La peur du décollage
Nous sommes des êtres pleins de paradoxes. Je l’affirme et je suis certaine qu’en cherchant un peu, on trouvera un philosophe ayant déjà disserté bien plus élégamment que moi sur la question.
L’un de mes paradoxes, c’est que j’aime voyager, mais mon corps est envahi par la peur rien qu’à l’idée de prendre l’avion.
Tu me diras qu’il n’y a pas besoin de prendre l’avion pour voyager. Je suis tout à fait d’accord avec toi, je voyage déjà très bien dans ma tête (oui, je t’assure que je suis saine d’esprit ! Quoique…)
Et puis, avoir peur de l’avion, à cette époque de « plane bashing », c’est une aubaine finalement.

Bien sûr, la plupart de mes voyages se font en train (les allers-retours en TGV pour aller chez ma mère), en voiture (les voyages pour aller chez les beaux-parents ou rendre visite à nos amis éparpillés aux quatre coins de la France…) ou même en bateau (ah l’île de Porquerolle…)
Mais quand nous voulons sortir de France et que les congés ne sont toujours pas rendus extensibles, nous prenons l’avion. Je fais toujours en sorte de l’éviter au maximum (pas besoin d’avion pour aller en Espagne depuis chez nous par exemple…) mais parfois, pas trop le choix. L’an dernier, nous sommes allés en Martinique. J’ai évoqué l’idée de prendre le bateau, mais le temps d’arriver sur place, c’était le temps de nos vacances !
Alors, voilà, j’ai peur de l’avion, et avant d’avoir des enfants, je pouvais bassiner Jean-Louis avec ma peur.
Les portes se referment
Le moment que je déteste le plus dans le voyage en avion, c’est le moment où les portes se ferment et que l’avion commence à rouler. Là, je me sens prise au piège. Je me dis que c’est terminé, je ne peux plus sortir – enfin, si, je peux encore sortir, mais je choisis de rester, donc tout ce qui va se passer ensuite est hors de contrôle pour moi.
Le moment où l’avion quitte la terre ferme et pendant toute la montée, je suis au maximum de ma peur. Une fois, une hôtesse a dû me rassurer parce que je pleurais…
Je m’apaise en regardant les autres : ceux qui sont déjà endormis parce qu’ils ont peur, comme moi, et qu’ils ont forcé sur la dose de somnifère, ceux qui n’ont pas peur et vaquent à leurs occupations. Le regard bienveillant de Jean-Louis qui m’explique chaque bruit qu’on entend.
Une fois que nous sommes en rythme de croisière, je me détends. Pendant toute la durée du vol, je n’ai pas vraiment peur, même lorsqu’il y a des perturbations, en général c’est même plutôt Jean-Louis qui s’inquiète pour moi.
Au moment de l’atterrissage, je suis détendue, je regarde la destination se rapprocher, bizarrement, je fais une confiance totale au pilote pour la descente et quand les roues rencontrent le tarmac, mon corps se détend totalement alors que Jean-Louis râle parce qu’il trouve toujours que les atterrissages sont trop brusques.
Transmission de la peur
A présent qu’on part à 5, il est hors de question de refiler ma frayeur à mes filles.
Elles ne se doutent pas du tout qu’à chaque décollage, je serre les fesses en visualisant l’accident du Concorde (oui, tu vois, c’est pas très positif comme image au moment de décoller…)
J’ai songé pendant un temps à faire un stage « peur de l’avion », mais j’ai surtout mis en place des stratégies pour me raisonner. Je suis plutôt rationnelle, je me laisse rarement dominer par mes émotions. J’ai vite compris qu’il fallait que je cerne les raisons de ma peur pour pouvoir l’affronter.
J’ai vécu de nombreuses années sans avoir peur de l’avion, jusqu’à ce que je commence à le prendre avec mon ex-copain, qui lui, en avait une peur viscérale. Il passait son temps à me raconter les accidents d’avion et à faire monter la pression à chaque fois qu’on devait le prendre (et pourtant, on ne l’a pas pris si souvent !) Petit à petit, sa peur est devenue la mienne.
Quand j’ai rencontré Jean-Louis, et que nous avons commencé à nous projeter dans un tour du monde, les dangers que nous pourrions rencontrer sur place ne m’effrayaient pas du tout. Non, moi, ma phobie, c’était le fait de devoir prendre l’avion pour changer de continent.
Ma peur commençait vraiment à prendre le dessus sur mes envies : quand ma sœur a été envoyée en stage à Budapest, je ne voulais pas aller la voir à cause de l’avion ! Je te rassure, j’y suis allée quand même, mais la peur au ventre, vraiment pas agréable de voyager comme ça.
Mon illusion de contrôle
J’ai fini par comprendre ce qui m’effrayait le plus : la perte de contrôle perçue au moment du décollage.
Oui, tu vois, je contrôle mes émotions, je contrôle mes actions, je suis tout le temps dans le contrôle, même si autour de moi, les gens ont l’impression que je suis très détendue. J’arrive à être détendue parce que j’envisage, pour chaque situation, le pire qui puisse arriver. Je relativise beaucoup, et j’arrive ainsi à avoir cette sensation de contrôle sur tout ce que je fais ou qu’on me donne à faire. Ce n’est qu’une illusion évidemment, puisqu’on ne peut pas tout contrôler.
Tu comprends bien qu’envisager le pire en montant dans un avion, bah, c’est imaginer une mort soudaine et probablement brutale.
En matière de transport, je suis comme tout le monde : je me crois plus en sécurité dans une voiture que dans un avion parce qu’une voiture, c’est sur la route, c’est tangible et qu’un avion c’est dans l’air qu’on ne voit pas.
