Si jeune harceleur

Si jeune harceleur

Tu as environ huit ans, la rentrée n’est pas très loin, tu maîtrises ton environnement, cette cour d’école que tu as déjà parcourue les années précédentes. Tu as ton groupe de copains et vous rigolez de tous ces nouveaux CP perdus. C’est plus simple la rentrée quand on n’est pas les plus petits. Vous les observez et vous en repérez un.

Il n’a même pas encore six ans, un tout petit, il ne connaît pas les codes. Il est naïf, un peu peureux, impressionnable, et il a cette dérangeante caractéristique d’aller vers les autres. Tu n’acceptes pas ça, il doit rester à sa place de petit et n’a pas à jouer avec les grands.

Alors tu commences à le coincer dans un coin à la récré, et avec tes copains vous lui criez dessus jusqu’à ce qu’il pleure. C’est tellement drôle. Ça le remet un peu à sa place et il comprend qui sont les chefs, non mais.

Mais mince, le bébé en a parlé à ses parents. Parce qu’il a été élevé comme ça. Dans l’amour et la confiance. Ce qui est encore plus rageant, il ne se laisse pas martyriser en silence, c’est gênant. Du coup avec le soutien de ses parents il est allé en parler à la maîtresse. Et tu as pris des remontrances ! Une honte ! La maîtresse se met même dans la cour de façon a avoir une vue sur le coin où tu coinçais ce pleurnichard et promet des punitions si elle te voit recommencer.

Tu aurais pu t’arrêter là. Comprendre que si la maîtresse était intervenue, c’était parce que ton comportement était inapproprié. Mais non. Tu es vexé et tu n’as pas fini de jouer avec ta souris pleureuse.

Crédit Photo : Alexas_Fotos (Creative Commons)

Il a osé se plaindre alors tu vas le menacer. Qu’il fasse attention à son sac parce que dès qu’il ne regardera pas tu lui voleras toutes ses affaires. Avec ça il devrait continuer à avoir peur en venant à l’école et à rester à sa place de moins que rien.

Tu n’as que huit ans environ et je m’inquiète de l’adolescent et de l’adulte que tu deviendras.

Ce petit garçon que tu harcèles, c’est le mien. Avec toute ma persuasion, je commande à mon corps de ne pas courir à l’école pour te plaquer contre le mur et te faire comprendre que si tu continues seulement à regarder mon fils de travers, je ferais de ta vie un enfer. Avec toute ma persuasion, je tente de convaincre mon mari de ne pas lancer trop de démarches et de faire confiance à l’équipe éducative.

Tu n’as que huit ans et je suis une adulte, je me dois donc de réagir en adulte mais mes entrailles bouillonnent.

Tu n’as que huit ans mais ton avenir paraît déjà bien sombre si tu traites les autres comme ça à ton âge.

Tu n’as que huit ans et il n’est peut-être pas trop tard pour sauver la situation. Tu as encore tant à apprendre. Tu n’as que huit ans et tes actes sont encore rattrapables, alors avec l’équipe éducative on va travailler pour, en espérant que tes parents comprennent les enjeux et jouent le jeu eux aussi.

Tu n’as que huit ans.

25 commentaires sur “Si jeune harceleur

  1. Ton texte est très fort. J’espère que ton enfant va bien, et qu’il n’aura jamais peur d’aller à l’école.
    En tant que maîtresse, c’est un stress pour moi, le harcèlement. J’ai peur de ne pas réussir à le déceler dans la cour ou dans la classe. Alors je parle beaucoup avec mes élèves, en classe, à la récré, pour essayer de montrer à ceux qui en auraient éventuellement besoin que je suis là pour les écouter.

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    1. @Inès je me permets de commenter ton commentaire 😉 j’ai l’impression que tu prends le problème à l’envers, ne devrait-on pas commencer par expliquer que ces comportements ne sont pas acceptables ? Au centre de loisirs de ma fille, ils font des jeux de rôle de manière à mettre tout le monde en position de victime. Je trouvais cette idée plutôt bonne, donc je transmets 😉
      Bon courage à toi, je suis soulagée de lire que les équipes éducatives sont sensibilisées à ces sujets.

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      1. Les deux vont ensemble il me semble.
        On dit aux élèves de venir voir le corps enseignant pour rapporter ce genre de comportement qui est inacceptable et pourquoi c’est inacceptable. La discussion sur les règles à respecter se fait normalement dans toutes les classes.

