Prendre le risque d’être mère ?

Prendre le risque d’être mère ?

Dans le grand imaginaire collectif, qui était le mien jusqu’à récemment je l’admets, un test de grossesse positif préjugeait quasi tout le temps d’un beau bébé à la fin. Oui, je sais, optimisme irréel de primipare, qui dans mon cas a perduré après ma première grossesse, qui s’était globalement bien passée, et m’avait apporté ma jolie petite fille tant désirée.

Pourtant je savais. J’avais été témoin de fausses couches dans ma famille, de la perte d’un bébé à quelques jours du terme chez une amie de mes parents. Mais je ne sais pas, je n’avais pas intégré. Je pense que j’étais resté coincé sur le fameux « c’est les autres, ça ne m’arrivera pas à moi ! ».

Sauf que… C’est arrivé.

Après avoir perdu mon deuxième bébé à cinq mois de grossesse, après l’avoir tenu quelques minutes dans mes bras le temps que sa vie prenne fin, j’ai réalisé que « les autres », c’était moi. Que je ne suis pas toute puissante, et que je cours les mêmes risques que tout un chacun. Et maintenant, je sais que je cours même… Plus de risques.

Connaître les risques

Ce qui m’est arrivé se nomme dans le jargon médical « rupture prématurée des membranes », qui correspond globalement à une fissure ou une rupture de la poche des eaux avant 37 semaines d’aménorrhée. Cette pathologie n’atteint que 3% des grossesses, et uniquement 0,4% des grossesses lorsqu’elle survient avant 27 SA… Pour une première fois.

Le risque de récidive, lui, fait bien plus froid dans le dos. Les études montrent en moyenne 30% de récidives sur une grossesse suivante, soit un risque sur trois de reperdre un bébé de la même façon. C’est juste énorme ! Et ça l’est d’autant plus quand on sait que globalement en France, la cause de cette pathologie n’est recherchée sérieusement qu’à partir de la deuxième, voir de la troisième perte.

En gros, on nous dit de repartir au front, de retenter un bébé, avec ces 30% de récidives dans un coin de la tête, et si le deuil nous frappe une deuxième fois, alors là on commencera à chercher une cause autre que « la faute à pas de chance ». Oui, oui, ça donne envie…

Mais ce n’est pas tout. Quand on est victime d’un deuil périnatal, on commence fatalement à graviter dans ce monde. On suit des comptes spécialisés sur les réseaux sociaux, on s’inscrit à des groupes de parole, etc. Et là on découvre toute la panoplie des causes possibles d’un deuil périnatal.

Fausse-couche. Mort fœtale in utero. Interruption médicale de grossesse. Accouchement prématuré. Malformations. Néonatalogie. Pré-eclampsie.

Tout cela, ce sont des termes que je connais bien maintenant. Pire, je connais des bébés décédés à cause de cela, je côtoie leurs parents. Je vois les larmes de leurs mères, je les essuie parfois. Alors comment on envisage de tenter de redevenir mère quand on a pleinement conscience des risques que cela implique ?

Un cheminement personnel

Crédit photo : Jose Antonio Alba

Après l’envol de notre étoile, la question d’une nouvelle parentalité s’est posée très vite pour nous. Si certains couples mettent des années à ne serait-ce qu’envisager une nouvelle grossesse, pour nous il était indispensable de se poser des questions dès le départ. Je savais, au fond de moi, que si je tardais trop, je laisserais la peur s’incruster dans tous les pores de ma peau, et j’avais peur de ne plus jamais arriver à vouloir d’un troisième bébé.

Et puis, face à ce 30% de risque médical, j’ai rapidement mis en exergue le 100% de risque d’être triste si je n’avais pas d’autres enfants. Moi qui avait souvent eu envie d’une famille nombreuse, c’est mon rêve que je piétinais, si je m’arrêtais à cet « échec ».

Alors évidemment, nous nous sommes posés des questions sur l’adoption. Sans grossesse, pas de risque de revivre un deuil périnatal. Sauf que nous sommes fertiles, et déjà tous les deux parents : l’adoption aurait été extrêmement longue et complexe, nous le savions.

