Le syndrome de l’imposteur
Régulièrement, on voit des articles passer sur le syndrome de l’imposteur. Ce terme, apparu au début des années 80 (alors même que je n’étais pas encore de ce monde, c’est vous dire à quel point je suis jeune !), caractérise une modestie poussée à l’extrême où les gens ne s’attribuent pas les mérites de leurs succès. En gros, les personnes touchées ont l’impression qu’elles usurpent leur place et seront tôt ou tard démasquées.
Mais en vrai ?
Au début de ma carrière professionnelle, fraichement sortie de l’école, mon chef m’avait confié une mission extrêmement complexe techniquement. Je ne comprenais pas trop pourquoi il me confiait ce dossier à moi, junior, alors que mes collègues avec plus d’expérience avaient à traiter des choses plus simples. Au bout d’environ un an à sortir les rames à chaque réunion pour essayer de comprendre de quoi il s’agissait et comment ça fonctionnait, je me suis aperçue que les gens autour de la table n’avaient, pour la majorité, qu’une très vague compréhension du sujet, et que le tout était très fumeux. Et que mes collègues avaient refusé le dossier parce qu’ils n’y comprenaient rien ! Donc je me suis mise à débiter des termes techniques en ayant la ferme conviction d’enfiler des perles, et par miracle, tout le monde a cru que j’étais extrêmement compétente sur le sujet. J’ai ouvert les yeux sur la réalité du monde du travail.

Crédit photo : Geralt
Le culte du paraître
Globalement il ne s’agit pas d’être compétent mais d’avoir assez de sang-froid et d’aplomb pour sembler l’être. C’est avec une certaine fascination que je me suis par la suite aperçue dans mon entourage professionnel que les personnes compétentes mais peu communicatives ne sont pas celles qui réussissent le mieux. Alors probablement que lorsqu’il y a de vrais indicateurs pour mesurer les performances d’un collaborateur, il est facile d’évaluer la qualité professionnelle de quelqu’un. Par exemple, pour un hôte de caisse, le nombre d’articles passés, ou pour un chirurgien le nombre de personnes sauvées (quoiqu’il peut attribuer ses mauvais résultats à cause de mauvais patients !). Mais sinon ?
Tout le monde a ce collègue énervant, ultra sûr de lui et légèrement arrogant, qui n’hésite pas à la ramener sur tout, tout le temps, et surtout quand il n’a rien à voir avec la choucroute. Celui qui donne son opinion en réunion alors qu’on ne lui a rien demandé, qui fait semblant d’avoir compris alors que le vide abyssal de ses yeux de poisson pas frais prouve indubitablement le contraire. Il n’hésite pas à prendre des sujets pour lui, en les refourguant avec talent par la suite. Il prend les devants, donne des ordres alors qu’il n’est pas légitime et laisse les autres se dépatouiller avec le chaos qu’il a généré. (ce paragraphe est une dédicace particulière à B., si tu me lis par le plus pur des hasards, sache que je t’apprécie relativement en tant qu’individu et que je t’exècre profondément en tant que collègue. Bisous quand même)
Une bande d’incompétents aux commandes ?
Ce qui est sûr, c’est que quelle que soit l’entreprise (fonction publique incluse !), les décideurs ne sont pas les faiseurs. Ceux qui œuvrent dans l’ombre sont bien souvent les plus compétents à la réalisation. Oui, il y a besoin de chefs, mais des chefs conscients de la réalité c’est encore mieux. Je savoure les réunions (grande maladie française) où le Grand Boss décide d’inviter des « gens du terrain ». Qui savent que de toutes façons, bien vu ou mal vus de Grand Boss, ils seront payés pareil à la fin du mois. Et qui ne mâchent pas leurs mots pour expliquer à quel point les mesures proposées sont inadaptées (en des termes plus fleuris). Ahhh ce doux moment où on peut sourire d’un air entendu « je ne le redirai pas mais je l’avais bien dit ». J’ai globalement l’impression que la courbe savoir-faire/paraitre s’inverse au fur et à mesure de la progression dans l’ordre hiérarchique. Et si c’était là que résidait le syndrome de l’imposteur ? Se rendre compte que l’on produit plus de vent que de concret, et mal le vivre ?
Je n’ai pas ce problème. Je sais que je ne sais rien (comme dirait un vieux copain grec), ou en tous cas pas grand-chose. Mais ce pas grand-chose, je l’exploite avec panache, et mes chefs en semblent fort satisfaits. Si tu as l’impression d’être un imposteur, le meilleur moyen de te guérir est de prendre du recul sur tes capacités réelles et de les comparer à celles de tes collègues. Je suis certaines qu’en étant objectif, tu t’apercevras qu’ils ne valent pas mieux que toi dans leur immense majorité.