        Mais je trouve ca important aussi de dire aux élèves que les enseignants sont des personnes accessibles qui sont aussi la pour les aider avec différents problèmes, qu’ils peuvent se confier. Comme ca, ils nous parlent de harcèlement, du divorce de leur parent, de problèmes familiaux ou de santé plus librement…

        Les jeux de rôles sont en effet une bonne idée !

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      2. Moi aussi je trouve que c’est une super idée les jeux de rôle ! C’est très bien que le corps enseignant soit là pour entendre les problèmes des enfants, mais je reste toujours, comme je l’ai dit sur un autre article à ce sujet (d’ailleurs ce serait intéressant que Marguerite qui avait écrit l’article passe par là), assez peu optimiste sur la capacité de l’équipe pédagogique seule à faire arrêter le harcèlement une fois qu’il a commencé. Par contre en effet, la prévention par des jeux de rôle ou autre, et apprendre à son enfant à ne pas se laisser faire (mais comment, c’est une question que j’ai pas encore tout à fait résolue, perso) me paraissent des pistes essentielles. Mais c’est un avis empirique et non documenté par autre chose que mon expérience donc prenez le pour ce que c’est 😉

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      3. Pour moi Inès ne prend pas le problème à l’envers et les deux façons de faire sont complémentaires. Il est important que les enfants fassent confiance aux adultes pour les protéger afin de pouvoir parler si le moindre problème surgit!

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    2. Nous restons très vigilants avec son papa sur le comportement de notre fils pour vérifier que tout va bien et pour le moment, même si forcément il a été touché par cette histoire, cela semble bien se passer. Il est très heureux d’aller à l’école donc espérons que ça dure!

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    1. C’est clairement quelque chose que je redoutais et je n’étais pas pressé de rencontrer ce genre de soucis… L’école maternelle ou étaient(sont) mes enfants est en plus une toute petite structure ou ils sont ultra protégés donc on apprend un peu violemment la « vraie » collectivité avec l’élémentaire. Avec des enfants beaucoup plus grands qui parfois sont à un stade très éloigné des plus petits de l’école (5 ans à cette âge là c’est énorme au niveau différence de comportement!)
      Après je ne sais pas comment réussir à s’assurer que les enfants comprennent la portée de leurs attitudes pour aider à faire cesser ce genre de comportement. J’ai proposé de mettre en place un tutorat ( un grand fait découvrir à un plus petit le fonctionnement de l’école) pour développer la responsabilité chez les enfants. Les responsables des parents d’élèves ont bien aimé l’idée et on doit la soumettre au corps enseignant pour l’année prochaine.

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      1. Je me permets de commenter à nouveau parce que je pense vraiment que ta piste est bonne. Je m’explique : en première section, ma fille était dans une école de 2 classes jusqu’au collège, soit 4 niveaux par classe. Je ne savais pas trop quoi en penser mais j’ai constaté lorsqu’ils jouaient devant l’école à la sortie que les grands étaient bienveillants avec les petits. En fait, ça crée réellement un collectif non pas soudé mais habitué à vivre les uns avec les autres. Du coup, ma fille est timide mais s’est trouvée de fait embarquée dans les activités. Nous avons dû déménager pour sa moyenne section et, là, choc des cultures avec une grande école. Pour le coup, ça ne gêne plus aucun enfant que l’un d’entre eux reste dans son coin par timidité et les grands n’en ont strictement rien à faire des petits, constat fait lors de la soirée d’Haloween avec toute l’école où une petite de 3 ans est méchamment tombée, bousculée par 2 grands. Je ne dis pas du tout que les uns sont plus sympas que les autres mais l’idée du tutorat non seulement sensibilise (il est quelque part obligé de faire attention à un petit) et responsabilise le grand (il est chargé d’un petit) mais en plus j’imagine que ça réconforte le petit d’être quelque part sous la protection d’un grand.
        Vraiment top ton idée, si l’occas se présente je me permettrai de faire un copyright 😉

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        1. Merci pour ton retour! On espère que le corps enseignant sera aussi enthousiaste! On voulait aussi proposer d’étendre le dispositif au collège dans le but vraiment d’arriver à stopper les possibilités de harcèlement. Typiquement avec ce qu’il s’est passé cette année contre les 2010 on se dit que ça ne peut pas faire de mal de mettre en place une dynamique d’échanges positifs entre différents niveaux. J’espère que ça pourra être mis en place.

