Et vous dire au revoir

Et vous dire au revoir

J’ai eu une chance incroyable, insolente, démesurée. Pendant presque 32 ans, j’ai eu deux de mes anges gardiens avec moi sur terre. Depuis ma naissance, ils ont veillé sur moi. Toujours là, toujours bienveillants. Ils font partie des cinq piliers qui m’ont aidée à me construire durant mon enfance :

  • Mon grand-père maternel
  • La femme de mon grand-père maternel, ma grand-mère par alliance.

Depuis, mon mari est venu ajouter un sixième pilier à ce support indéfectible. Malheureusement, début 2020, en même temps que la France découvrait notre amie COVID-19, j’ai vu deux de mes piliers se fissurer. Le premier a été grignoté par cette horreur qu’est le cancer des os, récidive d’un cancer du sein qu’on croyait loin derrière nous. Le deuxième s’est érodé à l’idée de devoir enterrer une fois de plus la femme qu’il aime. Et j’ai vu mon socle s’affaisser au fil des mois jusqu’à s’effondrer.

La relation avec mes grands-parents

Mes grands-parents sont exceptionnels. Tout ce que je vis depuis des mois m’a fait repenser à leur rôle dans ma vie. Ils font partie des rares personnes à qui je n’ai rien à reprocher du tout. Ils ont toujours été à la hauteur de ce que je pouvais attendre d’eux et même plus.

Je n’ai senti de leur part que de l’amour et de la fierté. Toujours là en support. Toujours présents dans les pires et les plus beaux moments. Un soutien inébranlable qui m’a permis d’être celle que je suis aujourd’hui. Une bulle d’amour et un refuge où je pouvais aller quand j’avais besoin d’une parenthèse.

Ils font partie des grands-parents qui étaient présents au quotidien (j’ai des souvenirs d’eux m’emmenant à mes – trop nombreuses – activités extra-scolaires) mais aussi des grands-parents chez qui on passait des vacances. Par choix. J’ai demandé jusqu’à mes 15 ans (voire plus) à aller passer des vacances chez eux. C’était chouchoutage, musées et activités choisies pour nous faire plaisir. Pourtant, ma mère étant professeure des écoles, ils n’étaient pas obligés de s’impliquer pour pallier des horaires de travail trop étendus. Ils l’ont toujours fait par plaisir et c’était réciproque.

Si je devais résumer cette relation, je ne pourrais parler que d’amour et de complicité.

Crédit photo : photo personnelle

Si je devais parler d’eux, je dirais à quel point ils étaient dans le coup. Qu’ils n’ont jamais arrêté de vouloir apprendre et découvrir notre monde. Ma grand-mère toujours avec ses smartphones plus récents et à la pointe que les miens. Mon grand-père et ses cours d’informatique. Leur rituel du concours Lépine qui leur permettait tous les ans de nous faire découvrir des nouveautés. Leur traditionnel passage annuel au salon de l’agriculture. Leur ouverture face à tout ce qu’on voulait leur faire tester (et qui nous a valu des fou rires mémorables avec la découverte de certains plats pas du tout au goût de mon grand-père). Leur amour des musées (et le restaurant du musée d’Orsay devenu leur cantine). Leur amour de la vie qui n’a jamais terni tout simplement.

J’aurais tellement de choses à raconter sur eux que cet article n’en finirait jamais.

Ce que mes enfants ne connaîtront jamais

Je ne peux m’empêcher de faire la liste de tous ces souvenirs d’enfance ancrés en moi. Qui m’ont construits et que mes enfants, trop jeunes, ne connaîtront jamais.

  • Le placard à carambars
  • L’odeur de la salle des machines
  • Les concombres quadrillés
  • Le marbré
  • La traditionnelle blague « t’as une tâche pistache »
  • Les apéritifs mini saucisses/dés de jambon/moutarde
  • Les cartes de vacances auxquelles on rajoute une feuille pour raconter plus que l’espace disponible
  • Les contrepèteries un poil salaces, racontées avec un sourire coquin sous l’œil désapprobateur (tout autant que complice) de l’autre
  • Le bruit du couteau électrique qui découpe le gigot de Pâques
  • Le sapin naturel qui sent bon au milieu du salon avec la crèche à ses pieds

La liste est longue de tous ces petits bonheurs qu’ils nous ont apportés.


Je dis souvent que je n’ai besoin de personne. Que je n’ai pas de « dépendance affective » et que personne n’est indispensable dans ma vie. Mais je crois que tout ça m’a fait réaliser que, si, quelques personnes m’étaient nécessaires. Et je me retrouve comme une petite fille apeurée. Je ne sais pas encore comment vivre sans eux. Je n’ai jamais eu besoin d’envisager de façon aussi palpable l’idée d’avoir à le faire. Je pensais avoir du temps pour me préparer doucement. En vrai, sans ce cancer, j’étais censé avoir du temps avec ma grand-mère, beaucoup de temps même. Je suis en colère et détruite. Apeurée et folle de rage. Perdue et à la fois bien trop ancrée dans la réalité.

