Passer du sombre à la lumière

passer du sombre à la lumière

Cela faisait bien longtemps que je n’étais pas venue écrire ici. Je t’avais laissée sur le récit de ma relation avec un fou-dingue et notre rupture compliquée, puis mes questionnements sur les relations amoureuses après ça.

Je ne te cache pas que ma vie a été très compliquée depuis. Ça n’a pas été le seul drame de mon existence pendant ces deux dernières années, et j’ai mis beaucoup de temps à me reconstruire. C’est d’ailleurs toujours en cours.

ombre, lumière

Crédit photo (creative commons) : jplenio

Aujourd’hui, j’ai bientôt 38 ans. Je suis dans ce qu’on appelle les « panic years ». On pourrait parler de tournant de l’existence. Ce moment charnière où il y a un avant et un après. Où les choix et les situations peuvent devenir définitifs. Les moments difficiles que j’ai traversés ont amplifié ce phénomène. Quand on doit affronter à la fois la gestion d’un traumatisme, de deuils, de questionnements sur son existence alors qu’on a un cerveau qui carbure à 100 à l’heure, une anxiété constante et une incroyable capacité à imaginer le pire scénario dans toute chose, c’est très déstabilisant. J’ai le sentiment ancré que si je ne contrôle pas la moindre chose, il va m’arriver des choses terribles. Que je vais rater ma vie.

Avec tous ces éléments, j’ai perdu pied. Mon anxiété s’est généralisée. Je me suis retrouvée en état d’alerte permanent, à subir tous les coups et attendre le prochain qui ne manquerait pas d’arriver, à ne plus croire en rien de positif. Petit à petit, j’ai perdu le goût dans toutes les petites choses qui rendent la vie au quotidien si agréable. Je me suis désintéressée de ce qui pouvait arriver à mes proches, de ce qui pouvait arriver tout court. J’ai perdu le pouvoir de ressentir les émotions, qu’elles soient négatives ou positives. Je n’ai plus ressenti qu’une grande fatigue et une grande lassitude. J’ai mis plusieurs mois à réagir et à comprendre que ça n’allait pas passer tout seul et que j’allais avoir besoin d’aide. J’ai accepté avec difficulté de commencer un traitement médical, et de devoir renforcer mon suivi avec ma psychologue. J’ai accepté que cette prise en charge n’était pas magique, et qu’elle allait prendre du temps. Que guérir d’une dépression passait par des phases de moins bien pendant lesquelles on pense rechuter, mais qu’au final, avancer de trois pas et reculer de deux c’est toujours avancer.

Aujourd’hui, je vais mieux. Mais je ne vais pas encore vraiment bien, ou pas aussi bien que je le voudrais en tout cas. Le suivi psychologique a déclenché un certain nombre de questionnements existentiels, comme si je subissais un RESET. Comme si j’étais un petit mouton qu’on a tondu de sa vieille laine toute emmêlée de croyances limitantes et de biais de négativité, mais dont la fourrure n’a pas encore repoussé et qui se sent donc très vulnérable, tout nu. D’autant plus que la sortie de la torpeur dans laquelle j’avais plongé s’est accompagnée d’une recrudescence de TOUTES les émotions qui est assez déroutante à vivre.

Un gros travail qui me reste à faire sur moi est de changer ma façon de voir les choses, de me voir moi et d’appréhender l’avenir. J’ai tendance à porter la responsabilité de tout ce qui m’arrive, mais seulement quand ce n’est pas bien. Par contre, quand il m’arrive des bonnes choses, je considère que j’ai eu de la chance, ou qu’on m’a fait une faveur. Ma psychologue m’a dit que c’était l’inverse, qu’en général on est responsable de ce qui nous arrive de bien, mais que les choses moins bien sont souvent dues aux circonstances. Je n’ai pas confiance en la vie en général, pas en moi et pas toujours en les autres. J’ai beaucoup de mal à accepter de ne pas être parfaite, mais qui l’est ?

