Vivre la maladie neurodégénérative en famille : 2) la réaction au diagnostic
La semaine dernière, Maelisa t’expliquait son contexte familial, et comment ils avaient découvert la maladie de sa belle-mère. Cette semaine, elle nous livre la suite de son témoignage, comment ils ont réagi au diagnostic de la maladie.
La fameuse annonce du diagnostic, quel que soit ce dernier, est toujours un moment particulier.
Pour ma part, elle s’est faite en deux temps. En y repensant, je ressens un peu de culpabilité, tu comprendras pourquoi. Mais cela a peut-être aussi donné le ton de ce qui suivra.
Ma belle-mère est donc reçue par le CHU qui mène l’ensemble des examens pour en entendre le diagnostic, accompagnée de son mari. Le soir-même, ou le lendemain, nous passons les voir comme à notre habitude. Ma belle-mère me montre une plaquette explicative : SLA, Sclérose Latérale Amyotrophique, en me
disant une phrase comme : « Tiens, voilà ce qu’on m’a donné, c’est ce que les résultats ont trouvé » (sur le même ton que « tiens, que penses-tu de cette nouvelle baguette ? ») Et sur la même légèreté, je regarde ; « Ah, d’accord », et nous passons à un autre sujet.
Aparté 1 : je ne connaissais pas vraiment cette maladie auparavant. Je n’avais pas compris ce que cela signifiait. J’ai bien lu le terme « sclérose ». Dans ma tête, ça s’est associé à « sclérose en plaques », sans que ce soit ça non plus. De mémoire, je me rappelait de phases de « poussée » puis sans symptômes… Bref, ce n’était pas mon domaine de soin, j’y ai vu seulement un nom qui explique un boitement.
Aparté 2 : Ma belle-mère se montre toujours positive, quel que que soit le sujet. Je n’ai
remarqué chez elle aucun signe à ce moment pouvant m’alerter « GRAVITE MAXIMALE ». Sur le chemin du retour, mon mari et moi en parlons. Ni l’un ni l’autre ne connaît la SLA. Je dégaine mon portable, recherche sur un site médical spécialisé dans les maladies neuro. Je lis la définition. « dégénérescence neurone moteur… forme spinale… trouble motricité des membres…évolution imprévisible… appelée également Maladie de Charcot… » J’en retiens : une maladie des muscles périphériques, on n’en connaît pas vraiment l’évolution.
Le lendemain, de retour au travail dans une structure pluridisciplinaire, je croise mon collègue kiné. Il a reçu la veille l’ordonnance de ma belle-mère pour un suivi. Il me dit que c’est « mauvais » pour ma belle-mère. J’ouvre des yeux ronds.

Il m’explique que cette maladie est terrible car elle commence par un membre périphérique, puis un second, puis les suivants. Que les muscles de la déglutition, de la parole puis de la respiration seront touchés. Que l’évolution de cette maladie peut être très rapide. Je lui demande jusqu’à quel point. Il se tait. Et quand j’insiste, il me répond : « parfois un an seulement. » Cette fois-ci, le diagnostic me fait l’effet d’une bombe.
Je retourne dans mon cabinet, en larmes. Un an ? Elle pourrait nous quitter dans un an ? Alors qu’elle ne boitille que légèrement ? C’est pour moi impensable. Je ne veux pas que ce soit possible. Je pense tout d’abord à mes enfants : si leur mamie meurt dans un an, quels souvenirs garderont-ils d’elle, à 2 ans et 5 ans et demi ? J’en ai si peu de mon papy, que j’ai connu jusqu’à mes six ans. Puis je pense à mon mari : je vais devoir lui annoncer le soir-même ce que signifie cette maladie, que sa maman nous quittera beaucoup trop tôt… J’attends avec une énorme appréhension que nos enfants soient couchés pour lui en parler, tremblante et des larmes plein les yeux.
Il m’apprend qu’il savait. Que l’appellation « Maladie de Charcot » l’avait percuté, car il
connaissait un collègue dont l’ancien patron était décédé en un an.
Dans les semaines et mois qui s’écouleront, nous nous poserons toujours la même question : est-ce que mes beaux-parents connaissent réellement l’évolution et l’issue de cette maladie ?
Elle n’évolue que faiblement au départ, ma belle-mère prend rapidement une canne, qui sera remplacée par un déambulateur huit mois plus tard, mais nous ne notons aucune inquiétude, détresse… Mon beau-père semble souvent lui
demander de faire un effort, persuadé que de la kiné aidera à récupérer.
Avec le recul aujourd’hui, je pense que ma belle-mère était au courant dès le départ mais elle a voulu nous préserver, tous. Et avec de la culpabilité, je pense que ma première, réaction trop légère pour la situation, a peut-être incité ma belle-mère à ne pas montrer ses émotions, ses peurs.
Elle ne se plaindra jamais, mais évoquera de façon simple les nouvelles difficultés rencontrées, ce qu’elle arrive moins à faire, les nouvelles adaptations nécessaires.
Elle ne parlera jamais de ce qui l’attend à la fin, et son mari non plus.
Cela nous laissera plus d’une fois dans une situation difficile, car nos émotions sont fortes mais dissimulées. La tristesse, la peur, l’injustice, la colère… Nous ne les montrerons pas. Cela peut sembler terrible, mais cela a aussi permis de maintenir des relations normales, sans les tartiner de « pathos » (souffrance, douleur…).
Nos enfants n’auront aucune annonce en particulier sur cette maladie. Nous évoquons d’abord le fait que leur mamie marche un peu moins bien, et qu’elle a besoin d’une canne/d’un déambulateur/d’un fauteuil roulant. Ma fille se rend bien compte que nous avons parfois des émotions qui nous pèsent, nous répondons que nous sommes tristes pour sa mamie qu’elle ait cette maladie qui ne lui permet plus de bien marcher. Nous avons fait le choix de répondre aux questions qu’ils auraient, mais finalement, ça a fait partie de leur quotidien, du nôtre, et les enfants sont d’une grande adaptabilité.
La semaine prochaine, Maelisa te raconte comment ils ont accompagné sa belle-mère dans la maladie.
Je suis tes billets en pensant fort à vous et cette épreuve
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Merci ❤
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Nous avons vécu la même chose avec une autre maladie, mon oncle est mort en 18 mois. En revanche, il est passé par toutes les phases du « deuil » car on apprend à ce moment-là que c’est une forme de deuil pour le malade. La phase de colère a été hyper dur…. bon courage à vous
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Je t’adresse toutes mes condoléances pour ton oncle… Cette phase de colère a dû être difficile pour lui et pour vous.
Je comprends cette notion de deuil.
On s’aperçoit que chacun pouvait être amené à vivre les choses différemment.
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Bonjour,
Déjà bon courage pour ce que vous traverser.
Un jour je faisais des recherches pour expliquer à ma fille ma pathologie (qui n’est pas celle de charcot),et je suis tombée sur ce livre : le plus beau des papillons de tania hayoun qui explique la maladie de charcot mais avec des mots d’enfants.
C’est l’histoire d’une maman papillon qui un jour ne parvient plus a voler…mais les enfants papillons vont tous faire pour lui remonter le moral.
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Merci Frisouile pour le partage de ce titre qui semble tout en douceur.
Je t’envoie toutes mes pensées pour vivre avec ta pathologie, quelle qu’elle soit.
Il y a toujours une notion de résilience et d’adaptation.
J’aime l’idée d’insister sur l’entourage et l’amour des proches, car c’est bien ce qui aide le plus.
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