Je ne suis pas prête tout simplement. Peut-on rembobiner l’année, que mon cœur ait le temps de se préparer s’il-vous-plaît ?

15 commentaires sur “Et vous dire au revoir

  1. Malheureusement, les regrets vis-à-vis de tes enfants vont durer… j’ai perdu un de mes pilliers en 2014, il m’arrive encore de me dire « il aurait fait un grand-tonton parfait, ma fille en est privée ». Je lis parfois la même chose dans le regard de mon mari avec sa grand-mère disparue l’année de naissance de notre fille. C’est doux amer mais on apprend à vivre avec, parce qu’on n’a pas le choix. Je te présente toutes mes condoléances et te souhaite un deuil plus serein au fur et à mesure que le temps passera. Gros câlin ❤

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  2. Je suis très triste d’apprendre pour tes grands parents. Je te souhaite beaucoup d’amour et de courage pour traverser cette période. Pour moi l’indépendance affective n’est pas incompatible avec tenir très fort à quelqu’un, ça veut seulement dire que tu trouveras au fond de toi la force qu’il faut pour te relever de ce coup bas de la vie 😉
    Tes enfants ne connaîtront pas tes grands parents mais ils auront bien d’autres souvenirs à eux, qu’ils pourront raconter à leurs enfants eux aussi un jour ❤

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  3. Je suis très triste pour toi mais je suis sûre que tes enfants connaîtrons leurs arrières grands-parents à travers tes récits. (Même si ça ne remplace pas leur présence.)

    Pour moi les choses sont plus tranchées.
    J’ai perdu un de mes papys jeunes et j’ai toujours regretté qu’il n’ait pas rencontré mon mari et inversement. Je suis sûre qu’ils se seraient bien entendu. Suite à cela ma mamie qui étaient pourtant très affectueuse petite, probablement à cause de sa peine, à arrêté de s’intéresser à ses petits enfants (et arrière petits enfants). Si on appelle et va la voir, elle est contente mais elle ne fait plus de gestes vers nous. Après tant de bons moments ensemble, c’est dur d’avoir une relation à sens unique.
    Et de l’autre côté, ils ont toujours été attentifs et très intéressés mais ne savent pas montrer leur affection. Et depuis 2 an, la maladie me les prends. Ils perdent leurs repères, leurs intérêts…
    Donc pour les trois qu’il me reste, si je suis heureuse qu’ils soient encore en vie, ce ne sont plus mes grands-parents. Ils n’ont plus rien en commun avec ceux de ma jeunesse, avec lesquels je parlais et qui s’occupaient de moi.

    Avec mes parents et mes beaux parents, on a commencé à remplir des livres sur leurs vies pour que s’ils partent trop tôt mais enfants les connaissent quand même, aient des petites anecdotes sur leur vie et surtout sachent que leurs grands parents les adoraient.

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  4. Mais si ce sont de tristes circonstances (plein de pensées à vous!), ça reste un si beau témoignage d’amour : chacun d’entre nous serait tellement heureux et honoré que de savoir que quelqu’un pense de si belles choses de nous! Même si elle aura malheureusement une fin un jour, votre relation est rare!

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  5. C’est un article plein d’amour et de tendresse que tu nous livres.
    Je te souhaite plein de paix et de courage dans cette épreuve.
    Ici je ne me remets pas du décès de ma grand-mère, partie il y a 5 ans. Je suis incapable d’aller sur sa tombe tant je suis dans le déni . Elle était tellement pour moi

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  6. Ton article est très beau, et il fait écho à la perte de mes grands-parents maternels il y a déjà 8 ans pour moi. Comme pour toi,, mes grands-parents étaient (et sont pour ma mamili qui me reste ❤ ) un socle pour moi et m'ont aussi beaucoup apportés. Et je suis aussi triste que mes enfants ne connaîtront pas tout ce que j'ai pu avoir avec eux. (et donc les cakes marbrés aussi etc.)
    Mon grand-père est décédé du diabète qui le rongeait depuis longtemps et ma grand-mère est décédée le soir de l'enterrement de l'amour de sa vie, après qu'on soit tous venus la voir. C'est comme si elle avait voulu le rejoindre mais qu'elle attendait que nous ayons tous pu lui dire au revoir. On y a vu une magnifique preuve d'amour. C'était très dur malgré tout. Je suis donc de tout coeur avec toi. Accroche-toi à ces souvenirs ❤ !

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