Le deuil de la mère rêvée
Si j’avais été maman il y a 10 ans quand on s’est lancés dans les essais pour avoir un enfant, je n’aurais pas eu une idée très nette de la maman que je voulais être. Mais le long chemin vers la parentalité, et encore plus vers la parentalité adoptive, m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses.
Ne pas reproduire ce qu’on a vécu
Une certitude était cependant là dès le début : je ne voulais pas être comme ma mère. Énoncé comme ça, tu dois te dire qu’elle devait être affreuse. Pas du tout : on a été nourris, protégés, soignés, bien éduqués. Il y a eu des rires, de bons moments.
Mais c’était une éducation « à la dure ». Les gestes tendres étaient rares, si rares que je ne m’en souviens pas. On ne se dit pas « je t’aime » dans ma famille. Mes parents étaient très exigeants, surtout vis-à-vis de moi qui étais l’aînée. Il ne fallait pas faire de vagues, les punitions étaient monnaie courante, les gifles et les fessées un moyen d’éducation admis (pas courant, mais oui ça arrivait).
Nous n’étions pas très encouragés non plus, c’est venu bien plus tard une fois adultes. Il fallait avoir les meilleures notes à l’école, que notre comportement soit exemplaire (gare à nous si nous avions une remontrance de la maîtresse, on était punis une 2ème fois à la maison !) Ma mère était beaucoup sur notre dos pour qu’on range nos chambres, qu’on se comporte bien, qu’on obéisse sans discuter.
Aujourd’hui que je suis maman, je suis bien plus indulgente envers mes propres parents et surtout ma maman. Devenir mère à 19 ans, loin de sa famille et de ses amis, je n’imagine même pas ce qu’elle a dû vivre. Elle a fait au mieux, et aujourd’hui je vois qu’elle n’a pas si mal fait.
Mais c’est sûr que lorsque j’ai réfléchi à ce que je voulais pour mon enfant il y a des années, je me suis dit que je ferais différemment.
Être ou ne pas être…
La maman que je ne voulais pas être était donc bien identifiée pour moi. Celle que je voulais être s’est construite au fil des années. De mes relations avec Schtroumpfette également.
Je voulais être drôle, avoir de vrais moments de rire et de partage avec mon enfant. L’encourager, tous les jours, pour qu’il prenne confiance en lui était très important pour moi. Je voulais être patiente également, toujours parler d’une voix douce et calme pour le rassurer. Pourquoi pas être un peu Wonder Woman sur les bords, à gérer la maison, organiser des activités créatives pour lui, faire des sorties, lui apprendre mille choses… Je serais bienveillante, à son écoute, toujours prête à m’occuper de lui.
Cependant, j’étais assez lucide pour savoir que je détesterais attendre au bord du terrain la fin d’un match. Que je n’aimerais pas organiser des anniversaires XXL avec 10 ou 12 copains avec un thème précis. Sans aucun doute je serais sévère et assez stricte.

Crédits photo : Julia Kimmerle
Mais rien n’y fait, je reproduis bien plus ce que j’ai connu que je ne le voudrais. Et je m’en veux. J’ai eu beau lire beaucoup de livres sur l’éducation, écouter des podcasts, faire des formations… Au final, je ne serais jamais la maman que je rêvais d’être, car cette maman parfaite n’existe pas.
Je râle souvent, gronde régulièrement : « Lave-toi les mains, n’oublie pas ça, ne fais pas ça, attention, calme-toi »… J’ai l’impression de répéter ces mots en boucle tous les jours. Je suis exigeante, bien trop à mon goût. Je manque de patience et j’ai parfois hurlé sur Pirlouit tant il me poussait à bout. Et j’en souffre énormément parce que je n’arrive parfois pas à me contrôler (merci les syndromes pré-menstruels), ce que je me reproche ensuite longtemps. Je suis aussi facilement fatiguée, et je n’arrive pas à m’occuper de lui sans arrêt comme je l’aurais voulu.
Je suis cette maman qui est très consciente de ses failles et ses faiblesses. Qui a eu des insomnies faites de pleurs de ne pas avoir bien réagi, d’avoir été trop dure, d’avoir blessé son fils par des mots trop vifs. Je regrette profondément certaines choses, et des mois après j’en suis toujours attristée. Encore plus maintenant que je sais que Pirlouit non plus n’a rien oublié. Je fais des efforts chaque jours, je m’améliore mais j’ai encore beaucoup de mal à accepter la maman que je suis, avec ses défauts.
