, sur ma propre histoire et mes propres bagages.
Cela n’a pas été la fin de ma dépression, et d’autres moments extrêmement difficiles ont suivi, mais cela m’a quand même ouvert la voie vers la guérison.
Cela m’a également permis de comprendre pourquoi les moments où j’étais en compagnie d’un autre adulte étaient beaucoup plus faciles à vivre pour moi. Au point que lors des visites de ma famille ou des congés de mon compagnon, j’avais été amenée à croire que mes problèmes étaient derrière moi. Puisque c’était la petite fille en moi qui appelait à l’aide, elle se taisait chaque fois qu’un autre adulte, par sa présence, lui apportait la réassurance dont elle avait besoin. Ces périodes ont été de vraies respirations dans ma souffrance et m’ont permis de tenir avant le diagnostic. Mais peut-être que cela a aussi contribué à retarder ma prise de conscience. Et puis, lorsque ces invités partaient, ou que mon mari a repris son travail, la descente était vertigineuse. Je me souviens encore du bruit qu’a fait la porte lorsque le père de mon enfant est reparti travailler, me laissant pour la première fois seule avec mon bébé, et du sentiment d’abandon qui m’a alors envahie.
Une maladie déroutante
En outre, la dépression est une maladie sournoise, car c’est parfois le corps qui parle en premier. Pour moi, les symptômes ont d’abord été purement physiques (d’où les fausses pistes sur lesquelles je me suis engagée pour les expliquer) : malaises, crise de tétanie, fatigue extrême, diarrhées, nausées, vomissements, tensions musculaires diverses. Mais rapidement, d’autres signes, psychologiques cette fois, se sont ajoutés : ruminations, insomnies, sensation de peur diffuse, crises d’angoisse, vision pessimiste de l’avenir et idées noires. Les larmes ont été très rares, quasiment absentes. Il me semble même que j’étais au-delà des larmes et que, quand elles arrivaient, je les vivais comme une libération.
Je me suis retrouvée dans des états extrêmement paradoxaux et abominables à vivre. Ainsi, le lendemain de mon retour à la maison, alors que mon beau-frère était venu rendre visite à sa toute nouvelle nièce, j’étais clouée au lit, incapable d’en sortir et même d’allaiter mon enfant, terrassée par la fatigue. Et pourtant, alors que je n’avais qu’une envie – dormir ! Le sommeil était absolument inatteignable ! Mon esprit tournait à cent à l’heure et les pensées, toutes plus négatives les unes que les autres, se succédaient, à commencer par la culpabilité de n’être pas en train de m’occuper de ma fille et le regret de ne pas être au milieu des autres, à me réjouir avec eux de cette naissance.
Mais le pire, ce fut les insomnies. Elles m’angoissaient en avance, me faisant redouter le moment où il allait falloir que je me couche, car je savais que le sommeil mettrait des heures à arriver, que ces heures seraient peuplées de peurs et de réflexions toutes plus sombres les unes que les autres et que, lorsqu’enfin, un sommeil libérateur surviendrait, il risquait fort d’être écourté voire empêché par les tétées nocturnes de ma fille. J’ai passé de longues heures à l’écouter dormir, et d’autres, plus longues encore, à souhaiter qu’elle se rendorme quand j’étais épuisée. Parfois, c’était trop, il fallait que je sorte du lit, où je ne supportais plus d’entendre les souffles calmes de ma fille et de mon mari, et que je m’agite, que je fasse quelque chose, n’importe quoi, pour essayer de me sortir de cette angoisse qui me collait à la peau. La nuit où je me suis retrouvée, à quatre heures du matin, à faire des roulades sur mon canapé parce que je n’avais pas trouvé d’autre moyen pour tenter de me reconnecter à la réalité, j’ai compris pourquoi certaines s’en vont, loin, très loin, en abandonnant derrière elles mari et enfants – tous ceux qui sont devenus trop lourds à porter –, et j’ai cessé de les juger.
La seconde partie du récit de Pretty Mary K sera publiée très prochainement !
Tu as l’air d’avoir vécu des moments très durs… Je suis heureuse de lire que tu es sur la voie de la guérison, et je t’envoie plein de câlins pour t’aider à surmonter cela !!
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Merci pour ton commentaire. Oui, cela a vraiment été une période horrible. Mais heureusement, cela est désormais loin derrière moi. J’ai eu de la chance. J’ai été bien entourée.
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Merci de ton témoignage qui pourra être utile à beaucoup de monde !
Sans avoir eu de dépression, je n’ai pas supporté de dormir dans la même pièce que mon bébé (trop bruyant ! et puis ca me gardait en état d’hyper vigilance constante) alors je n’imagine même pas dans ton état.
J’espère que tu as pu avoir l’aide qu’il te fallait et que tu as pu t’en sortir ! Courage !
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Merci pour ton commentaire. Oui, j’ai eu de l’aide. Heureusement. Cela est déjà suffisamment difficile à vivre en étant bien entourée. Je n’imagine pas ce que traversent celles qui sont seules dans cette période ou qui n’osent pas demander d’aide.
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Merci beaucoup pour ce texte. Je lirai avec attention la suite.
Je pense aussi qu une maman ne devrait pas être seule les premières semaines à la maison, depression du port partum ou pas. Le congé parentale à 1 mois est une bonne chose, mais il faudrait aussi des visites de professionnels.
Il faudrait aussi que les groupes de préparation à l accouchement puissent se poursuivre au delà de la naissance. Ca serait chouette et soutenant de se retrouver avec les autres mamans et les bébés pour debriefer des nuits sans sommeils, des RGO, des crises de larmes, etc…. et les sages femmes pourraient plus facilement repérer les mamans ayant besoin d une aide plus soutenue !
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Merci pour ton commentaire. Tu as tout à fait raison. Le suivi post-accouchement en France est totalement inconséquent par rapport aux besoins des nouveaux parents (car la DPP peut aussi toucher les hommes, même si c’est plus rare). C’est ma sage-femme, justement (que je ne remercierai jamais assez), qui a identifié ma DPP et c’est elle qui m’a dirigée vers les bons professionnels (notamment une psychologue spécialisée en périnatalité). Elle organisait aussi des groupes de paroles pour jeunes parents et m’y a invitée souvent. Mais honnêtement, j’étais tellement mal et c’était tellement difficile de sortir de chez moi (en respectant un horaire en plus) que je n’ai jamais sauté le pas…
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