Je suis aussi très fataliste. Je pense que ma situation actuelle (en dépression, célibataire, sans enfant) va durer pour toujours. Je m’imagine déjà finir seule, sans que jamais personne ne vienne me voir, et je m’imagine avoir le sentiment permanent d’avoir raté ma vie. Je fais un gros travail pour essayer de changer cet état d’esprit. Je sais que d’avoir des enfants ne garantit pas une aide et des visites (et est ce que je veux vraiment faire porter cette responsabilité à quelqu’un d’autre ?), que d’être en couple à un moment donné ne garantit pas de l’être toujours, et surtout que beaucoup de gens traversent une période de dépression et guérissent totalement, surtout quand comme moi ils mettent des choses en place pour aller mieux. Surtout, je dois accepter de lâcher prise sur le moment présent. J’essaie de me poser souvent ces questions : « qu’est-ce que je ressens, là maintenant ? » et « qu’est ce que je pourrais faire pour aller mieux, tout de suite ? ». Petit à petit, ça me fait changer de perspective. J’arrive à profiter des petits bonheurs que la vie apporte, à me réjouir de choses sans importance mais qui donnent le sourire, là tout de suite.

Je suis souvent très angoissée, mais dès que je réfléchis au pourquoi, ça concerne toujours une projection sur l’avenir plus ou moins proche. Ça va de « si je rentre trop tard ce soir, je ne vais pas réussir à dormir et je serai fatiguée demain » à « Où est ce que je vais fêter Noël quand mes parents ne seront plus là ? ». Quand ça m’arrive, je réfléchis toujours au scénario positif alternatif. Souvent, ça me demande un effort, ce n’est pas le premier réflexe qui me vient. Alors je me fustige quand j’ai encore passé deux heures à ruminer sur un évènement qui ne se produira certainement pas. Mais au moins, je n’y ai passé que deux heures et pas une semaine !

Je fais des tas de listes, souvent à la demande de ma psychologue, parfois parce que j’en ai l’idée moi-même. J’ai fait la liste des choses que j’aimais bien chez moi (surprise j’en ai trouvé plein !), des choses que j’aimais moins, de mes expériences de vies réussies et ratées (je n’ai quasiment rien trouvé à mettre dans cette colonne, ce qui veut dire beaucoup…). J’ai dû demander à mes proches de faire la même chose (ce qui est très délicat) et les réponses que j’ai eues m’ont beaucoup touchée, mais je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas à les intégrer complètement… J’ai aussi fait une liste de tout ce qui m’était arrivé de bien aussi pendant les deux dernières années que je voyais si difficiles. Et il y en a eu des tas. Des voyages, des rencontres, des retrouvailles, de nouvelles expériences, des blocages surmontés. Tout ça me fait comprendre et réaliser la force que j’ai, même si j’ai encore du mal à l’admettre. J’ai enfin fait une liste de tout ce que j’aimais et que je voulais faire. Dans cette liste, j’ai réfléchi très largement et je suis allée de « me perfectionner en italien » à « me lancer dans les travaux de ma salle de bains » en passant par « rechanter devant un public », « faire une thalasso », « retrouver du sens dans mon travail » et « surmonter ma peur de l’eau ». Régulièrement, je reviens sur cette liste et je rajoute des choses, et surtout je coche ce que j’ai fait. Cela me permet de voir le chemin accompli, et tout ce que j’ai fait alors que je n’aurai jamais eu le courage avant.

Mon chemin est encore long, mais plein d’espoir. Un jour, j’arriverai probablement à intégrer que je suis quelqu’un de bien, qu’il m’arrive de belles choses, que je ne suis pas toujours obligée de tout contrôler et de tout comprendre. Que quel que soit le futur que le destin me réserve, j’ai déjà le principal : je suis en vie, je suis aimée, et j’ai l’avenir devant moi pour faire tout ce qui me fait plaisir.

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2 commentaires sur “Passer du sombre à la lumière

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