Quand il en suffit d’un (Partie 2)

Quand il en suffit d’un (partie 2)

Trois ovocytes seulement ? Mais comment c’est possible ?! Avec ces deux semaines d’hormones à haute dose. Avec tous ces bleus sur le ventre. TROIS ovocytes ?! Mais qu’est-ce que je vais faire de ça ?! Nous nous étions aperçu, quelques semaines plus tôt, Monsieur Loup et moi, que nous étions d’accord : ce serait la dernière FIV. On irait au bout de celle-ci, on ferait les transferts qu’elle nous offrirait, mais plus de piqûres. Mon corps semble me le confirmer : je doit m’arrêter là. Il ne répond pas convenablement aux stimulations.

Pourquoi t’acharner ? Tu as bientôt 34 ans, deux magnifiques enfants en pleine santé, vous serez heureux comme ça.

L’angoisse, le doute, l’espoir

Je sors les résultats de mes précédentes FIV.

  • 2015, 10 ovocytes, 8 fécondés, 4 embryons, 2 bébés.
  • 2021, 8 ovocytes, 6 fécondés, 5 embryons, 0 bébé.
  • Et là, 3 ovocytes.

Je n’en reviens pas de ce score, vraiment. Comment on peut avoir une telle différence de résultat, en 6 mois et malgré un traitement plus fort ? « C’est la loi de la PMA » me dira le docteur, « il n’y a pas de règles et les statistiques ne sont jamais du bon côté. Tout change d’une femme à l’autre, et parfois même d’un cycle à l’autre. »

Photo de Alex Green provenant de Pexels

Je redoute chaque jour l’appel de l’hôpital pour me dire « inutile de venir lundi ». J’en ai des nœuds au ventre, et mon téléphone tout prêt. Heureusement, je suis arrêtée 3 jours (et c’est pas du luxe), et ça enchaîne sur le jeudi 11 novembre, férié. Nous l’occupons avec des amis. Balades, jeux de société, tartiflette. J’essaie de repousser mon angoisse au loin.

Je suis merveilleusement bien entourée. Les copines me rassurent « c’est pas la quantité qui compte, c’est la qualité ! » chacun y va de son anecdote, de cette grossesse qui a marché avec un seul ovocyte alors que celle à 7 n’a rien donné. Je lis la documentation. En ponction, la moitié des follicules généralement donnent des ovocytes matures. Et ensuite, on est à 2 à 3 ovocytes fécondés pour 1 embryon obtenu.

Le téléphone sonne, c’est l’hôpital. Je panique et manque de raccrocher au nez de mon interlocuteur. Non, ils voulaient juste le résultat de mon test, suite à mon cas contact covid. Je m’organise avec ma meilleure copine qui a un fils de l’âge du Lampion, et avec la maman d’une copine de classe de la Lueur. Elles garderont mes enfants samedi, pour que Monsieur Loup soit avec moi le jour J. Ma meilleure copine sait ce qui se passe, pas la maman à qui je dis juste qu’on a un rendez-vous à Paris auquel les enfants ne sont pas les bienvenus. Elle est ravie d’accueillir ma fille.

Un merveilleux weekend

Je retourne au travail le vendredi qui précède, je ne souffre plus des suites de l’opération. La journée est calme : mon chef et l’un de mes collègues sont confinés chez eux car positifs au COVID. Une journée sereine, un retour à la maison tranquille. Personne ne m’a appelé.

Je dors mal cette nuit là et fais un rêve étrange qui me réveille à 4h du matin : alors qu’on me prépare pour le transfert d’embryon, j’accouche soudainement d’une petite fille. Elle est brune, avec une épaisse densité de cheveux (alors que j’accouche toujours de bébés kiwis), elle a des yeux noirs et un grand sourire. Et une plaie sur le front dont ma maman (?) parvient à arrêter l’hémorragie. Je la présente à mon mari en disant « regarde, c’est elle ! C’est [prénom que nous avons déjà choisi]! ». Je n’ai pas réussi à me rendormir, trop excitée à l’idée que ce rêve puisse me dire qu’on allait me transférer aujourd’hui ce qui deviendrait notre petite fille.

A 9h, nous déposons la Lueur chez sa copine. La maman me dit de prendre notre temps, ils sont à la maison toute la journée. La copine me dit « est ce que c’est vrai que tu fabriques plein de petites bulles là ? »en montrant son ventre. J’explose de rire, et je confirme. Me voilà donc à expliquer à la maman ce que nous faisons actuellement, et pourquoi nous allons à Paris. Elle saute dans tous les sens à l’idée que nous cherchons à faire un 3ème enfant. Elle nous répète quinze fois de prendre notre temps, de ne pas nous inquiéter pour la Lueur, et elle nous envoie plein de bonnes ondes. Ma copine qui garde le Lampion croise tous les doigts en nous disant au revoir à la fenêtre, et j’ai des messages trop mignon de plein de copines.

Nous arrivons tout juste à l’heure à l’étage du transfert. L’infirmier qui nous accueille se la joue rassurant mais agace tout le monde avec ses questions dont il n’écoute pas les réponses et ses blagues qui ne font rire que lui. Il nous signale qu’on a oublié la prise de sang. Il faut monter à l’étage au dessus et ne pas paniquer : on devait passer les premiers (encore?!), mais il nous fera passer quand on redescendra.