Alors, étions nous prêts à prendre le risque ? Étais je prête à refaire confiance à mon corps pour porter un bébé, en le gardant au chaud le plus longtemps possible cette fois ? Étions nous prêts à revivre une grossesse, mais cette fois ci dans l’incertitude la plus totale, notamment jusqu’à la fin du deuxième trimestre ?

Étions nous prêts, finalement, à prendre le risque d’enterrer de nouveau un de nos enfants ?

Nous avons choisi la vie

La conclusion, c’est que nous avons choisi de prendre le risque, parce que le risque, c’est aussi notre chance de donner la vie. C’est notre chance de déjouer le mauvais sort et de construire cette famille dont nous rêvons tant. Notre unique chance de tenir de nouveau un nourrisson dans nos bras.

Alors dès que nous avons eu un feu vert de principe du corps médical, nous avons juste laissé faire la vie.

Et comme la vie se sentait d’humeur joueuse, elle ne nous a même pas laissé le temps d’enregistrer cette décision dans nos cerveaux éprouvés par le deuil. Deux mois et demi après avoir perdu notre fils, une petite graine est venue se nicher dans ce corps qui me fait si peur.

Je mentirais si je disais que c’est facile. Il faut depuis jongler entre notre peine, nos vies malgré tout bien remplies, les maux d’une grossesse somme toute éprouvante, et puis ces risques, ces fichus risques qui demeurent et qui peuvent nous voler notre bébé à chaque instant.

Et je ne sais pas ce qu’il adviendra. Au jour où j’écris cet article, le risque de mettre au monde un bébé extrême prématuré est écarté, puisque je viens de passer 28 SA. Mais ça n’écarte pas les risques de prématurité, ni tous les autres risques qui existent, et une part de moi les garde en tête.

Tout en se préparant, ça y est, à donner de nouveau la vie.

Et cela, sous une bonne étoile !

8 commentaires sur “Prendre le risque d’être mère ?

  1. En plus du risque de deuil périnatal, il faut aussi penser à la possibilité de handicap. Se sentir prête à l’affronter seulE, sans aide, ni de la CAF ni de personne…
    Quand on s’imagine maman, on ne pense qu’au meilleur, c’est plus facile ainsi…

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  2. Nous avons aussi vécu un deuil périnatal et j ai eu le besoin viscéral de retomber enceinte après. Il fallait que je tienne un bébé en vie dans mes bras. Malgré tous les risques de récidive (malformation dans notre cas) que cela comportait.
    Je suis retombée enceinte comme toi et ma fille a 4 ans désormais.
    Je t envoie plein de pensées pour la fin de ta grossesse

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  3. Plein de pensées pour ta fin de grossesse, en te souhaitant le plus de sérénité possible et une belle naissance.
    Après mon IMG, je n’avais pas le droit de retomber enceinte pendant plusieurs mois pour être sûre que la maladie n’était plus présente. … Ça m’a refroidi et je t’avoue avoir connu quelques péripéties dans ma vie de couple qui ont fait que je n’en ai plus voulu pendant un moment, d’autres projets se sont greffés sur ma vie, en même temps que jarretais le congé parental de ma fille qui entrait à l’école. On a finalement fait le choix de ne pas en avoir d’autres pour des raisons matérielles, environnementales et parce qu’on n’avait plus cette envie de se remettre dans les couches, nuits hachées, être dépendant d’un tout petit être alors que notre fille devient de plus en plus autonome.
    Je vais dire que c’est presque sans regret même si une part de moi même se demande toujours comment ma vie serait actuellement avec 2 enfants.

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    1. Merci pour ton témoignage et tes pensées 🙂 Je pense qu’on se demande toujours comment serait notre vie si on avait eu d’autres possibilités ou fait d’autres choix, et je suis heureuse pour toi que tu arrives à ne pas regretter ce choix. J’avoue que je me suis aussi posé la question de se relancer dans un nourrisson alors que petite Loutre n’est plus du tout un bébé (et c’est tellement bien !!!!), mais bon tant pis, on est reparti pour les nuits écourtés et les cacas explosifs 😀

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