Vivre la maladie neurodégénérative en famille : 4) dire au revoir
La belle-mère de Maelisa s’est battue contre la maladie, mais cette dernière l’a emportée. Elle te raconte la fin de sa vie, son hospitalisation, les derniers moments passés avec elle, et où ils en sont aujourd’hui.
Malheureusement, l’état de santé de ma belle-mère se dégrade progressivement à partir de l’automne 2021. Elle perd davantage le peu de force qu’il reste dans ses jambes, rendant les transferts difficiles. Nous ne pouvons plus aussi facilement lui proposer de quitter sa maison, excepté pour les RDV médicaux.
La dernière fois qu’elle vient chez nous, c’est pour fêter Noël avec toute ma belle-famille. C’est la première fois que ça se passe chez nous. C’est un beau moment, tous ensemble, pour partager la joie de Noël.
Progressivement, sa main et son bras gauche sont plus difficiles à mobiliser, pour elle qui est gauchère. J’entends aussi sa voix qui devient « chevrotante », moins stable. Elle devient un peu essoufflée et je constate des fausses routes (elle avale de travers et tousse) avec certains aliments.
Petit à petit, elle nous signale ne plus partager nos goûters, ne pas avoir très faim. Je comprends que manger lui est plus difficile et qu’elle ne veut pas se montrer ainsi.
Nous passons un mercredi de printemps avec elle. Ma belle-mère parle assez peu, mais nous nous regardons beaucoup. Pour moi, il y a un vrai échange dans ce regard et ce sourire. Elle nous donne de l’argent pour pour participer à l’achat des chocolats de Pâques et nous prévoyons de nous retrouver le week-end.
Mais un rendez-vous à l’hôpital le vendredi la démoralise, avec de nouvelles contraintes pour elle. Le lendemain, à son réveil, ma belle-mère va mal. Mon beau-père et ma belle-sœur nous appellent ; mon mari file les voir et appelle les pompiers.
J’accompagne mon fils à la gym et je reste avec ma fille. Elle m’entend parler avec son papa, de l’émotion dans la voix. Pour la première fois, elle me dit : « Est-ce que Mamie va mourir ? Je ne veux pas qu’elle meure ! »
Alors nous prenons le temps. De parler de cette maladie qui est grave et qui fait un jour mourir les gens. Que ce jour, sa Mamie va être examinée avec des médecins et que j’espère vraiment qu’elle pourra rentrer chez elle. Mais que peut-être sa mamie mourra dans quelques mois, ou quelques semaines… Nous n’en savons rien.
Le lendemain matin, alors que nous allons voter pour le premier tour des élections, nous recevons un appel : ma belle-sœur nous apprend que leur maman est en soins palliatifs.
C’est une déflagration pour nous. Et le moment de parler à nos enfants.
Avec le plus de douceur possible, à l’écart des gens qui viennent voter, nous prenons nos enfants contre nous et leur expliquons que leur mamie va mourir bientôt. Peut-être dans quelques jours, nous ne savons pas combien de temps il lui reste, mais bientôt.
Ils réagissent plutôt calmement. L’émotion est forte pour nous, nous essayons de nous contrôler. Ils nous posent quelques questions.
Nous allons la voir l’après-midi, sans les enfants. Elle est en fait en soins intensifs, et non palliatifs. Il y a eu une confusion. Donc, y aurait-il un espoir ? Les infirmières nous disent : « ici, nous sommes là pour soigner ». Mais vu son état, ce sont des soins intensifs proches du palliatif.
Mon beau-père est anéanti, mais soutenu par ses trois enfants.
Ma belle-mère a un respirateur, elle ne respire plus seule. Elle ne peut plus parler. On se fait des coucous, on se caresse la main.
C’est terrible de la voir ainsi. Nous lui montrons des vidéos des enfants qui lui ont laissé un petit message.

Le deuxième jour où je vais la voir, mon mari me laisse seule avec elle. J’avais écrit une lettre le matin même, pour lui dire tout ce que j’avais sur le cœur.
Je n’ai pas sorti la lettre de ma poche, mais en lui tenant la main, je lui ai tout dit.