En apprenant à comprendre le fonctionnement d’un avion, j’ai compris que ce n’était pas si différent d’une voiture.
Les chiffres d’accidentologie ne me rassurent pas du tout. Ça reste des chiffres. Le caractère mortel de l’accident d’avion me glace, alors qu’en voiture, je me dis qu’on peut s’en sortir (j’avais dit rationnelle ?) Alors que je sais bien qu’on prend plus de risque tous les matins en prenant notre voiture… ou notre vélo.
Ma technique d’évitement
Pour notre tour du monde, j’en avais discuté avec mon médecin et il m’avait prescrit un anxiolytique à prendre juste avant le décollage.
Depuis, j’en prends toujours un ou deux en fonction de mon état d’anxiété. Ça me permet vraiment de passer un voyage plus serein. De pouvoir m’occuper de mes filles sans rester tétanisée au moment du décollage. Ce n’est pas devenu une partie de plaisir, mais au moins, l’anxiolytique me permet de chasser les idées noires et de passer la phase que je supporte le moins sans être crispée.
Évidemment, il s’agit d’une technique d’évitement, ça ne veut pas dire que j’ai vaincu ma peur de l’avion. Mais elle me permet de ne pas passer à quelque chose de plus radical comme ne plus du tout prendre l’avion, non pas pour des raisons écologiques, mais simplement par peur. Et plus précisément, peur du décollage, parce qu’autrement, le plateau repas et les films à regarder, ça me va très bien !
Et comme je ne prends l’avion qu’environ une fois par an (enfin, 2 fois, il faut bien revenir !) j’arrive à gérer de cette façon.
Et toi ? Comment te sens-tu à l’idée de prendre l’avion ?
Pendant 31 ans j’ai voyagé sans peur de l’avion. Et puis un très mauvais voyage est arrivé, celui où tu penses réellement que ta dernière heure est arrivée, avec les cris dans l’avion et tout le bordel… et depuis, je suis en stress en plein vol à chaque fois qu’il y a des turbulences. Même si je compte diminuer fortement mes vols, et même si je n’en suis pas au point de prendre des médocs, il n’empêche que je ne suis plus aussi sereine qu’avant à l’idée de voyager en avion. Maintenant, je reste très pragmatique et je me dis que si c’est mon jour, c’est comme ça, il faudra bien mourir un jour et un crash d’avion n’est sûrement pas la pire mort qui puisse arriver.
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Je comprends bien ce que tu peux ressentir… J’essaye aussi le pragmatisme, ça ne marche pas suffisamment pour que je ne prenne pas un calmant avant de monter dans l’avion !!
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Pour moi aussi la peur en avion est arrivée du jour au lendemain… celui du crash de la Germanwings. Jusque là les accidents d’avion me paraissaient toujours être lointains, sur des compagnies « poubelle » mais soudainement ça se produisait sur une compagnie qu’on prenait, sur une ligne qu’on prenait (on habitait en Allemagne avec les beaux-parents en Espagne). Ce jour là j’ai réalisé que même avec une météo clémente et une maintenance bien effectuée on remettait notre vie dans les mains d’un pilote inconnu. Depuis j’ai cette peur irrationnelle qui me pourrit la vie, car habitant loin de mes amies et dans un endroit très mal desservi en train, ma vie sociale s’est réduite à peau de chagrin.
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Oh oui, ce crash est assez terrifiant… Ça semble avoir éveillé en toi une sacrée phobie… Tu le prends du coup beaucoup moins qu’avant ? Tes amies en ont conscience ? Car dans ce cas, peut-être qu’elles pourraient faire le voyage pour t’éviter de prendre l’avion… J’espère qu’avec le temps, ta frayeur va s’atténuer, et que tu ne la laisseras pas décider à ta place ce que tu peux faire ou pas… Courage !
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C’est intéressant cette prise de conscienceet cette peur qui en découle.
Pour moi, c’est la même chose pour le train, le bateau ou même la voiture (on ne sait jamais comment réagira le conducteur de notre voiture ou des autres voitures que l’on rencontre sur la route). Et perso, j’ai encore plus de doute sur le sérieux ou les compétences d’un chirurgien/dentiste/chiropracteur.
Je ne juge pas ta peur, je la trouve juste peu logique, tout comme ma peur des chiropracteurs (j’y suis allée une fois, plus jamais!!!).
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Eh oui, toutes les peurs sont irrationnelles et font sans doute appel à des mécanismes qui nous sont propres… C’est vrai qu’à part ça, je n’ai pas peur de grand chose, ce qui peut paraitre étonnant ! Mais je parviens à comprendre les peurs que tu évoques, il y a toujours un côté « je m’en remets à quelqu’un d’autre, je dois faire confiance à un inconnu pour qu’il m’amène à bon port ou… me soigne ! »
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Je comprends ton angoisse.
Je vis sur une île isolée donc bien obligée de prendre l’avion pour voyager. Je prends également l’avion une ou deux fois par an et ce sont des longs voyages ( 24h!) Je n’ai pas peur en avion, mais lors de chaque vol j’ai toujours un moment où j’ai soudain chaud, le coeur qui s’emballe…une petite crise d’angoisse! Et puis récemment je ne sais pas ce qui m’a pris j’ai regardé un documentaire sur le crash du Rio Paris…
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Oh lala, le crash Rio Paris, j’ai lu un bouquin qui en parlait, quand j’étais en vacances en Martinique… Quelle bonne idée pour me mettre en confiance sur le vol du retour…
J’espère que ton prochain voyage est dans longtemps, histoire que le documentaire ne soit plus qu’un vague souvenir dans ta tête…
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