Et malgré tout…
Il n’y a pas que du négatif. Je réalise aussi que je suis aussi la maman qui est rigolote, qui fait des blagues et des chatouilles. Celle qui rend le chemin de l’école plus drôle et plus gai, en imaginant des jeux, en chantant des comptines, en faisant découvrir des petits riens. Qui s’arrête au milieu du trottoir avec son petit garçon pour faire un concours de force. Qui court avec lui pour sauter la première dans la flaque d’eau.
Je suis la maman qui accepte de colorier, de jouer aux kaplas, de construire des vaisseaux spatiaux en Légo, d’imaginer des histoires fabuleuses avec des Playmobils. Celle qui est toujours prête à lire un livre en enveloppant son fils dans ses bras, qui va jouer au ballon même si elle est fatiguée. Celle qui va toujours être à la recherche de ce petit rien qui peut lui faire plaisir : un livre, une activité, un gâteau fait maison, un tour en vélo…
Je suis aussi une maman beaucoup plus câline avec Pirlouit que je n’aurais jamais imaginé. Pas un jour ni une heure avec Pirlouit sans qu’on se fasse un câlin, sans qu’il vienne dans mes bras. Il demande beaucoup à être porté : tant pis pour mon dos, j’accède à ses demandes ! Il en a besoin et moi aussi. Je suis aussi une maman qui dit « je t’aime », « je suis fière de toi », « j’ai de la chance d’être ta maman », « tu es le plus beau petit garçon de la Terre », « tu es merveilleux » très souvent, chaque jour même.
Je suis aussi une maman plus patiente que je n’aurais pensé. Oui je sais, c’est paradoxal avec ce que j’ai dit plus haut mais c’est pourtant le cas (hors syndrome menstruel, je me contrôle plutôt bien !). Et c’est d’autant plus surprenant dans la mesure où je ne suis pas une personne patiente à la base. M. Chéridamour en fait souvent la remarque, lui qui manque de patience alors qu’il en a habituellement beaucoup ! Si on nous avait dit que les rôles allaient être inversés, nous n’y aurions pas cru.
Adieu la maman que j’aurais aimé être, je dois faire avec celle que je suis. J’essaie de m’améliorer chaque jour afin que Pirlouit ne regarde pas en arrière en pensant que j’ai mal fait. Je suis bien consciente que les enfants auront toujours des choses à reprocher à leurs parents. Mais je ne veux pas que l’éducation que je lui donne lui pèse autant que la mienne m’a pesée. Je fais tout pour devenir la meilleure maman possible pour lui. Je veux lui créer de beaux souvenirs de tendresse.
Et surtout, je suis cette maman qui a la volonté de s’améliorer, de s’adapter à lui et qui n’hésite pas à se remettre en question sans arrêt. Et qui a un besoin fou de s’entendre dire qu’elle fait bien, qu’elle est une bonne maman.
Vous êtes une tres bonne maman
J’aimeJ’aime
Je suis toujours pas sûre 😅 Mais je me suis rendue compte lorsque mon chéri me l’a dit pour la première fois après des mois que j’avais besoin qu’il me le dise…
J’aimeJ’aime
A lire ton article, c’est plus qu’évident que tu es une super maman !! Vraiment !! Et tu n’es peut être pas une maman de magazine, mais tu es quelque chose de beaucoup mieux parce que réel: tu es une vraie maman, et je pense que Pirlouit, qui en a certainement beaucoup manqué ses premières années, a désormais beaucoup de chance !
J’aimeJ’aime
C’est exactement ce que je voulais être : une maman de magazine ! Mais la vie se charge de nous rappeler qui on est vraiment.
J’aimeJ’aime
Tu es une bonne maman, parce que tu es sa bonne maman. Ça va mieux ?