Je souris et je pleurs en même temps. Elle me serre la main et caresse ma joue pleine de larmes. J’ai fini par lui souffler un « je t’aime très fort » que je n’avais jamais dit.
Il y aura 10 jours d’hospitalisation, avec des moments de mieux, où elle pourra écrire sur une ardoise de la main droite, maladroitement, assise dans un fauteuil et d’autres de moins bien où elle restera au lit, peinant à garder les yeux ouverts.
Nous avons l’accord du médecin pour que les enfants puissent venir la voir. Nous avons fait un appel visio la veille, ils sont préparés à la voir ainsi. La visite est rapide : nos enfants lui apportent des dessins, lui parlent un peu, lui font une bise puis ressortent. C’était important pour nous qu’ils puissent la voir, même dans une chambre hyper médicalisée, avec respirateur… Pour constater qu’elle était toujours là, mais que sa santé déclinait.
Mes parents viennent chercher nos enfants pour 10 jours. Ma fille de 6 ans et demi demande à voir sa mamie encore une fois avant de partir. Ma belle-mère, épuisée, se redresse avec les yeux pétillants en la voyant et lui souffle un baiser.
C’est la dernière fois que ma fille voit sa mamie.
Pendant dix jours, nous venons quotidiennement la voir, lui parler, lui montrer des photos des enfants. Pour Pâques, je lui lis un texte d’un de ses livrets de prière. Pour les moments de fatigue, je lui caresse longuement la main.
Et un jour, je viens la voir, retrouvant mon mari, ses sœurs et leur père déjà présents. Je vois leurs regards attristés : ma belle-mère est à présent inconsciente.
Deux jours après, elle nous quitte définitivement.
…
Depuis, cinq mois ont passé.
J’ai rapidement réalisé un livre-photo avec toutes les photos des enfants depuis leur naissance où ils partagent des moments avec leurs grands-parents. Je veux qu’ils puissent le feuilleter, pour ancrer leurs souvenirs. Pour ne pas trop vite oublier.
Ils demandent parfois à passer au cimetière, alors nous y allons.
Leurs souvenirs les plus forts avec leur mamie sont pour ma fille l’époque où sa mamie marchait encore et qu’elle la poussait sur la balançoire en chantant des comptines, pour mon fils sa mamie lisant des histoires.
Dès que mon fils de 3 ans et demi voit quelqu’un pleurer, pour quelle raison que ce soit, il nous dit : « Je suis triste pour Mamie, parce que elle est morte ». Il associe la tristesse à la mort de sa mamie.
Alors, nous parlons dès que le besoin se fait sentir.
Nous continuons de voir mon beau-père, de profiter de lui. Et lui profite des moments de vie.
La maladie est une terrible injustice, ma belle-mère nous manque à tous.
Nous n’avons aucun regret car nous avons vécu le plus possibles de choses avec elle depuis l’annonce de sa maladie. Savoir que le temps nous était compté nous a permis de vivre et partager beaucoup de joie et d’amour malgré cette situation difficile.
Et je suis heureuse d’avoir pu lui dire les mots que j’avais sur le cœur.
Louis Chedid a chanté « On ne dit pas assez aux gens qu’on aime qu’on les aime ».
C’est souvent vrai. Dans mon cœur, je garde ce réconfort : elle était ma belle-mère, je l’aimais vraiment fort. J’ai réussi à lui dire ces mots de douceur avant qu’elle nous quitte, mais je sais qu’elle les comprenait déjà dans notre relation.
Nous remercions chaleureusement Maelisa pour avoir partagé son poignant témoignage.
🖤
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Merci de nous avoir raconté votre histoire 🤍
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Je suis extrêmement touchée par ce témoignage, au point que quelques larmes ont coulé à la fin de ma lecture.
La maladie n’est jamais juste mais vous avez vécu ces moments difficiles avec beaucoup d’amour. Je vous souhaite beaucoup de courage.
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Je suis vraiment touchée par toute votre histoire. La façon dont votre famille a accompagnée votre belle-mère est vraiment belle. Je vous souhaite encore beaucoup de bons moments en famille malgré cette épreuve.
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