Les nerfs de la guerre

Les nerfs de la guerre

La chose que je redoutais le plus concernant Pirlouit, c’était qu’il fasse de mauvaises nuits. Mes parents s’inquiétaient plus de l’alimentation, la maman de M. Chéridamour du langage. Alors, qu’en est-il de ces 3 points ?

Le sommeil

Le premier jour, épuisé par ses émotions, Pirlouit s’est endormi comme un loir. Les jours suivants également. Tu pourrais croire que nous étions vernis. Que nenni…

Nous avons au bout de quelques heures seulement décidé de faire du cododo. C’était une ligne rouge pour moi… et pourtant cela nous est venu naturellement. Nous avons vite constaté que Pirlouit était incapable de rester sur le matelas que nous avions mis au sol dans notre chambre et qu’il se retrouvait par terre en 2 minutes. Et nous avons senti un besoin de sa part. Il dormait donc entre nous. Il est du genre catcheur/boxeur/karatéka, nous donnait des coups et gigotait énormément, aussi nous ne récupérions pas. Il y avait aussi le branle-bas de combat à 5h30, et impensable pour lui de se rendormir.

Après 3 jours de ce régime, nous avons mis en place une tactique de survie : on se levait le matin à tour de rôle. Nous n’avons pas envisagé la première semaine de le faire dormir seul. Je sentais au cours de la nuit qu’il nous cherchait, il était sans arrêt à avoir des micro-réveils et à m’agripper, à se coller à M. Chéridamour. Nous l’avons basculé dans une chambre seul au bout d’une dizaine de jours. Je n’ai pas mieux dormi car j’avais peur qu’il pleure seul sans qu’on s’en rende compte, qu’il soit perdu, qu’il tombe du lit… Mais il n’y a rien eu de tout cela.

Crédits photo : Alex Green

Les nuits se sont mieux passées, par contre l’endormissement est devenu compliqué. Petit à petit, nous avons identifié des blocages. La peur de faire pipi au lit : cela est arrivé plusieurs nuits, nous avons finalement acheté des couches. Un vrai soulagement pour lui, nous pensons qu’il n’était pas propre de nuit mais qu’on ne nous en a pas informés. Ensuite est venue la peur des fantômes : nous avons réussi à la faire passer, mais cela a été long et n’est vraiment rentré dans l’ordre qu’en France (tu te souviens le coussin tigre que j’avais cousu ? Il est devenu son protecteur contre les fantômes !) Nous avons également supprimé les siestes.

Le sommeil s’est régulé quelques jours après notre retour à la maison. Dès la première nuit, il a dormi dans sa chambre. Nous restons avec lui pour l’endormissement qui se fait presque toujours rapidement. Il a pris l’habitude de venir nous rejoindre en milieu de nuit. Au début il restait avec nous, puis progressivement nous l’avons ramené dans son lit. Certaines nuits, nous avons plusieurs réveils, et le rendormir est long mais globalement nous nous estimons chanceux. S’il se lève avant 6h30 du matin (les réveils très matinaux se sont arrêtés, ouf !), l’un de nous va terminer la nuit avec lui dans son lit, sinon nous lui faisons une petit place dans notre lit.

Je suis rassurée car il vient nous trouver quand ça ne va pas la nuit. Et en lisant son dossier, nous avons réalisé qu’il était indiqué que c’était un petit garçon qui avait besoin d’être entouré et serré contre quelqu’un pour dormir : le cododo du début était donc bien la solution, merci notre instinct !

Le langage

Si tu te rappelles, j’avais préparé un imagier et acheté un livre pour aider au mieux Pirlouit à communiquer avec nous. J’avais installé un appli de traduction avec laquelle il était possible converser.

Le livre ne l’a pas vraiment intéressé. Rétrospectivement, je pense que j’aurais dû en choisir un autre plus coloré et attractif. L’imagier fait maison a eu plus de succès mais au final, seules 3 étiquettes nous ont réellement servi : piscine, courses et douche. L’application a été inutile car nous n’étions pas certains de la manière dont ce que nous disions était traduit. Et ça ne fonctionnait quasiment jamais quand Pirlouit parlait : soit il n’était pas en face du micro, soit il prononçait mal. Cela a néanmoins été salvateur à 2 ou 3 occasions, sur des mots uniques quand Pirlouit s’appliquait à prononcer les mots car c’était important pour lui (fantôme, mal au ventre…)

Et pour le reste ? J’ai été extrêmement surprise de voir à quel point il a été simple de communiquer avec lui et ce dès le premier jour. J’avais lu que le langage du corps, l’intonation comptaient beaucoup et c’est le cas. Bien sûr qu’on ne savait pas exactement ce que les uns et les autres nous disions, mais le sens général ne nous échappait pas. Et je suis encore la première surprise de constater combien tout a été aisé et instinctif. Pirlouit nous parlait dans sa langue, nous en français, on faisait des gestes… L’habitude et l’observation ont fait le reste : il est facile de savoir qu’il veut boire quand on remarque son verre vide et qu’il nous le montre, ou de comprendre qu’il dit que les motos font du bruit quand on sort dans la rue et que l’une d’elle passe à proximité…

Nous n’avons jamais senti chez lui le besoin d’exprimer des pensées complexes, de nous parler de sa vie à l’orphelinat ou de parler d’émotions difficiles. Notre fils n’est pas forcément un grand bavard, c’est venu avec le temps et l’habitude de vivre ensemble. Et il s’est exprimé d’une autre manière.