Plaisanterie mise à part, dans ton imaginaire de la mère parfaite tu avais complètement occulté ta part humaine, lol. Alors désolée de t’annoncer ça aussi brutalement mais oui, tu es un être humain 😉
Pour ma part, quand je suis devenue maman, c’était le grand moment de l’éducation bienveillante. Je m’étais donc documentée sur le sujet et, comme pour ton idée de maman idéale, je m’étais dit « peut-être bienveillants pour l’enfant tous ces conseils mais malveillants pour les parents ». Je n’en ai finalement gardé que le fond : un enfant, même à la naissance, est un individu qui doit être respecté comme tel. Mais moi aussi, je suis un individu à respecter comme tel. À partir de là, j’ai plutôt bien été à l’aise avec l’éducation que je donne à ma fille. Quand je vois que je monte dans les tours (oui, oui, on a à peu près toutes le même problème mensuel et il nous arrive à tous de vivre des journées pourries au boulot 😉 ), je la préviens : écoute, pour moi, la journée a été longue, j’en ai marre/ je suis fatiguée / patience zéro/ etc. Quitte même à dire « tel client m’a fait ça » ou il s’est passé ça, et j’ai besoin que tu sois cool avec moi, de la même manière que je suis cool avec toi quand je sens que ta journée a été pourrie. Ces mots tout simples permettent d’une part de montrer à l’enfant que ce n’est pas lui le problème, d’autre part à toi de prendre du recul sur la vraie cause de ta colère/ton impatience. Le « j’ai mes règles, ça va pas l’faire si tu continues comme ça » marche aussi 😉
Je te donne un exemple, mon activité est hyper cyclique, il m’arrive donc de bosser dès 6h, de la lever à 7h, de rebosser jusqu’à 8h, de l’amener à l’école et reboulot jusqu’à 19h. Habituellement, le levé est plutôt cool, on papote, on invente des histoires toussa toussa mais ces jours-là, je la préviens la veille » j’ai beaucoup de boulot en ce moment, demain matin il faut que tu m’aides ». Ça marche super bien, elle se débrouille toute seule et ça roule.
Quant à ce que j’aimerais faire avec elle ou pour elle, c’est un autre débat car les journées ne sont tout simplement pas extensibles alors comme toi, je décide de prendre le temps quand je suis avec elle. Donc oui aux flaques d’eau, aux histoires ou à faire la course sur le chemin de l’école, je ne sais pas non plus refuser une histoire, 5 ans d’entraînement maintenant à lire à haute voix en signant un peu et avec le ton s’il vous plaît pour la rendre encore plus kiffante, ok lego, ok le puzzle, lui apprendre à coudre, pate a modeler, peinture, dessin, tout ce qu’on veut. Par contre j’avoue que le monde des poupées et des playmobiles m’ennuie profondément 😉
Allez, courage Mam
J’aimeJ’aime
Je préviens souvent Pirlouit quand je sens que ça ne va pas. Il comprend assez bien.
Par contre je n’ai pas encore repris le travail depuis qu’il est avec nous et j’appréhende énormément cette fatigue en plus… J’espère qu’on arrivera à trouver nos marques.
J’aimeJ’aime
A lire tes nombreux articles, je suis d’accord avec Bérénice, ca me parait évident que tu es une super maman !
Il n’est pas toujours possible d’être dans l’hyper bienveillance ! Les personnes parfaites n’existent pas et si elles existaient on les détesterait !
Là tu apprends à ton fils que la perfection n’est pas un but en soit, que tout le monde a des émotions, qu’il est important de se remettre en question, de s’excuser…
Ca lui servira aussi beaucoup dans la vie.
Quelques petites idées en vrac si ca peut t’intéresser:
– j’ai entendu dans un podcast, une maman qui avait affiché sur le frigo un roue pour indiquer où elle en était de son cycle menstruel vu qu’il avait beaucoup d’impact sur son humeur. Comme ca ses enfants (et son mari) pouvaient mieux comprendre son manque de patience et ses sautes d’humeur. Ca ne l’excuse pas mais ca permet de se préparer et de savoir si c’est le jour ou pas de demander une douzième histoire.
– j’ai lu plusieurs livres sur la parentalité qui m’ont généralement pas convaincu plus que ca. Les deux seuls que j’ai vraiment aimés sont « Parents épanouis, enfat épanouis » et « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfant parlent » de Faber et Mazlish. Ce n’est pas une méthode d’éducation mais des témoignages de groupes de parents qui essaient de progresser ensemble. Ca te donne des « habiletés » pour mieux comprendre et gérer différentes situations. Tout en disant que tout ne marche pas pour tous les enfants/tous les parents et qu’il n’y a pas d’erreur impardonnable.
– attention à la phrase « je suis fière de toi ». Je l’ai énormément entendu dans ma famille et résultat j’ai découvert à 30 ans que je m’étais beaucoup construite pour les rendre fière.
Il est souvent plus efficace de dire à ses enfants qu’ils peuvent être fiers d’eux même.
– ma maman te ressemble beaucoup. Elle est rigolote, pleine d’idées pour nous rendre la vie plus intéressante, elle nous faisait un max de calins, nous disait qu’elle nous aimait, nous a partagé son amour de la lecture et de l’imaginaire… Elle était aussi sévère et tenait à ce qu’on présente bien, soit respectueux et polis en toute circonstance. On a aussi eu quelques fessés petites et des punitions.