A l’étage des infirmières, la queue est longue. Il y a celles qui viennent vérifier où en sont leurs follicules et celles qui, comme moi, viennent transférer leur embryon. Leur embryon. J’en ai un, c’est sûr maintenant ! Je suis sur la liste ! Et c’est… Marie qui est là pour la prise de sang ! On entre « bonjour Marie ! » « Aaaah! Bonjour Marie ! » « Bonjour Marie, je suis le mari de Marie! » On rit comme 3 idiots. « Je suis contente de vous voir madame Rouge, j’étais contente de voir votre nom sur ma liste ce matin ! C’est le grand jour ! » Elle me dit que ma robe est jolie. Je me la suis faite moi même, avec un patron prêté par Mme Espoir… Elle me dit « mais en plus, elle est parfaite pour l’allaitement ! » et me souhaite plein de bonnes choses.

On redescend, et l’infirmier m’appelle immédiatement. J’enfile mes vêtements de lumière. Il vient me chercher. Je lui dis que je veux mon mari aussi. Il en parle au docteur, qui accepte. OUF ! Monsieur Loup enfile bonnet et blouse, et se faufile entre mon fauteuil et le mur. La docteur entre. Elle sera seule pour le transfert, alors que d’habitude il y a aussi une infirmière pour l’écho. Le laborantin derrière la vitre demande à la Doc si elle préfère se servir d’un « Wallas » ou d’un « Helios ». Elle choisit le second. Étant donné que ce mot grec veut dire « soleil », et que nous envisageons de donner le prénom qui en découle en 3ème prénom de notre fille, je prends aussi cela comme un signe.

Elle nous dit « j’ai de bonnes nouvelles pour vous », et j’entends « deux bonnes nouvelles ». On a deux embryons ? Ouiiii !!! Elle continue : « défiant toutes statistiques, vos trois ovocytes ont donné trois très beaux embryons. Nous allons donc transférer un très bel embryon, et les deux autres très beaux embryons sont vitrifiés. »

Je n’en reviens pas. Je suis à deux doigts de fondre en larmes, au lieu de quoi j’ai un ENORME sourire. Je check mon mari, je suis fière de nous, il garde ma main dans la sienne et le transfert se fait.

Crédit photo : image personnelle de mon utérus. Dans la petite bulle blanche, mon étincelle.

Je reste sur un nuage, mais tout cela a pris plus de temps que prévu, entrecoupé de photos et messages me racontant comme mes enfants s’amusent. J’informe les deux mamans que je ne serai pas à temps pour récupérer mes enfants pour le déjeuner, et je reçois une photo de ma fille à table, et un message m’indiquant que mon fils était intégré au repas… Et nous aussi ! On est attendus pour un café / brownie fait par les enfants le matin même.

On déjeune sur Paris, on prend la route du retour et on traine en ville faire deux courses. On arrive chez ma copine vers 15h, on boit du thé en mangeant le délicieux brownie, on debrief, on papote plus d’une heure. Bon, il va quand même falloir aller récupérer la grande sœur…

… qui nous attend devant kung-fu panda 3 avec sa copine. La maman ne nous attendait pas si tôt, il est quand même près de 17h… Les cookies sortent du four, le papa nous fait un délicieux thé à la menthe, on fait plus ample connaissance autour de (notre 2ème) goûter. Nous sommes rentrés à 19h, épuisés mais ravis, convaincus que l’étincelle n’a que de bonnes raisons de s’accrocher tant elle devrait avoir compris qu’ici, on mange bien et on rit !

4 commentaires sur “Quand il en suffit d’un (Partie 2)

  1. Je suis très heureuse également pour vous de cette renaissance d’espoir !!
    Je suis également un peu scotchée par les résultats que tu indiques, ce qui finalement dit juste qu’il n’y a strictement aucune règle entre ovocytes prélevés, ovocytes fécondés, embryons et ensuite bébés. J’ai pu faire un don d’ovocyte en 2021, et en fait avec le recul, rien ne certifie que ces dons porterons leur fruits pour une futures maman… Mais comme le dit ton titre, parfois il en suffit d’un !
    J’ai hâte de lire la suite ! (et je trouve adorable la façon dont vous avez été entourés pour cette journée!)

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    1. Cette journée a été une bulle d’amour et de bonheur… Merci pour ton don ! Tu offres beaucoup d’espoir par ce geste ! Je voulais aussi en faire un, une fois ma famille complète, mais vu comme je réagis de moins en moins je pense que ça ne se fera pas : il fait un minimum d’ovocytes recueillis pour que le don ait lieu… A côté de ça, une de mes amies de galère qui a eu sa première en même temps que moi vient de se faire ponctionner 28 ovocytes… Ça fait 4 ans qu’elle se bat pour avoir son 2eme, elle a des scores incroyables à chaque fois, et ça n’aboutit jamais…cette fois on espère que ce soit la bonne, qu’elle en finisse avec tout ça, mais c’est dire à quel point il y a un décalage entre les chiffres obtenus et le résultat final…

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