Pour te donner une idée de ses progrès, après 1 mois passé ensemble, il comprenait vraiment ce qu’on disait et son vocabulaire s’est bien étoffé 2 mois après notre retour.

L’alimentation

S’il y a bien une chose qui n’a finalement jamais posé souci, c’est bien celle-ci ! Pirlouit mange de tout, et a un bon coup de fourchette. Nous nous en sommes rendus compte dès le premier repas avec lui : encore sous le choc de son départ de l’orphelinat, il a néanmoins bien mangé. Quand nous étions dans son pays, nous cuisinions essentiellement des plats qu’il connaissait (pâtes, riz, omelette). Lorsque nous faisions des courses, il nous montrait ce qu’il aimait.

Une fois rentrés en France, et bien que les plats que nous cuisinions ne lui soient pas familiers, il a continué à manger avec un appétit solide. Il voulait tout goûter, parfois plusieurs fois même s’il n’aimait pas du premier coup. Il mange quasiment de tout (tomates mis à part, mais si elles sont en sauce ça passe), adore les fruits et réclame régulièrement du pain. Il aime même certains fromages ! (mais sa réaction en goûtant le roquefort reste mémorable !!) Il n’est pas forcément fan des biscuits mais raffole du chocolat.

Pour ne pas avoir de soucis, nous avons toujours un « plat de secours » quand nous lui proposons un nouveau plat : des restes de la veille ou quelque chose de rapide à préparer (des knackis, du riz au maïs, des haricots verts…) Cela demande un peu d’organisation mais ainsi les repas n’ont jamais été un problème.

Finalement, ces 3 points qui me semblaient sensibles se sont révélés plus simples que prévu. Heureusement car nous avons eu d’autres soucis que nous n’avions pas anticipés !

11 commentaires sur “Les nerfs de la guerre

  1. « Catcheur/boxeur/karatéka » j’ai la même à la maison 🙂 🙂 🙂
    Le langage du corps ne ment pas et les enfants sont hyper observateurs, c’est top que la communication se soit aussi vite établie, quel que soit le mode.
    Tu m’as fait rire avec le tigre mangeur de fantôme aussi, bonne idée de jouer sur l’imaginaire pour contrer l’imaginaire 😉
    Pôv p’tit bonhomme, ça donne envie de lui donner le meilleur tout ça.
    Tu ne parles pas tellement de tes émotions, cet article reste pragmatique, avez-vous réussi à évacuer le choc/les premières émotions/ la colère et j’en passe pour vous consacrer aux émotions plus belles que doit vous faire vivre cette rencontre ?

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    1. Je n’en parle pas car je vais écrire dessus un peu plus tard. Pour faire court, les choses n’ont pas été évidentes pour nous, et assez longues à se mettre en place (on est encore dedans, c’est dire !)

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      1. Je pense que, si tu as envie de le faire, il ne faut pas hésiter. J’imagine un jour un couple qui hésite/envisage/pense à l’adoption et qui tombe sur tes articles, pour eux, ce serait une mine d’or, non?

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  2. Merci de nous partager votre histoire.
    J’aime la lire et j’ai hâte de lire les prochaines publications.
    Je la trouve très riche en informations sur ce sujet qu’est l’adoption.
    Un sujet qui m’intéresse énormément.

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  3. Je lis également tes articles depuis le tout premier, c’est vraiment émouvant de suivre toutes ces étapes de votre parcours, et tellement fort de lire votre rencontre et ce temps d’apprivoisement. Je te remercie de tout partager ici avec nous. Cela laissera également un témoignage précieux pour Pirlouit plus tard. Finalement, comme pour un accouchement, on découvre que l’adoption a une part « fantasmée » et la confrontation à la réalité. Mais avec une différence : l’enfant adopté a un vécu (peurs, angoisses, personnalité déjà construite…) et on voit que vous devez vous y adapter. J’ai toujours aussi hâte de lire tes autres articles. Y aura-t-il un jour un article sur la façon dont Schtroumpfette a vécu ce parcours et cette rencontre ?
    Vous deviez déjà être soulagés de n’avoir pas de difficultés particulières pour la communication et l’alimentation, ainsi qu’un sommeil apaisé par un super tigre 🙂

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    1. Je ne ferai pas d’article spécifique concernant Schtroumpfette. Elle a vécu les choses un peu comme nous : impatience puis joie du départ. Aujourd’hui elle s’occupe bien de son petit frère. On sait que la différence d’âge jouera sur leur relation mais elle sait y faire pour construire quelque chose de positif pour tous les deux.

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