Ce que je retiens de mon enfance c’est davoir été heureuse, aimée et d’avoir plein de souvenirs partagés dont je veux parler à mes propres enfants. Et surtout d’avoir eu confiance en mais parents quel que soit le sujet. Ma mère est une source d’inspiration concernant ma parentalité. Je ne veux pas tout faire comme elle mais j’espère avoir la même relation avec mes enfants.
Ne te juge pas, surtout après si peu de temps passé avec ton fils !
J’aimeJ’aime
@Laura merci pour l’astuce de passer de « je suis fier de toi » à « tu peux être fier de toi » je n’y avais jamais pensé.
J’aimeJ’aime
J’aime beaucoup l’idée de la roue pour suivre le cycle ! Dans mon cas c’est vraiment le fait de perdre complètement les pédales par moments et de hurler qui me mine… Heureusement, plus Pirlouit est avec nous moins cela arrive.
Ça me rassure de voir que même en étant des parents sévères on peut construire une jolie relation avec son enfant.
J’aimeJ’aime
Être parfait, en tant que maman, que partenaire, que collègue ou qu’amie, c’est impossible ! Savoir ses forces et ses faiblesses, c’est important !Tu es sur la bonne voie, je pense !
(J’ai juste une remarque chiante, encore une meuf qui va te dire quoi faire alors qu’elle-même n’a pas d’enfant et n’a pas envie d’en avoir, du coup, tu as le droit d’ignorer ce que je vais te dire, mais ayant moi-même des problèmes de ce côté-là, je me dis que ma remarque sera peut-être utile. « Je suis fière de toi » c’est important de le dire, mais il ne faut pas dire que ça, car sinon l’enfant ne sera fier de lui que dans le regard des autres. Dire « tu peux être fier de toi » c’est aussi très très trèèèèès important, car comme ma psy m’a dit, la fierté est une capacité, et en disant « tu peux être fier de toi » tu lui apprend cette capacité qui va favoriser sa confiance en lui.)
J’aimeJ’aime
Dans la même lignée, je dis fréquemment à mes enfants : « j’ai vu que tu avais fait XXX (essayé de faire XXX), c’est courageux/gentil/compliqué… tu peux être fier de toi ». Ou alors « je suis fière de moi car j’ai fait ca. Et toi as tu fais quelque chose qui t’a rendu fier? »
J’aimeJ’aime
Vous êtes plusieurs à faire la remarque sur le « je suis fière de toi ». Je n’y avais jamais réfléchi mais c’est effectivement très sensé !
J’aimeJ’aime
Merci pour ce super article, je suis toujours très contente de vous suivre Mme Espoir. Vos réflexions sont très intéressantes, j’ai particulièrement apprécié ce que vous dites sur votre degré de patience, qui vous a étonné (versus le papa pourtant très patient à la base). Comme quoi, la parentalité c’est toujours un artisanat compliqué et on fait de son mieux. J’ajouterai qu’on sera plus ou moins tolérant envers soi-même en lien avec les périodes de vie. J’ai traversé des périodes professionnelles très compliquées et dans ces moments-là, on n’a pas trop le temps de se demander si on est la mère qu’on aurait aimé être… parce qu’on est la tête sous l’eau et qu’on essaie juste d’avancer en se promettant qu’on va se remettre à lire bientôt les histoires du soir.
@Autres commentaires : merci pour la réflexion sur la fierté ! J’ai beaucoup entendu « je suis fier de toi » enfant et en effet, à posteriori, je me dis que entendre « tu peux être fière de toi » est le complément indispensable qui manque souvent.
J’ai cru comprendre dans une discussion précédente que la tenue de ce blog était parfois compliquée, et j’en profite pour vous dire à toutes, les autrices/administratrices, que ce blog est vraiment un nid à pépites ! J’adore vous lire depuis Dans ma tribu et vous avez toutes contribué à enrichir mon chemin. Donc merciii à vous toutes, les autrices 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
@Lucie alors là, je ne peux qu’adhérer à ton dernier commentaire. Merci à toutes, d’accord ou pas d’accord, vos articles m’ont beaucoup apporté, de Mle Dentelle, en passant par Dans ma tribu et en finissant sur Bribes de vie 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup pour vos commentaires ! Toutes les autrices sont bénévoles pour la gestion, et cela prend du temps. Avoir des retours aussi positifs nous fait beaucoup de bien ❤️
J’aimeJ’aime
C’est beau ❤️
J’aimeAimé par 1 personne