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  2. Merci pour cet article qui fait echo à une situation que mon fils a vécu en CE1. Il se faisait prendre son goûter au centre le soir. L’équipe éducative est intervenue auprès des enfants en question mais nous restons vigilants. Bon courage !

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    1. J’ai toujours trouvé que les enfants étaient des teignes même quand j’en étais une donc j’ai une vision biaisé mais oui je trouve que c’est quand même fou d’avoir des idées pareil aussi jeune…
      Je ne sais pas si les parents ont été prévenu… j’ai choisi de faire confiance à l’équipe éducative et cela semble fonctionner vu que mon fils nous assure qu’il ne se fait plus embêter depuis qu’on a rencontré la maitresse. En revanche on a encore découvert des choses ce week-end et j’en reste bouche bée des idées tordues de ce petit garçon…

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  3. J’espère que la situation s’arrangera vite. C’est la peur de tous les parents !
    Comment as tu discuté avec ton enfant sur ton problème ? As tu essayé de lui faire changer son comportement à l’école ? (Même si ce n’est pas lui le problème ! Mais genre l’aider à trouver un groupe d’amis pour être moins seul, lui apprendre des « punchlines »…)
    Ici depuis quelques jours l’école nous a alerté car notre grande de 3 ans s’est mis à pousser, taper, crier et même parfois à mordre pour obtenir ce qu’elle veut. J’avoue que je ne m’y attendais pas du tout (au vu de son comportement avec nous au parc) et qu’on a beau lui en parler tous les jours, s’être mis d’accord avec les profs sur notre comportement et les règles à suivre. Ca ne s’arrange pas aussi vite qu’on le souhaite. (On a vu quelques progrès quand même.)
    La seule différence (à part l’âge) avec ton petit harceleur, c’est qu’elle ne s’en prend pas à un seul enfant mais à celui qui à le jouet qu’elle convoite, y compris les plus grands qui n’hésitent pas à résister et à lui rendre la monnaie de sa pièce.
    C’est aussi difficile à entendre en tant que parents et de savoir comment réagir.

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    1. Pour en avoir discuté avec des amies on est d’accord sur le fait qu’on «  » » » »préfère » » » » être parents d’enfant harcelé que harceleur. Clairement quand on m’a expliqué qu’à 4 ans mon fils volait les gouters des copains j’étais au plus mal. On a du revoir ce qu’il avait pour le gouter et rediscuter très longuement avec lui du principe de propriété et de vol. Mais au final il ne le faisait pas forcément consciemment à cet âge là et en expliquant encore et encore le problème ne s’est pas reproduit.

      Ici il y avait une notion d’acharnement sur un enfant avec des individus identifiés. Du coup on a effectivement aussi repris une partie du comportement de notre fils. On lui a demandé de ne plus aller vers les groupes d’enfants plus grands même si on pouvait comprendre que ça pouvait donner envie. De rester avec des enfants qui n’étaient pas méchants avec lui. Et de systématiquement aller dire à un adulte s’il se passait quelque chose de mal.

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  4. J’envie ton comportement avec calme et recul ! Personnellement je serais incapable dans une telle situation d’opter pour ton comportement. Je serais directement passé par la case « directrice /directeur » et je leur aurais demandé des comptes sur la surveillance des élèves pendant les récréations et j’aurais exigé un entretien avec les parents de l’enfant concernés. J’aurais aussi peur que mon fils ne soit pas le seul harcelé et que d’autres n’aient pas eu le courage de parler à leurs parents …

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    1. Malheureusement comme je le disais plus haut, c’est très difficile pour les enseignants de déceler ce genre de comportement en récré. S’il n’y a pas de violence physique, situation dans laquelle nous intervenons très vite et systématiquement, comment peut-on savoir ce qui se dit entre deux élèves ? On ne peut pas écouter chaque conversation et heureusement pour les enfants.

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    2. « Calme et recul » hum hum… J’ai essayé le plus possible, parce que je ne voulais pas que mon fils pense qu’il avait fait quelque chose de mal, de maitriser mes réactions. Mais il est possible qu’hier en découvrant qu’on avait ordonné à mon fils d’arrêter de manger de la viande pour arrêter d’avoir des forces j’ai mentionné le fait d’enterrer ce gamin vivant…

      Clairement je reste humaine et même si j’ai choisi de faire confiance à l’équipe éducative j’ai tout de même réagi. Mais sans courir à l’école (même si ça me démangeait…) sans déclencher mes possibilités d’atteindre les parents de l’enfant par mon rôle de responsable des parents d’élèves. Parce que je ne voulais pas non plus que mon fils se dise qu’il ne pouvait pas faire confiance au système.