Qui est le vrai imposteur ? Celui qui brille avec 90% de paraitre et 10% de compétences ? Ou celui qui œuvre discrètement avec 90% de compétences et 10% de paraitre ?
Souffres-tu parfois tu syndrome de l’imposteur et tu ne trouves pas légitime dans ton poste ? Ou au contraire, tu as toi aussi le sentiment que les gens qui réussissent le mieux sont ceux qui font le mieux semblant ?
Intéressant ton article. Il y a un livre qui est pas trop mal et que je recommande souvent à mon entourage, c’est le principe de Peter qui malgré qu’il a été écrit à la fin des années 60 reste très dans l’actualité pour le monde du travail. Je pense que ce tu décris un peu dans ton article tu le retrouveras ^^.
J’aimeJ’aime
LOL je fais mon métier depuis 2006 et je constate la même chose. Je suis amenée à écouter attentivement grands patrons, chefs, managers, terrain ou non dans de multiples entreprises et je dis souvent que l’imposteur est rarement sur le terrain ou au sommet, bien souvent au milieu.
En revanche, je constate aussi une inversion de la tendance. Bien des entreprises font progresser des profils issus du terrain, ce qui, je dois l’avouer, change du tout au tout le ton des réunions… c’est plus marrant car plus direct 😉 j’imagine que c’est dû à deux phénomènes : les entreprises regardent à deux fois leurs embauches depuis 2008/2009 et en conséquence favorisent la progression de carrière ; et elles ont besoin d’être efficaces. Or, on n’est pas efficace avec un « blablateur » aux commandes.
J’aimeJ’aime
Mais teeeeeeellement !!! Pendant longtemps cette situation a même entretenu le manque de confiance en moi car quand j’allais dans des réunions où mes collègues / managers ne racontaient que de la m*** mais paraissaient tellement sûr d’eux, j’ai fini par croire plusieurs fois que c’était moi l’incompétente !
Il y généralement un signe qui ne trompe pas, ceux qui parlent beaucoup… je m’en méfie comme de la peste.
J’aimeJ’aime
J’ai parfois ce syndrome de l’imposteur, entre autre je n’aime pas recevoir des compliments sur mon travail car j’ai souvent l’impression de ne pas avoir fait grand chose.
Mais je pense que c’est plus dû à un manque de confiance en moi qu’au fait que les autres sont des grands blablateurs/prétentieux.
Je connaissais le principe de Peter cité par Miss Nounours (on progresse dans la hiérarchie jusqu’à son niveau d’incompétence) et je le trouve assez réaliste.
J’ai là chance de bosser dans l’amélioration continue et de passer plus de temps avec les faiseurs qu’avec les décideurs. Et ce que j’adore dans mon travail c’est justement de montrer aux personnes qui bossent qu’elles peuvent avoir un impact sur le travail qu’elles subissent. Que si elle ne peuvent pas tout changer, elles peuvent améliorer pas mal de choses à leur niveau pour avoir un boulot plus agréable et logique. Et que vu que ca améliorer aussi leur performance, leurs chefs vont les laisser tranquilles.
J’aimeJ’aime
Ah ah pareil ici. J ai parfois l impression de ne pas être assez compétente surtout quand je fais des erreurs mais je suis sûre que ceux qui parlent beaucoup ne sont pas forcément mieux.
Je complexe souvent car je ne fais pas de beaux tableaux ou de belles présentations mais je suis intuitive, sociable… il faudrait que j ai plus confiance en mes qualités au lieu de ne regarder que mes défauts
J’aimeJ’aime
Je ne suis pas sûre que le syndrome de l’imposteur réside seulement dans le fait de brasser du vent ; j’ai la chance de faire partie d’une équipe de gens super compétents dans l’ensemble (on est dans le privé et en gros, on nous paie pour trouver des solutions pour nos clients, donc si on n’a rien de concret à la fin, ben… ça se voit !), et pourtant, j’ai un syndrome de l’imposteur carabiné. Le pire c’est que mes collègues sont au courant et que ça les fait bien rigoler parce qu’ils ne sont pas d’accord (ils ont peut-être leur propre syndrome de l’imposteur haha). Je pense que c’est vraiment surtout une question de confiance en soi : si quelqu’un brasse du vent dans notre domaine, on s’en rend compte, en tout cas moi les gens qui font ça ne me complexent pas du tout (mais les discrets compétents, si). Ce que je me dis toujours, c’est qu’on voit ce que les autres veulent bien montrer (souvent leur meilleur coté), mais nous on voit tout de nous-mêmes (y compris nos doutes et errements!), donc la comparaison n’est pas fair de toute façon. Mais bon, facile à dire, je cherche encore la solution miracle pour arrêter de se dévaloriser ‘:)
J’aimeJ’aime