      Donc dans un premier temps on lui a dit d’en référer à la maitresse. Quand celle ci a été absente et qu’on a su que l’enfant en avait profité pour revenir embêter notre fils on a écrit un mail à la directrice, puis j’ai eu un coup de téléphone avec elle pour expliquer la situation. Une semaine après on a eu rendez-vous avec la maitresse. Depuis mon fils nous assure qu’il n’est plus embêté. Donc je me dis qu’on a eu raison de « faire confiance » et de ne pas court-circuiter le fonctionnement de l’école.

      Mais oui c’est dur. Cette histoire me tort toujours le ventre. Mais régulièrement on explique à mon fils que pour pouvoir le protéger il faut qu’il parle aux adultes. Peu importe les menaces il sera toujours gagnant à ne pas se laisser menacer et intimider. Lui ou un autre. Ce qui marche avec le harcèlement c’est le silence, donc on fait tout pour le briser.

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  5. Mon cœur de maman se serre. Je pense que tout parent a peur que son enfant soit harcelé un jour.
    L’effet de groupe joue fortement je pense car même des enfants élevés dans la bienveillance et le respect de l’autre peuvent être harceleurs.
    J’envie ton calme et ta sagesse.

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    1. Je ne reviendrais pas sur mon calme et ma sagesse (voir ma réponse plus haut) XD mais clairement j’ai tenté de ne pas générer un stress supplémentaire à mon fils. Son père était déjà assez remonté comme ça pour deux.
      J’avoue être complétement démunie parce que je n’ai jamais été influencée par un groupe à faire quelque chose qu’on m’avait apprise comme mal. Faire du mal a un tiers m’a toujours paru incongru et je n’ai jamais eu de besoin d’appartenance à un groupe qui m’ait poussé à aller contre ça.
      Donc (sans provocation aucune) j’ai du mal a concevoir qu’en ayant été élevé dans la bienveillance et le respect on harcèle « par effet de groupe » et je vois plus ça comme une excuse.

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  6. Bonjour,
    Ce message me ramène 1 an en arrière. Quand intervenir auprès du directeur de l’établissement met de l’huile sur le feu et est pire pour mon fils. Pour nous le livre te laisse pas faire d’Emmanuelle Piquet a été d’une grande aide. Elle propose des clés pour aider l’enfant à s’en sortir seul. Bon courage

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    1. Merci pour la recommandation lecture! En revanche la première partie de ton commentaire me désole… Je ne comprends pas que le fait de vouloir demander à l’équipe éducative de l’aide puisse faire empirer une situation. Comment peut on trouver acceptable que le harcèlement existe dans son établissement? Comment peut on ne pas protéger les enfants?

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      1. Y a un ted X d emmanuelle piquet qui explique bien son point de vue: https://youtu.be/iMGLy-juSxw
        Je vous le conseille vraiment. En fait, si l enfant a seulement recours aux adultes pour se protéger, le harcèlement a plus de chance de se poursuivre, car le fait d avoir besoin des adultes est parfois perçu comme une faiblesse… et comme une « autorisation » à poursuivre.
        Il faut lui donner aussi des « armes » dès les premières remarques.
        Par exemple, si on lui dit  » t es moche », répondre: « c est celui qui dit qui y ait ». (Ils ont 5 ans, quoi…) Des trucs cons de gamins, qu on faisait en fait gamin.

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        1. Alors oui on peut donner des armes mais il faut s’adapter à la situation. Quand on est plaqué contre le mur par un gamin nous hurlant dessus (sans formuler quoi que ce soit, juste des beuglements) on peut répondre « c’est celui qui dit qui est » ça ne va pas servir à grand chose. Pour moi il faut différencier les petits accrocs dans la cour de récré ou la effectivement on apprend à notre fils à répondre sur un ton de l’humour pour « décrédibiliser » l’attaque mais dans le cas d’un harcèlement il faut apprendre aux enfants à ne pas gérer seuls. On n’est pas sur le même niveau.

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